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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 24 juin 2011


La chronique philo de Cynthia Fleury

L’appel, la suite

L’Appel des appels continue sa route. Initié, en janvier 2009, il poursuit sa succession de réappropriations. Le 18 juin dernier, c’était à Brest. Du cœur des métiers, les enseignants, les psychiatres, les psychanalystes, les policiers, les juges, les éducateurs, les journalistes, etc., se sont réunis pour refuser la transformation de l’homme en une série de fonctionnalités, qui confine au meurtre ordinaire de soi et de l’autre. Votre serviteur y était.

Sihem Souid et Gérard Gatineau ont dénoncé, dans leur atelier, la logique du chiffre et du faux rendement dans la police, soit le devenir quasi commercial de cette police, la mise en scène des perquisitions, la création des reconduites à la frontière pour faire grimper les statistiques, la banalisation des discriminations. Loin de mettre en accusation toute la police, Sihem Souid plaide, au contraire, en faveur de la création d’un comité éthique susceptible d’avoir et l’autorité et la légitimité pour réformer ce genre de comportements. 
On lui oppose le droit de réserve, en oubliant un peu vite que l’article 40 du Code de procédure pénale rappelle que « toute autorité constituée, tout officier public 
ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit 
est tenu d'en donner avis sans délai au procureur 
de la République et de transmettre à ce magistrat 
tous les renseignements, procès-verbaux et actes 
qui y sont relatifs ».

Roland Gori est revenu également sur le projet de loi sur les hospitalisations sans consentement 
en psychiatrie, permettant notamment les soins non consentis à domicile, 
qui est actuellement en examen en seconde lecture 
au Sénat. Le souci : ce dernier, proprement délétère 
et liberticide, est désireux de transformer la psychiatrie en dépistage et gestion des risques, bien loin 
de ses réalités initiales de soin et d’accompagnement des individus en grande difficulté.

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Réforme de la Psychiatrie : Nous exigeons toujours le retrait du projet de loi (USP)

 Alors que Sénat débattait en deuxième lecture du Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge, à Paris et dans de nombreuses régions des rassemblements se sont organisés pour faire du 15 JUIN 2011 : UNE JOURNÉE de REFUS.

Il s'agissait notamment de défendre la déclaration commune rédigée durant le week-end de Pentecôte par de très nombreux organisations, associations, collectifs et partis politiques, bien au-delà des professionnels de la psychiatrie(1).

A LILLE, La "CAGEAUZAUTRES" dont ce fut la 4e participation à une manifestation, a pu accueillir un noyau dur d'une douzaine de personnes et quelques dizaines de "visiteurs". Les aumôniers des EPSM de la régions, des travailleurs sociaux, des infirmiers, des psychologues, des psychiatres, des usagers de passages, quelques "indignés" venus manifester leur solidarité, ont pu entrer et sortir librement de la cage. Les syndicats de psychiatres étaient pour la plupart représentés, Sud santé sociaux, quelques militants CGT, de nombreux jeunes psychiatres et psychiatres en formation étaient présents.

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Psychiatrie: Sans Loi ni foi!


Le Dr Yvan Halimi est psychiatre à La-Roche-sur-Yon. Il est président de la conférence des Commissions médicales des Hôpitaux psychiatriques. Référent et rassembleur il réagit à l’annonce d’un nouveau plan psychiatrie santé mentale.

FA: Qu’attendez-vous du plan psychiatrie santé mentale annoncé par Nora BERRA, secrétaire d’Etat chargée de la Santé ?

Dr Yvan Halimi:
Ce n’est pas d’un plan, par définition non pérenne, dont la psychiatrie française a besoin, mais d’une loi globale. Rappelons que conformément aux recommandations du rapport Larcher, la loi HPST n’a pas traité la psychiatrie, dans la perspective d’une loi globale spécifique d’organisation du dispositif de soin et de prévention annoncée le 8 janvier 2009 par le Président de la République et s’appuyant sur ce qui fonde sa spécificité « le secteur ». Cet engagement a été repris par Mme BACHELOT, alors Ministre de la Santé, devant la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée Nationale lors de l'analyse du projet de loi HPST (n°1441, p.70). Cela revenait à exclure, pour partie, l'organisation de la santé mentale de ce dispositif. Bien au-delà de sa dimension symbolique, cette promesse quant à un texte législatif (complémentaire à la loi HPST et articulé avec elle), repose sur la nécessité de faire une loi et non de renvoyer à la matière réglementaire au regard des arguments juridiques suivants : Le champ à légiférer ne recouvre pas seulement les établissements de santé, mais l’ensemble du tissu concerné par la psychiatrie et la santé mentale, qui est à mobiliser et dont les articulations sont à préciser : médecine de ville, infirmiers libéraux, paramédicaux, acteurs sociaux, collectivités locales, domaine du logement…Une refonte de cette importance, liée à de nombreuses problématiques (financement, …), touche en partie le pouvoir exclusif de la loi tel que prévu par l'article 34 de la Constitution ; Comment définir les articulations entre les différentes parties prenantes dans le soin et l’accompagnement des usagers en santé mentale, implique une répartition des rôles entre collectivités locales (communes, échelon intercommunal, département, élus locaux) et l’Etat (ARS et préfets), répartition entre collectivités locales et Etat qui relève forcément de la loi. En effet, cela revient à toucher à leurs compétences respectives, domaine à nouveau relevant de la compétence légale et non réglementaire. Outre le rapport Larcher, cette loi globale (précisant les orientations indispensables à l’organisation du dispositif de soins et de prévention, et à ses modalités de financement) est d’ailleurs préconisée par l’ensemble des rapports (Couty, Milon,…), ainsi que par le député Guy Lefrand, (rapporteur du projet de loi réformant la loi de 90) qui souligne d’une part que « la loi HPST est une loi hors champ psychiatrique prévue pour le MCO », et qui, d’autre part, avec l’aval du groupe UMP, veut ajouter un volet organisation de la psychiatrie, prévention et recherche, au projet de loi réformant les soins sans consentement, considérant qu’il lui manque cette « béquille ». C’est pourquoi, s’il ne s’inscrit pas dans une loi globale dont il serait la déclinaison opérationnelle, ce plan psychiatrie santé mentale n’aura aucune efficacité structurante dans le temps.

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Psychiatrie - Nora Berra promet une concertation...

17.06.2011

La secrétaire d'Etat à la santé, Nora Berra, a promis le 16 juin dernier une discussion sur "les grands objectifs de la psychiatrie" lors de l'élaboration du prochain plan psychiatrie santé mentale.

Nora Berra est revenue, dans son intervention d'ouverture de la deuxième lecture du projet de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie au Sénat, sur les grands principes de ce plan.
Elle a surtout affiché sa volonté d'associer les acteurs de la psychiatrie alors que ceux-ci ont dénoncé l'absence de prise en compte de leurs demandes dans le projet de loi.

"Je veux, qu'à partir d'un diagnostic partagé, de telles orientations soient débattues et élaborées avec les représentants des usagers, des professionnels, des employeurs, des sociétés savantes", a-t-elle déclaré.

La secrétaire d’État à la santé a énoncé, dans une déclaration solennelle, les objectifs du plan.
"Je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement qu'aujourd'hui, je veux que les ruptures de prise en charge diminuent et que les aidants soient mieux accompagnés, je veux que les situations d'urgence psychiatrique trouvent, en tout endroit du territoire national, une réponse adaptée, je veux aussi que, quel que soit le lieu où ils habitent, y compris lorsqu'ils sont suivis par le secteur médico-social, nos concitoyens bénéficient d'une qualité des soins d'un niveau équivalent".

"C'est avant tout sur ces sujets majeurs que je veux consacrer les prochains mois, et c'est donc à travers le plan psychiatrie santé mentale que cette construction collective va être menée".
"La psychiatrie a besoin de sens, et de grandes orientations pour son devenir, pour qu'ensuite les acteurs de terrain pensent les dispositifs les mieux adaptés aux spécificités locales", a-t-elle également affirmé.

Le plan est annoncé pour l'automne.

LEMONDE
13.06.11
La psychiatrie ne doit pas être l'otage du "tout sécuritaire" gouvernemental

Ont-ils compris, nos parlementaires, que le projet de loi sur les soins sans consentement, adopté à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, n'apportera aucune solution à l'alarme que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en service commandé vient de déclencher par son rapport sur les accidents graves en psychiatrie ? (Les inspecteurs, qui ont enquêté sur une vingtaine d'homicides survenus dans les hôpitaux ces cinq dernières années, et sur des agressions dont ont été victimes des malades et des soignants, dénoncent "des dysfonctionnements systématiques") On n'épiloguera pas sur la médiocre qualité dudit rapport, due en partie à l'empressement à démontrer, en plein débat parlementaire sur un projet de loi controversé, l'insécurité en psychiatrie. Au nom de l'ouverture de la psychiatrie à la santé mentale, on s'habituerait presque à ce que chacun se sente compétent pour asséner ses jugements sur le contenu des soins, mais on est en droit d'attendre plus de rigueur de cette haute instance chargée d'éclairer la décision publique avant de diffuser des conclusions tranchées.

[...]

Isabelle Montet est secrétaire générale du Syndicat des psychiatres des hôpitaux ;
Jean-Claude Penochet est chef de service au CHU de Montpellier, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.
Isabelle Montet et Jean-Claude Penochet, psychiatres Article paru dans l'édition du 14.06.11

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L'inquiétante hausse des hospitalisations sous contrainte
14.06.11

Le nombre d'hospitalisation sans consentement est très disparate sur le territoire.
Le nombre d'hospitalisation sans consentement est très disparate sur le territoire.Le Monde
Les psychiatres n'en démordent pas. Le projet de loi de réforme de l'hospitalisation sans consentement comporte des risques de dérive sécuritaire. Certains praticiens affirment déjà qu'ils n'appliqueront pas la loi, examinée en deuxième lecture au Sénat, mercredi 15 juin. Le texte prévoit que les soins sans consentement puissent être étendus à la prise en charge hors hôpital. Or beaucoup craignent que le texte n'entraîne un nouvel essor des mesures de contraintes, dont l'augmentation inquiète déjà.
Environ 20 % des hospitalisations en psychiatrie sont décidées hors consentement du malade. Les derniers chiffres datent de 2007, mais ceux sortis depuis - des données non corrigées - montrent une tendance à la hausse. Selon les statistiques annuelles des établissements de santé, que Le Monde s'est procurées, les hospitalisations sous contrainte à la demande d'un tiers (proche ou famille) sont passées, entre 2007 et 2009, de 58 849 à 63 158. Les hospitalisations d'office (sur demande du maire ou du préfet), décidées notamment en cas de trouble à l'ordre public, sont stables, passant de 14 331 à 14 576.
Le fait que de plus en plus d'hôpitaux renseignent les bases de données explique la progression de ces chiffres, mais pas seulement. "La question des raisons de la hausse est clairement posée, mais nous n'en sommes qu'au stade des hypothèses", explique Pauline Rhenter, sociologue du Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) consacré à la santé mentale. Elle estime notamment que, "dans un contexte général plus sécuritaire, il faut se demander si la contrainte n'est pas en train de devenir un mode d'hospitalisation banalisé".

Manque de structures

Une explication à la hausse des hospitalisations à la demande d'un tiers pourrait résider dans le changement de regard de la société sur la maladie mentale. "Nous avons des difficultés à accepter autour de nous des gens ayant un comportement inattendu", affirme Jean-Marie Delarue, le contrôleur des lieux de privation de liberté. Dans un avis rendu en mars, il s'était inquiété des difficultés rencontrées par les psychiatres pour obtenir des préfets une sortie d'essai pour leurs malades en hospitalisation d'office, qu'ils estiment pourtant suffisamment soignés.

Cette augmentation des hospitalisations sans consentement s'inscrit par ailleurs dans un contexte de fortes disparités géographiques. Dans les zones rurales et périurbaines, les hospitalisations sous contrainte sont plus courantes, car il y a peu de structures d'accueil alternatives et de travail de prévention. D'un département à l'autre, en 2007, le taux des internements pour 100 000 habitants de plus de 20 ans variait de 1 à 5.

Mais le manque de structures n'explique pas tout. Il y a aussi les différences d'attitude des préfets face aux malades mentaux, celles des maires, enclins ou réticents à prendre un arrêté d'hospitalisation, et même des psychiatres. Pour mieux appréhender ces phénomènes locaux, une étude pilotée par le CCOMS est en cours. Elle concerne les hospitalisations d'office dans quatre régions.

Certains voient enfin dans cette hausse la preuve d'un manque de moyens, sachant que pour décrocher plus vite une place à l'hôpital, il vaut mieux opter pour une hospitalisation à la demande d'un tiers, même si le patient est consentant.

Pour Patrick Chemla, psychiatre au Centre Antonin-Artaud à Reims et membre du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, cette dérive pourrait aussi être constatée hors de l'hôpital, avec le projet de loi. "Les structures qui suivent les malades à l'extérieur sont autant surchargées que les hôpitaux", dit-il, ajoutant que la facilité sera de "placer tout le monde en soins sous contrainte, alors qu'il faut parfois des mois pour obtenir un consentement" du patient.

Au ministère de la santé, on estime au contraire que la loi va permettre de développer la prise en charge hors hôpital, et ainsi limiter les recours non justifiés à l'hospitalisation sous contrainte.
Laetitia Clavreul


L’USP dépose un recours en Conseil d’Etat contre le fichage en psychiatrie (communiqué)

 Depuis longtemps, l’USP dénonce les dangers liés au recueil d’information médicale en psychiatrie (RIMP) :

- d’une part la constitution de grands fichiers hospitaliers de données de santé particulièrement sensibles (dont le diagnostic psychiatrique, le mode d’hospitalisation…) ;

- d’autre part l’imposition, par le biais de ce recueil à visée médico-économique, d’un modèle clinique et donc thérapeutique très réducteur, objectivant et déshumanisant.

Le 20 décembre 2010, en annexe à un simple arrêté, l’ATIH (agence technique de l’information hospitalière) a publié une nouvelle mouture du « guide méthodologique de production du recueil d’information médicale en psychiatrie ». Cette nouvelle version du guide ajoute l’obligation pour les établissements de recueillir « en complément des informations nécessaires à la mesure de l’activité » des « informations à visée d’enquête » relatives aux « caractéristiques sociales du patient susceptibles d’influer sur les modalités de traitement de celui-ci ».

L’USP a donc déposé un recours en Conseil d’Etat contre l’arrêté et son annexe , estimant que :

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Avis de tempête sur la psychiatrie française



Rendu public le jour même où a été votée à l'Assemblée une loi réformant l’hospitalisation d’office et créant des soins sous contrainte en ambulatoire, un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) épingle une série de graves dysfonctionnements dans la gestion des hôpitaux psychiatriques français. Mais à qui la faute ?


Étonnant hasard du calendrier : il y a dix jours, le matin même où l'Assemblée nationale a voté, par 297 voix contre 191, une loi, pourtant qualifiée par de nombreux usagers, leurs familles, mais aussi de professionnels de la santé mentale, de « sécuritaire", l'Inspection Générale des Affaires Sanitaires (IGAS) nous sortait de son chapeau un rapport de 200 pages pointant des « dysfonctionnements systémiques » dans la gestion des hôpitaux psychiatriques français. Les anecdotes rapportées y sont accablantes : ici, c'est un enfant autiste de 11 ans, admis en Guyane dans un établissement pour adultes et que l'on a fait dormir, pendant un an, dans un cage grillagée, en plein cœur du service, avant qu'il intègre enfin une structure pour enfants, pour lui éviter de subir des agressions sexuelles d'autres patients ; là, ce sont des petites structures, où sont mélangés des « sujets fragiles, parfois âgés, apaisés ou proches de la sortie avec des jeunes entrants en crise souvent violents, des malades hospitalisés sans consentement avec des malades en hospitalisation libre (…)» ; là encore, des larcins, des fugues et des meurtres. Pour un peu, on se croirait dans les descriptions des asiles d'avant Pinel

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Santé mentale : trente personnes manifestent à La Roche-sur-Yon
15 juin 2011

Une trentaine de professionnels de la santé mentale a manifesté, ce matin, devant la préfecture. Dans toute la France, médecins psychiatres, cadres supérieurs de santé et infirmiers se sont mobilisés pour protester contre la loi, qui réforme la psychiatrie. Examinée hier et aujourd’hui au Sénat, les manifestants parlent de «régression». Un diagnostic médical pourra placer une personne en observation durant 72 heures, sans possibilité de sortie. Seul un juge des libertés sera en mesure de valider la sortie d’un patient ou non. « On ne veut pas que l’hôpital soit assimilé à un lieu d’enfermement », s’indignait ce matin une militante.

Grèce : la grande dépression
22.06.11

Ce sont des voix anonymes qui appellent à l'aide au téléphone, des voix humaines qui souffrent de la crise que traverse leur pays et du poids de la récession économique. Elles ne savent plus quoi faire, alors elles décrochent leur téléphone pour appeler SOS-Dépression. Extraits de ces conversations.

Un employé de 38 ans : "Rien ne va bien, récemment. Le travail devient plutôt stressant. L'idée de le perdre me hante. Ne pensez pas que c'est juste une peur, c'est une réalité. Les gens perdent leur travail. Je n'ai plus confiance en moi, je suis tout le temps irritable, et mon sommeil est chaotique. Pour ma femme, c'est encore pire. Elle a un travail à temps partiel, et ils lui ont annoncé qu'elle devait partir à la fin du mois. A cause de la crise, comme ils disent. Quand nous sommes ensemble, j'essaye de ne pas lui montrer ce que je ressens. Je ne veux pas peser davantage sur elle. Je ne sais pas ce que je vais faire. Je suis désespéré."

Une mère, soucieuse pour son enfant : "Mon fils a 26 ans. Il est diplômé de l'université, et il essaie de trouver un emploi. Je m'inquiète pour lui. Cette recherche l'a beaucoup déçu. Il n'a pas trouvé de travail et ça a un impact négatif sur tous les aspects de sa vie. Il n'a pas de vie personnelle, et il ne sort pratiquement pas de la maison. Il m'a dit hier qu'il se considérait comme un raté. J'ai essayé de l'encourager en lui disant que beaucoup de jeunes sont confrontés aux mêmes problèmes à cause de la crise économique, mais je ne pense pas que ça l'aide. Oui, je suis vraiment inquiète pour lui."

Un retraité : "J'ai 68 ans et je ne me sens pas très bien en ce moment. J'ai peur de l'avenir. Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je prendrai ma retraite en 2012, mais j'ai peur qu'à cause de la crise ce soit vraiment dur. Il y a des moments où ça me met en colère, mais le plus souvent je me sens sans espoir et sans secours. Je n'ai pas l'énergie que j'avais dans le passé. Un de mes amis me dit de demander de l'aide. Il pense que je suis déprimé."

SOS-Dépression a été mis en place en mai 2008 par l'Institut universitaire de recherche sur la santé mentale. La mise en place d'un programme baptisé Anti-stigma était destiné à encourager à parler des troubles mentaux, dans une société méditerranéenne, fortement marquée par l'emprise de l'Eglise orthodoxe, où il est mal vu d'aller chez le psy.

Il s'agit de consultations par téléphone, de conseils donnés à des gens qui n'osent pas franchir la porte d'un cabinet ou, de plus en plus, parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire. La ligne a enregistré plus de 6 000 appels. "La crise économique a augmenté le nombre de personnes qui appellent pour résoudre leurs problèmes dus au chômage et à l'incertitude du futur. 27 % des appels sont directement liés aux conséquences de la récession", explique Marina Economou, responsable de SOS-Dépression.

Les psychiatres évaluent entre 25 % à 30 % la hausse des consultations provoquées par la crise. "Il y a un afflux de demandes pour des cas de psychiatrie légère : angoisse aiguë, crise de panique, dépression, explique Dimitris Ploumidis, responsable d'un centre universitaire de santé mentale, dans le quartier de Kaisariani, à l'est d'Athènes, et aussi vice-président de l'Association des psychiatres de Grèce. En septembre 2010, il fallait deux semaines d'attente pour une consultation, aujourd'hui il faut deux mois et demi."

Dans une étude intitulée "Dépression et détresse économique en Grèce", publiée dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology, de juillet 2010, Marina Economou et trois autres collègues constataient que "les personnes exposées à des conditions économiques défavorables ont plus de chances de développer des dépressions sérieuses". L'étude comparait 2 008 et 2009, alors que la récession s'est fortement aggravée en 2010.

"La crise, les difficultés économiques ravivent les peurs et les angoisses personnelles",
explique Dimitris Ploumidis. Son collègue Stelios Stylianidis, professeur à l'université d'Athènes, qui consulte dans le public et le privé, fait le même constat : "Quand on ne peut pas investir dans son avenir, ce non-investissement psychique crée un état de détresse. La porte reste ouverte à l'émergence de troubles psychiatriques." Il a deux exemples précis des effets de la crise sur le psychisme, à chacun des bouts de l'échelle sociale.

C'est un peu la wonder woman et le clochard. Une femme de 47 ans était sous-directrice d'une société. Elle a été licenciée, au début de l'automne 2010, au moment où elle se sentait à l'apogée de sa carrière. "Tous ses liens sociaux ont été construits autour de son travail. Elle ne perd pas seulement son salaire, mais tout repère symbolique. C'est la destruction de son image et de son monde interne. Elle s'effondre", explique le docteur Stylianidis.

A l'autre bout de l'échelle, un clochard de 51 ans a élu domicile en plein centre d'Athènes. Il a son banc sur la place Korai, près de l'université. Il travaillait dans une usine au sud d'Athènes. Il dévale la pente très vite : alcool, violences conjugales, divorce. "Il a un sentiment de honte, de désarroi, mais il conserve sa fierté. Il refuse d'aller dans les foyers d'hébergement de la ville", explique le psychiatre qui l'a rencontré dans le cadre d'une mission sur les SDF du centre-ville. "Ils m'ont traité comme un chien, je serai un chien", lui a-t-il dit. Il a adopté un chien sans collier, sa seule compagnie.

Alors que les psys sont confrontés à cet afflux de clients, les budgets sont coupés, pour cause d'économies. Des psychologues ne sont pas payés depuis trois ou quatre mois. L'argent n'est plus débloqué pour les médicaments, qui sont en principe donnés à des patients nécessiteux.

Le jour de la manifestation du 15 juin, qui a fait trembler le gouvernement, Stelios Stylianidis a revêtu une camisole de force pour protester avec des patients et leurs parents, regroupés au sein de l'association Apapsy, contre les coupes dans le budget de la santé mentale. "Des patients, même des psychotiques, me disent qu'ils ont besoin de moi, mais qu'ils ne peuvent pas me payer, explique-t-il. Certains abandonnent leur traitement ou ont recours à l'automédication. Les pharmaciens constatent une augmentation de la consommation des antidépresseurs. Malheureusement pas toujours sur ordonnance."

Dimitris Ploumidis ne constate pas d'évolution vers des pathologies plus importantes. "Mais on risque d'être confrontés à de la psychiatrie lourde si le système de soutien familial est totalement ébranlé." La solidarité intergénérationnelle, même si elle est rudement mise à l'épreuve, sert encore d'amortisseur à la crise.

On peut parfois être fier d'être à la dernière place de l'Europe : la Grèce est le pays de l'Union européenne où il y a le moins de suicides, avec un taux de 2,8 pour 100 000 habitants. Mais faut-il dire"était" ? "C'est en train de changer", explique Aris Violatzis, psychologue dans l'organisation non gouvernementale Klimaka, qui gère un autre centre d'aide, SOS-Suicide. En 2009, leur nombre a augmenté de 18 % par rapport à 2007. Les spécialistes attendent une hausse plus importante en 2010. "Nous estimons que le nombre a doublé en 2010", explique M. Violatzis. Le directeur du département psychiatrique de l'hôpital Sismanoglio à Athènes, Kostas Lolis, réévalue, lui, ce taux à 5,7 pour 100 000 habitants. Un résultat qui placerait la Grèce devant Chypre et l'Italie, mais en dessous de la moyenne européenne (12 suicides pour 100 000 habitants).

L'étude "Dépression et détresse économique en Grèce" constate que le nombre de personnes souffrant d'épisodes dépressifs majeurs ayant des envies suicidaires est passé de 2,4 % à 5,2 %, entre 2008 et 2009. Ces taux sont respectivement de 35 % et 48,6 % pour les personnes en difficulté économique.

"Nous avions une quinzaine d'appels par jour, aujourd'hui, cela peut aller jusqu'à quatre-vingts
, explique Aris Violatzis. Parfois, nous écoutons longtemps ces personnes. Je suis resté pendant des heures avec une mère de 40 ans qui appelait de son balcon au 5e étage, prête à se jeter dans le vide. J'ai parlé avec elle jusqu'à ce qu'une équipe d'urgence arrive sur place. Parfois, nous allons chez les gens pour retirer les lacets, les armes, pour les protéger."

Les suicides ont eu lieu principalement à Athènes et en Crète, où plusieurs hommes d'affaires sont passés à l'acte après des problèmes financiers. "Le suicide n'a jamais une seule cause, mais nous avons de plus en plus d'appels de gens qui gagnaient bien leur vie et qui n'y arrivent plus financièrement", poursuit M. Violatzis. Le suicide est encore tabou dans la société grecque. Des popes ont refusé d'enterrer religieusement des personnes suicidées.

Ce nouveau désespoir grec ne se résume pas à des problèmes de crise économique. Il a des causes plus profondes. "La grosse angoisse des gens, c'est où en est l'avenir de la Grèce", explique Dimitris Ploumidis. La Grèce n'est redevenue un pays qu'en 1821, après quatre siècles de joug ottoman. De guerres civiles en dictatures, son histoire moderne est très douloureuse, et il y a une énorme fierté d'être grec dans l'ensemble de la population. "Les Grecs sont atteint dans leur identité, relève Aris Violatzis. Ils ont honte. Le monde entier les considère aujourd'hui comme des tricheurs, les moutons noirs de l'Europe. C'est très difficile à accepter."

"Je suis universitaire, je vais souvent à Bruxelles pour des réunions, j'ai conscience que nous avons gaspillé de l'argent, mais aujourd'hui je ne supporte plus ces sourires ironiques que je vois quand je dis que je suis grec"
, explique Dimitris Ploumidis. Il pourrait reprendre le poème célèbre du Prix Nobel de littérature, Georges Séféris, qui chantait : "Où que me porte mon voyage, j'ai mal à la Grèce."
Alain Salles




1 juin 2011

Rock'n philo
Francis Métivier

1
Mai 2011 – Bréal

Le rock et la philosophie s'accordent-ils bien ensemble ? Évidemment ! La première Méditation de Descartes et le Where is my mind des Pixies posent les mêmes problématiques : le réel est-il ce que je vois ? Le message des Pensées de Pascal et celui de Smells like teen spirit de Nirvana est le même : « Le moi est haïssable ». Cet ouvrage, associant l'analyse de textes de philosophie et de textes de rock'n'roll, propose de (re)découvrir les auteurs classiques de philosophie tout en (ré)écoutant ses groupes et morceaux préférés autrement... Il passe en revue tous les thèmes majeurs de philosophie à travers des chanteurs aussi variés que les Beatles, The Doors, The Who, Noir Désir, Bob Dylan, Bashung, Led Zeppelin, Patti Smith, BB brunes, Radiohead, Springsteen, Marylin Manson, Pink Floyd, Hendrix, Téléphone, Nina Hagen, Elvis, The Rolling Stones, ... et d'autres, qui réconcilient toutes les générations.