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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mardi 15 novembre 2011


Le cerveau, objet technologique (7/8) : et Dieu dans tout ça ?


Comprendre le fonctionnement du cerveau est l'un des enjeux de la convergence des technologies à la fois parce qu'il est devenu un objet de technologie, mais également parce l'étude de son fonctionnement permet d'envisager des technologies pour dépasser ses limites. C'est ce que va essayer de nous faire comprendre Rémi Sussan dans ce dossier d'InternetActu.

Jusqu'ici, les méthodes de hacking cérébral que nous avons survolées dessinent une image morcelée et souvent incohérente du cerveau : les diverses fonctions (la mémoire, la perception, l'action, la décision, l'émotion) semblent toutes inextricablement imbriquées les unes dans les autres sans pour autant que ce réseau complexe d'interactions ne dessine une totalité compréhensible. Pourtant, ce n'est pas notre expérience quotidienne : je ne suis pas un ensemble plus ou moins emberlificoté de fonctions, "je" suis présent, et c'est cette présence qui me définit plus que l'état de ma mémoire de travail ou les produits chimiques qui circulent entre mes synapses. C'est ce que le philosophe australien David Chalmers appelle le "problème difficile" : celui qui est posé par le passage des fonctions multiples découvertes par les sciences cognitives à l'existence d'une conscience de soi capable de ressentir l'expérience. Autrement dit, pourquoi chacun d'entre nous a-t-il la sensation d'exister en tant qu'individu et n'est pas qu'une simple machine à traiter les informations ? Et que dire des activités humaines les plus importantes, tels l'art, la culture, la spiritualité ?
La religion, justement, parlons-en. On l'aime ou on la déteste, mais une chose est sûre : d'un point de vue neuroscientifique, c'est un sujet compliqué ! Elle constitue un terrain idéal d'investigation pour comprendre les fonctions les plus complexes du cerveau. Elle est donc un bon moyen de se frotter au "problème difficile" qu'évoquait Chalmers. Au coeur du phénomène religieux se trouve "l'expérience de signification" : lors de certaines activités, grâce à certaines croyances, le monde devient porteur de sens. Peu importe que ce sens soit porté par des croyances obsolètes ou contradictoires entre elles. Y a-t-il une chimie, une biologie de la signification ? Notre expérience spirituelle a-t-elle des fondements biologiques, chimiques, cognitifs qui l'expliquent au moins en partie ? Si nous pouvions agir à ce niveau là du cerveau, travailler directement sur nos motivations les plus profondes et notre perception du monde cela vaudrait certainement tous les systèmes de jeux cognitifs du monde, non ?...

Les débuts troublés de la neurothéologie

Le paradis par Jérôme Bosch
Si le mot "neurothéologie" est nouveau, l'idée, elle ne l'est pas. C'est même à cause d'elle que se sont déroulés les premiers débats et conflits politiques sur le "hacking" du cerveau.
Tout a commencé dans les années 60, lorsque les adeptes des drogues psychédéliques comme le LSD, la psilocybine ou la mescaline ont prétendu que ces molécules était capables de "brancher" directement les zones du cerveau activant le sens du sacré. L'une des expériences les plus connues dans ce domaine est celle de Walter Pahnke. Celui-ci, sous la houlette de ses directeurs de thèses Timothy Leary et Richard Alpert, fit absorber à une équipe d'étudiants en théologie une dose de psilocybine, tandis qu'un groupe témoin se voyait distribué un placebo (de la vitamine B3). 9 sujets sur 10 proclamèrent alors avoir eu une expérience mystique (ce que n'éprouvèrent pas les sujets du groupe test, évidemment). Bien sûr, c'était une époque (1963) où le sujet était abordé plutôt calmement ; l'époque où les expériences d'Aldous Huxley avec la mescaline recevaient une critique favorable de la National Review, organe de presse des conservateurs américains. C'était avant les hippies, les Beatles et les Stones, avant que Richard Nixon ne dise du directeur de thèse de Panhke, Timothy Leary, "qu'il était l'homme le plus dangereux des Etats-Unis" et ne le fasse jeter en prison. Après une longue période de tabou et d'hystérie, les choses tendent à se calmer, et en 2006 une équipe de la John Hopkins University a confirmé les travaux de Panhke : 60 % des sujets prenant de la psilocybine décrivirent avoir éprouvé une sensation de type mystique, et pour un tiers, il s'agissait même de l'expérience spirituelle la plus significative de leur vie.
D'un autre côté, force est de reconnaître que les évènements des années 60 ont montré que les extases théologiques étaient loin de toucher la majorité des utilisateurs de psychédéliques, qui y voyaient plutôt un bon moyen pour s'éclater. En fait, l'usage de ces produits semble hautement dépendre du contexte de la séance, et des attentes de leurs utilisateurs. D'ailleurs, le peuple guerrier des aztèques était très friand de ces psychédéliques et cela ne les a pas pour autant converti au Flower Power. Une preuve de plus que ces produits ne nous permettent pas de faire l'impasse sur la culture, la personnalité. Les "problèmes difficiles" nous échappent toujours...
Reste que ces molécules nous donnent peut-être quelques indices sur la manière dont l'expérience spirituelle se manifeste dans le cerveau. Leur mode d'action est encore un peu mystérieux, mais il semblerait bien qu'ils aient pour point commun (à part la mescaline, légèrement différente) de posséder une structure chimique ressemblant à un important neurotransmetteur, la sérotonine, impliquée dans la régulation de l'humeur.
A cause de cette similarité, le psychédélique peut agir de deux façons : il peut être un antagoniste de la sérotonine, c'est-à-dire inhiber son usage dans le cerveau, ou un agoniste, c'est-à-dire activer sa production.
Le problème, c'est qu'il semble bien que les chercheurs aient du mal à se mettre d'accord sur l'effet obtenu. Certains symptômes (excitation, montée du rythme cardiaque, émotions très fortes) laissent à penser qu'il s'agirait d'un antagoniste. Mais toute la gamme des effets "extatiques", mystiques, pourrait plutôt indiquer qu'il s'agit d'un agoniste.
Allan Hobson, l'un des plus grands spécialistes du rêve, penche plutôt pour la solution antagoniste. Comme il l'explique dans son livre The Dream Drugstore, les drogues psychédéliques nous placeraient dans un état proche de celui du rêve, mais les yeux ouverts. Cet état se caractérise effectivement par un blocage de la sérotonine, qui du coup laisse le champ libre aux centres émotionnels du cerveau. Cela a pour effet de faire ressortir les sensations primaires d'angoisse et de peur liées à la survie. Ce qui explique que la plupart des rêves soient plutôt inquiétants, même lorsqu'il ne s'agit pas de cauchemars et que bien des "voyages" au LSD commencent comme des "mauvais trips". Et les extases mystiques ? Hobson ne s'étend pas dessus, mais note que la sérotonine a aussi tendance à inhiber ladopamine, la molécule qui nous récompense lorsque nous avons réussi quelque chose. Du coup, les montagnes russes émotionnelles pourraient parfois être ponctuées par des "shoots" ponctuels de dopamine libérée par le blocage de la sérotonine.
Il se pourrait bien que la sérotonine, en dehors de toute prise de drogue, joue un rôle fondamental dans l'expérience religieuse. En effet une équipe d'expérimentateurs suédois a soumis une série de patients à un questionnaire de personnalité avec une série d'interrogations sur leur "rapport à la transcendance". Ils ont découvert que ceux qui avaient le plus haut score dans ce domaine possédaient une moins grande densité de récepteurs à la sérotonine. Pour le concepteur de l'expérience, Lars Farde, la sérotonine servirait de filtres à un certain nombre de pensées et sensations qui seraient plus libres de parvenir à la conscience lorsque son action est inhibée, permettant d'éprouver des expériences ou des perceptions inusuelles. Mais ce n'est qu'une hypothèse, car on n'est pas sûr qu'une densité moindre de récepteurs à la sérotonine implique obligatoirement une quantité moindre de sérotonine dans le cerveau.
Bref, si on sait que la sérotonine joue un rôle important, on ignore encore lequel exactement. Et elle n'agit certainement pas seule, dans une complexe interaction avec les autres neurotransmetteurs : dopamine, noradrénaline, acétylcholine, etc. Notre cerveau semble plus sensible au cocktails qu'aux substances pures.

Zen, mantras et prières

Le jardin zen du Ryoan-Ji
Après les drogues, la méditation est devenue un autre sujet d'intérêt et de controverse pour les neurothéologiens. Pourtant, là, l'ambiance devrait être plus calme, me direz-vous. Détrompez-vous ! Les études sur la méditation peuvent s'avérer aussi lourdes de connotations idéologiques que les drogues. Ainsi, lorsque le Dalaï-Lama voulut se rendre à un colloque sur la neuroscience en 2005, une vive protestation se fit entendre de la part d'un groupe de scientifiques qui y voyait une tentative de mainmise de la religion sur la science. Certes, les chercheurs en question étaient d'origine chinoise (mais travaillant aux Etats-Unis), ce qui a du jouer un certain rôle dans leur protestation, cependant cet événement montre bien à quel point ce sujet peut amener à s'interroger sur une possible confusion des genres.
Dans le même ordre d'idées, on peut s'irriter que bon nombre de neuroscientistes travaillant sur le chant de mantras (technique de méditation consistant à chanter un son pendant un temps très long) s'obstinent dans leurs études à nommer cette pratique "TM" (Transcendantal Meditation). Le chant de mantra est aussi vieux que l'Inde, mais on trouve aussi son équivalent dans bien d'autres religions, comme leChristianisme orthodoxe ou l'Islam soufi. "TM", en revanche, est un terme plus récent qui fait ouvertement référence au mouvement fondé par le Maharishi Mahesh Yogi, ex-gourou des Beatles et personnalité fort contestée. C'est dire si dans ce domaine le moindre terme peut être chargé de connotations ! Pourtant, on ne compte plus les études sur les bienfaits de la méditation. Elle améliorerait les facultés d'attention, dissiperait le stress, etc.
Et l'expérience mystique ? Andrew Newberg et son équipe de l'université de Pennsylvanie ont examiné le cerveau de moines bouddhistes lorsque ceux-ci atteignaient le plus haut niveau de leur méditation, le moment où ils avaient l'impression de fusionner avec l'univers entier. Selon cette recherche, les techniques mystiques agiraient sur une petite zone du cerveau qui détermine notre orientation dans l'espace et la conscience des limites de notre corps. En inhibant le fonctionnement de cette zone, nous perdons le sens des limites et entrons dans la conscience cosmique. CQFD. Avons-nous trouvé là une technique qui nous permettrait d'expérimenter les états mystiques sans recourir à la croyance religieuse ?
Ray Kurzweil, qu'on pourrait difficilement suspecter de religiosité exacerbée, propose dans Serons nous immortels ? une technique de méditation "agnostique", inspirée du mantra, mais basée sur des sons sans signification, et bien sûr, sans gourou. Mais est-il possible de poursuivre la pratique (difficile) de la méditation sans aucun contexte mythico-religieux susceptible d'entretenir la motivation du pratiquant ?
Il serait intéressant de faire une étude sur le nombre de méditants purement utilitaristes, qui ne font référence à aucune sorte de culture religieuse et de voir s'il sont en mesure de poursuivre leur pratique pendant des années sans fléchir. Après tout, même le Zen, qui est considéré comme l'approche la plus épurée, la moins religieuse de la méditation, offre en réalité tout un contexte rituel, intellectuel et esthétique susceptible de motiver ses adeptes. De plus, certains pratiquants de la méditation athée recourent peut-être à des facteurs mythologiques inconscients (comme par exemple, chez Kurzweil, le désir de se préparer à l'avènement de la Singularité !). A l'instar des drogues, la méditation n'échappe donc peut-être pas non plus à la question des attentes de ses adeptes et de l'environnement culturel.
Mais si l'Orient ne vous sied pas, les bonnes vieilles méthodes occidentales fonctionnent aussi. L'équipe de Newberg a également scanné le cerveau de nonnes et a trouvé des résultats similaires à ceux trouvé chez les bouddhistes : la même zone du cerveau, que les auteurs nomment "l'aire associative d'orientation" et qui gère notre rapport à l'espace, voyait son activité décroitre. Chaque pratique présente sa spécificité. Ainsi, le moine Zen verra son cortex préfrontal (qui gère la planification) fortement activé, ce qui indique une pratique intense de la concentration. Au contraire, la recherche de Newberg sur des femmes se livrant à laglossolalie, cette prière chantée dans une langue qu'on ne comprend pas, a montré une baisse d'activité du même préfrontal. La glossolalie est une pratique répandue dans certains groupes chrétiens qui consiste, au moment de l'extase, à se mettre à prononcer une suite incompréhensible de syllabes. Un tel type de transe impliquerait, selon Newberg une perte du contrôle exercé habituellement par le préfrontal.

A la recherche de la zone Dieu

Après les drogues et la méditation, pourquoi pas l'électronique ? On a vu que la stimulation magnétique transcraniale (TMS) semblait recéler des potentialités intéressantes. Peut-on l'utiliser pour étudier l'expérience mystique ?
Michael Persinger a fait beaucoup parler de lui avec ses expériences sur la TMS. Ce neuroscientiste canadien prétend en effet depuis des années avoir découvert la "zone Dieu" du cerveau. Il suffirait d'appliquer convenablement les ondes sur le crâne du patient pour lui faire prendre conscience de l'existence d'un "Autre" dans lequel, selon la culture, on peut voir Dieu, le Christ ou un esprit. Ses recherches n'ont pas convaincu tout le monde. Le biologiste Richard Dawkins, porte-parole de l'athéisme anglo-saxon (et dont le livre Pour en finir avec Dieu a été traduit récemment en français), a essayé la machine et n'a rien vu du tout, ce qui laisserait à penser que les attentes culturelles jouent un grand rôle dans la machine de Persinger comme dans l'usage des drogues ou la méditation. Une équipe suédoise a également tenté de répéter les expériences de Persinger sans obtenir les résultats escomptés.
L'idée de l'existence d'une "zone Dieu" bien spécifique semble aujourd'hui s'éloigner. Une récente étude de Mario Beauregard de l'université de Montréal sur le cerveau de 14 nonnes carmélites a montré que l'extase mystique produisait des effets sur un grand nombre de zones cérébrales différentes. Un exemple de plus qu'on ne peut pas s'attaquer à des phénomènes mentaux complexes avec des explications trop simples.

Rituels, mythes, sacrements...

Masque Fang du musée du Louvre
L'expérience mystique reste l'apanage d'une rare catégorie de praticiens chevronnés. La plupart des croyants se contentent d'une approche plus légère : participation aux rites, adoption de divers mythes... Mais ces pratiques ont-elles aussi une répercussion dans le cerveau ? Newberg et Aquili expliquent ainsi le rôle du rituel, dans leur livre Pourquoi Dieu ne disparaitra pas : celui-ci consiste tout d'abord à adopter un comportement "bizarre", en tout cas différent du quotidien, avec pour conséquence de réveiller l'amygdale (qui réagit en cas de danger), ce qui, combiné à des gestes et des stimuli répétitifs susceptibles de réduire la tension et de provoquer des sensations agréables, donnerait cette caractéristique propre au Sacré d'être à la fois terrifiant et attractif.
Lorsque le rite se base, non plus sur des actions lentes, mais au contraire très rapides (danses frénétiques ou tournoyantes, transes, etc.), le résultat serait un peu différent. La surcharge de stimulation neurale ferait perdre le contrôle à l'hippocampe, dont le rôle de "chien de garde" consiste à réguler le flux d'information. Cela amène cet organe à réagir en baissant la quantité d'informations externes reçues par certaines parties du cerveau, et notamment, cette fois encore, "l'aire associative d'orientation".
L'anthropologue Pascal Boyer s'est intéressé lui aux croyances et aux mythes, et comment notre cerveau les fabrique. Selon les sciences cognitives, le cerveau contiendrait différents modules "précablés" nous aidant à reconnaître ce qui nous entoure. Par exemple, il y aurait un module spécialement consacré à la reconnaissance des visages, un qui reconnaitrait tout ce qui est vivant, etc. Pour Boyer, au centre de la création de mythes se trouve une "violation ontologique" : autrement dit, on active simultanément deux modules du cerveau incompatibles. C'est ce paradoxe qui marque les mémoires et sert de base aux mythes et religions. Par exemple, explique-t-il dans son livre Et l'homme créa les dieux, la grande question à laquelle cherchent à répondre les rites funéraires n'est pas d'ordre métaphysique, mais bien plus pragmatique : "que va-t-on faire du corps ?" En effet, un cadavre, par sa nature même est une violation ontologique des catégories cérébrales. Il s'agit manifestement d'une personne, mais c'est aussi un "objet". Les différents rites et mythes auraient avant tout pour but de conjurer cet inquiétant paradoxe.
Comme on le voit, on aurait tort de se concentrer exclusivement sur les aspects "spectaculaires" de l'expérience mystique. Le simple geste d'assister à une cérémonie, d'allumer un cierge, voire de lire un mythe, une histoire sacrée ou même un conte de fées pourrait être liés à certains modes de fonctionnement de notre cerveau.

Le futur de la religion

Peut-on manipuler ces systèmes religieux et mystiques ? On raconte que l'expérience avait été tentée il y a bien longtemps par Hassan Ibn Sabbahle "vieux de la montagne" à la tête de l'ordre des assassins, comme le raconte l'histoire de la forteresse imprenable d'Alamut dans le Nord-Ouest de l'Iran actuel. Pour s'assurer de la part de ses disciples un fanatisme absolu, il leur faisait ingérer une drogue (on a soupçonné le haschich, et on a même prétendu, probablement à tort que le mot "assassin" venait de hashishin), puis les réveillait dans un jardin merveilleux entouré de splendides jeunes Houris. Les soldats étaient persuadés d'avoir vu le paradis et étaient à partir de ce moment prêts à sacrifier leur vie pour le Maitre. Réalité ou légende ? En tout cas, toutes les tentatives pour utiliser ce type de techniques pour effectuer des lavages de cerveau ont pour l'instant échoué : la CIA a essayé dans les années 50 avec le LSD pour peu de résultats. Mais rien n'indique qu'on en restera là.
Rick Strassman, auteur d'un fameux livre sur le DMT (l'un des plus puissants psychédéliques, dont la particularité est d'être produit par le cerveau humain) n'hésite pas à imaginer des manipulations génétiques qui boosteraient notre capacité à produire naturellement cette substance. Selon le magazine Slate : "un généticien intelligent et sans scrupules pourrait nous transformer en mystiques sans notre consentement en produisant un virus capable de provoquer cet effet."
Pour le chimiste Alexander Shulgin, spécialiste des drogues psychédéliques, un accès trop aisé à l'expérience mystique pourrait donner des résultats inquiétants :"Si nous accédons trop facilement à la béatitude mystique", a-t-il expliqué au journaliste de Slate"il n'y aura plus de motivation, plus de désir de changer quoi que ce soit, plus de créativité." Mais l'histoire ne nous montre-t-elle pas au contraire que les mystiques ont toujours disposé d'une énergie redoutable, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire ?
Toujours est-il que si, comme le disent Newberg et Aquili, "Dieu ne disparaitra pas", si le sentiment religieux est une production naturelle de notre neurochimie, alors il est temps de se poser la question du Sacré dans la société future en de nouveaux termes. Allons-nous vers des "designers de religions" comme on parle déjà de "designers de drogues" ? De nouvelles sacralités conçues sur mesure pour manipuler notre taux de sérotonine ou l'activation de notre amygdale ?... Allez savoir !
Rémi Sussan
Ce dossier est paru originellement de janvier à février 2009 sur InternetActu.net. Il a donné lieu à un livre paru chez Fyp Editions : Optimiser son cerveau.

La médecine est une science humaine


Dr Marie-Hélène Gras-Gonin, Dr Jean-Marie Villain, la médecine est une science humaine, l'auriez-vous oublié (voir Le Généraliste n° 2578, p. 3). En ne sélectionnant que des candidats ultra-performants en sciences exactes et nuls en sciences humaines, leurs choix ultérieurs ne sont malheureusement que trop prévisibles : peur du relationnel et refuge dans la technique, peur de l'imprévu et refuge dans ce qui est connu, peur de ne pas maîtriser le temps et refuge dans les horaires stricts, peur d'assumer seul et refuge dans les groupes, peur de prendre ses propres responsabilités et refuge dans les décisions collégiales ou multidisciplinaires. Ils ne connaissent que le mot pluridisciplinaire (ou multidisciplinaire), c'est-à-dire quand on se met à plusieurs, de spécialités différentes, sur le même problème, alors que l'approche transdisciplinaire est la seule voie féconde, pratiquée par un seul puisant dans toutes les sciences humaines et utilisant un peu de technique.

Nous étions autrefois dans toutes les instances décisionnaires et maîtres de nos décisions et de notre sort; les nouveaux arrivés ne sont nulle part et subissent en pleurant des décisions prises par d'autres : ils sont plus à plaindre qu'à critiquer car on les a laissés s'engager sur certaines voies sans avoir vérifié qu'ils avaient les aptitudes pour prendre ces chemins libéraux. D'ailleurs, ils n'en veulent pas et se réfugient dans le salariat ou ce qui y ressemble. Une réforme des critères de sélection s'impose d'urgence car toute formation ultérieure est ensuite inutile, surtout quand le nombre n'y est pas (4 000 pour en remplacer 8000, ça ne pouvait à l'évidence pas aller) on ne transforme pas des bourrins matheux en chevaux de course tandis que des chevaux de course humanistes peuvent éventuellement labourer. Bien confraternellement.
Dr Jean-Louis Ibanez, Angoulême (Charente)



« Pas de bonne psychiatrie dans des locaux indignes »

ANDRÉ VANTOMME président du conseil de surveillance du centre hospitalier interdépartemental (CHI)

C.G. | Publié le 11.11.2011, 07h00

HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DE CLERMONT, HIER. Ce pavillon, désormais vide, faisait partie de la série d’unités pointées par l’Igas et fermées depuis.

HÔPITAL PSYCHIATRIQUE DE CLERMONT, HIER. Ce pavillon, désormais vide, faisait partie de la série d’unités pointées par l’Igas et fermées depuis. | (LP/O. ARANDEL.)

Zoom

Nos révélations sur le rapport confidentiel de l’inspection générale des affaires sociales, pointant des « maltraitances institutionnelles » et des « conditions d’accueil des malades indignes » à l’hôpital psychiatrique de Clermont, n’ont pas laissé indifférents. Hier, représentants politiques et dirigeants de l’établissement, l’un des dix plus grands de France dans sa spécialité, sont revenus sur l’épais document rédigé fin 2010. 
En 220 pages, l’inspection générale (Igas) décrit « un établissement qui offre le meilleur et le pire » et demande une « reprise en main de tous les personnels ». Locaux en mauvais état et mal aménagés, « pratiques soignantes défaillantes », l’enfermement « en permanence » employé dans certains services sont notamment épinglés.
Depuis la remise de ce rapport, des corrections ont été apportées et d’autres sont en cours, comme le précise François Maury, directeur par intérim. « C’est en bonne voie et, d’ici à quelques semaines, nous ferons un premier point », explique-t-il. Conseiller général des établissements de santé, rattaché à l’Igas, il a pris la tête de Clermont après le départ contraint de la directrice, en mai. Le fait que le rapport soit resté confidentiel n’est « pas un manque de transparence », selon François Maury, estimant qu’il fallait laisser le temps à l’établissement de réagir.
« On ne fera pas de bonne psychiatrie dans des locaux vétustes et indignes. Il y a nécessité pour l’hôpital de balayer devant sa porte », admettait hier André Vantomme, vice-président socialiste du conseil général et président du conseil de surveillance de l’hôpital de Clermont. Et de poursuivre : « L’Igas a fait un contrôle et nous a permis de faire preuve de lucidité sur nous-mêmes. Mais il faut que cet exercice soit partagé, lance-t-il en ciblant l’Etat et le manque de soutien financier dont a souffert l’hôpital. On ne peut pas faire vivre un établissement comme Clermont sans qu’on y consacre les moyens nécessaires. » Même remarque du côté de la CGT, le syndicat majoritaire : « Pendant des années, on a dit en interne qu’il fallait rénover. »

Une enquête à la suite d’un signalement

L’inspection générale a été saisie en 2010 par la ministre de la Santé de l’époque, , à la suite d’un signalement. Trois enquêteurs ont visité cet hôpital de 900 lits répartis sur 2 gigantesques sites, à Clermont (13 ha) et Fitz-James (60 ha). Leur rapport s’achève sur 54 recommandations dont plus d’une vingtaine à effet immédiat. « On n’a pas la même façon de voir les choses », estime Alain Mougas, de la CGT, à propos du rapport de l’Igas. Lui préfère se concentrer sur le personnel qu’il décrit « en souffrance ».

CLERMONT Le rapport qui fait mal à la psychiatrie

Le CHI a souhaité réagir rapidement à la révélation du contenu du rapport de l'IGAS afin d'éviter tout amalgame avec de la maltraitance volontaire.
Le CHI a souhaité réagir rapidement à la révélation du contenu du rapport de l'IGAS afin d'éviter tout amalgame avec de la maltraitance volontaire.
La vétusté des locaux du Centre hospitalier interdépartemental est au cœur d'un rapport qui vient d'être dévoilé. L'établissement se défend de toute maltraitance physique.
La révélation hier du contenu d'un rapport confidentiel de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), datant de2010, a provoqué un tollé général au sein de l'établissement mis en cause: le Centre hospitalier interdépartemental (CHI). Dans ce document de plus de 200 pages, le terme maltraitance y est employé à plusieurs reprises.
Une maltraitance induite par la vétusté des locaux, qualifiés à plusieurs reprises d'indignes, voire de sordides. Si le CHI a souhaité réagir aussi promptement à ces révélations, « c'est pour éviter l'amalgame: il ne s'agit pas de maltraitance physique, souligne André Vantomme, président du conseil de surveillance du CHI. Cette situation de vétusté n'avait échappé à personne. En2008 déjà, nous demandions à l'ARS (l'Agence régionale de santé) des crédits pour rénover les locaux; demande pour laquelle nous n'avons pas obtenu satisfaction. Mais ce n'est pas pour autant que rien n'a été fait pour améliorer la situation». 

L'inspection de l'IGAS faisait suite au signalement d'une élève infirmière s'inquiétant de certaines pratiques. Un signalement classé depuis sans suite par le procureur de la République. Le CHI se défend en tout cas d'avoir voulu garder secret le contenu de ce rapport.

«Il nous fallait d'abord l'étudier et le mettre en œuvre, note François Maury.54 recommandations avaient en effet été émises; la plupart a depuis été appliqué.Mais il n'était de toute manière pas de notre ressort de décider de le rendre public.Seule l'IGAS pouvait le faire; ce qu'elle n'a pas souhaité».
De son côté, la CGT, syndicat majoritaire au CHI, rappelle qu'elle dénonce «depuis des années les enveloppes allouées à l'établissement, totalement insuffisantes pour effectuer, en temps et en heure, les réhabilitations nécessaires» et pointe également du doigt la diminution des effectifs. «On ne fera pas vivre un établissement psychiatrique de la taille du CHI sans y mettre les moyens nécessaires, l'a rejoint sur ce terrain André Vantomme. Or, comme souvent, la psychiatrie est sacrifiée. Il est temps que les autorités de tutelle comprennent qu'on ne fait pas de bonne psychiatrie sans moyens».
SYLVIE MOLINÈS

FILM

La consultation

TT Film documentaire réalisé en 2005 par Hélène de Crécy

Vendredi 18 novembre 23:10 au samedi 19 novembre 2011 00:40 sur Arte
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SYNOPSIS DE LA CONSULTATION

Dans le huis clos du cabinet de Luc Perino, médecin généraliste, les consultations se succèdent. Parce qu'on a souvent "plus besoin d'un médecin que de médecine", chacun vient déposer ses douleurs, ses joies, ses angoisses et ses demandes...

LA CRITIQUE TV DE TELERAMA DU 27/02/2010

TT Film documentaire d'Hélène de Crécy (France, 2005). 90 mn. Avec Luc Perino.
Genre : chez le médecin.
Un film qui parle de maladie mais qui fait un bien fou. Un film d'écoute. L'écoute de quoi ? Des souffrances de gens comme vous et moi, et plus largement des maux d'une société de plus en plus sous pression, déboussolée, au bord de la panique.
La documentariste Hélène de Crécy s'est glissée dans le cabinet d'un médecin généraliste de la région lyonnaise, Luc Perino, et a filmé ses consultations. Idée toute simple, mais fertile. Un jeune couple qui vient pour une IVG ; un alcoolique jovial qui lutte tant bien que mal contre ses démons ; une femme et ses bouffées d'angoisse ; une accro aux médocs qui « vient faire son marché »...
Autant de cas particuliers que le médecin traite du mieux qu'il peut, donnant son diagnostic tout en s'efforçant de le faire accepter par son patient. Tâche de philanthrope.
Entre ses consultations, Luc Perino livre son point de vue sur l'évolution de son métier (plutôt vers le moins bien), sa responsabilité morale. Lui aussi se sent pris dans des contradictions, acculé à prescrire à la pelle des antidépresseurs ou des arrêts maladie à des personnes surtout malades de leur travail.
« La médecine, c'est le cul de l'entonnoir de tous les problèmes sociaux »,lance-t-il, gardant malgré tout une saine détermination. Il y a bien dans ce petit théâtre de la douleur au quotidien quelque chose de vital.

Jacques Morice
Mardi 15 novembre 2011 de 21h30 à 21h55 sur Arte
Voir dans la grille

SYNOPSIS DE MON MÉDECIN VA CRAQUER

Patients qui font la queue dans l'escalier, médecins épuisés, malades expédiés en quelques minutes : une plongée dans le quotidien des généralistes allemands.



Un chauffeur de bus licencié pour avoir invité un handicapé à utiliser les toilettes du personnel

LEMONDE.FR | 10.11.11

Il s'appelle Makhouf. Conducteur de bus sur la ligne 421, qui rallie la gare de Vaires-sur-Marne à celle de Torcy, cet homme agé de 48 ans a commis l'erreur de permettre "l'accès des toilettes réservées aux conducteurs à un voyageur… handicapé," rapporte le ParisienIl a été licencié par sa direction.

"INTRODUCTION D'UN TIERS DANS UN LOCAL PRIVÉ"
"Le 23 juillet dernier, Jean-Claude, un usager habitué de la ligne, m'a demandé àaller aux toilettes (...) Alors je lui ai ouvert l'accès de notre salle de pause, qui se situe sur l'esplanade de la gare RER de Torcy et qui est équipée de sanitaires,"explique le chauffeur de bus. Un collègue de Makhlouf passe par là. Jean-Claude, la personne handicapée, oublie manifestement de le saluer. "Ils ont eu des mots alors je me suis interposé, poursuit Makhlouf. Mon collègue m'a agrippé au col et je l'ai retenu," raconte le quotidien. Puis intervient un autre collègue de Makhlouf qui profère des menaces à son encontre. Il porte plainte au commissariat.
Mais c'est à la mi-septembre que Makhlouf est convoqué par sa direction, la Compagnie d'exploitation automobile et de transports (CEAT), une filiale du groupe européen Transdev. Il est licencié le mois suivant pour "altercation physique et menaces à l'égard d'un collègue sur (le) lieu de travail" et"introduction d'un tiers dans un local privé". Makhlouf a travaillé vingt ans pour la CEAT"On me reproche un geste humain. Mais comment refuser à un homme handicapé à 80 % de satisfaire un besoin naturel ?" Son avocat a saisi le conseil des prud'hommes.
Le Parisien a pris contact avec le directeur d'exploitation de la CEAT, selon lui, "il est clairement notifié que l'accès aux tiers est interdit, handicapé ou pas. Ce n'est pas nouveau !" La notification est inscrite au règlement par la RATP. C'est la régie qui aurait "gracieusement mis à disposition" le local à l'employeur de Makhlouf.


09/11/2011
Jean-Marie Delarue

“Les droits de la défense doivent l’emporter sur les considérations budgétaires”

Le contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue, s’inquiète du recours accru à la visioconférence dans les audiences de détenus. Il appelle les ministères de la Justice, de la Santé et de l’Intérieur à ne pas abuser de cette technique qui permet des économies.

Dans votre dernier avis (cliquez ici pour télécharger le document) sur l’usage de la visioconférence, en lieu et place des audiences physiques, vous pointez un usage accru du recours à cette technique. Qu’en est-il réellement ?
Toutes les prisons, sauf les plus anciennes, sont aujourd’hui équipées de salles de visioconférence. Les tribunaux de grande instance et les cours le sont également, tout comme un nombre de plus en plus important d’hôpitaux psychiatriques. Dans tous ces établissements, l’usage s’est accru, même si l’on ne dispose pas de chiffres détaillés quant au nombre et à la nature des audiences qui se font par ce moyen. On estime que la visioconférence représente environ 6 % des audiences, soit un peu plus que les 5 % fixés dans une circulaire du ministère de la Justice. Mais personne ne peut le certifier.

Le regrettez-vous ?
Je souhaite que les ministères concernés – Justice, Santé et Intérieur – étudient la question de près. Le recours à la visioconférence touche les lieux de privation de liberté pour étrangers, la procédure pénale – y compris l’exécution de la peine –, mais aussi les hôpitaux psychiatriques depuis la loi du 5 juillet 2011. C’est cette dernière extension qui va toucher des publics particulièrement vulnérables et qui nous a décidés à précipiter la publication de notre avis.

Le développement de la visioconférence est poussé par la nouvelle législation sur la psychiatrie et le besoin de faire des économies en limitant les extractions et transferts de détenus. Or vous notez dans votre avis que faire des économies n’est pas un motif suffisant…
Si je peux comprendre les exigences budgétaires amenant à une diminution des effectifs affectés aux extractions judiciaires, le droit fondamental de la défense doit l’emporter sur ces considérations. Je ne transigerai pas sur ce point. Diminuer le volume des extractions, d’accord, mais pas au point de méconnaître les droits de la défense.

Le législateur doit-il intervenir pour encadrer cette pratique ?
Il ne doit pas y avoir de visioconférence sans texte et c’est pourquoi il faut encadrer la visioconférence lors des demandes d’asile formulées par les étrangers faisant l’objet d’une mesure de rétention administrative. Sur le terrain, c’est à chaque président de juridiction ou responsable de centre de détention de décider dans quel cas la visioconférence peut être admise ou non, sur la base des principes, listés dans l’avis, et dont pourrait s’inspirer le législateur.

Propos recueillis par Xavier Sidaner

BOULOGNE

« Un lieu ouvert sur le monde, sur la vie »

mercredi 09.11.2011, 14:00
«Nous ne  voulons pas plus de lits. Il ne s'agit pas d'enfermer plus.»«Nous ne voulons pas plus de lits. Il ne s'agit pas d'enfermer plus.»
Le directeur de l'hôpital Yves Marlier a inauguré, avec élus et représentants de l'Etat, la nouvelle unité de psychiatrie.

La configuration de la nouvelle unité de psychiatrie est assez novatrice... Oui, c'est clairement un parti pris architectural. Certains patients qui sont en psychiatrie éprouvent des difficultés psychologiques et ont parfois tendance à se renfermer sur eux-mêmes. Notre bâtiment se veut ouvert sur le monde et la vie. C'est pourquoi il est si éclairé et lumineux, avec de très jolis points de vue, notamment sur le val Saint-Martin et les jardins ouvriers. Il est aussi très coloré, avec des couleurs assez vives. Car la couleur, c'est la vie.
Quelle est la nouvelle capacité du centre ?
Nous n'avons pas voulu augmenter le nombre de lits car la volonté n'est pas d'enfermer plus. Il y a différents types de prises en charge en matière de psychiatrie. Aussi, comme dans l'ancienne unité, la structure est en mesure d'accueillir 80 patients. Désormais, nous offrons trois secteurs d'hébergement, correspondant à un accueil différencié des patients selon leur pathologie : une unité de soins de court séjour (25 lits), une unité d'hospitalisation sans consentement (25 lits) et une unité de réhabilitation psycho-sociale (30 lits).
Que va devenir l'ancienne unité ?
Nous travaillons déjà dessus. Nous nous orientons vers une unité de réadaptation neurologique. Elle prendra aussi en charge des malades atteints du sida et du cancer. C'est un projet à court-moyen terme, qui devrait voir le jour en fin 2014.
S.D.