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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

mercredi 18 mai 2011

[Exclusif] Les lettres d'Althusser à sa femme

17/05/11

Voici, inédites, les lettres de Louis Althusser à sa femme Hélène, qu'il étrangla en 1980, devenant ainsi le premier criminel de l'histoire de la philosophie. Chronique d'un meurtre annoncé.

Louis Althusser, philosophe et enseignant à l'Ecole Normale Supérieure, étrangle sa femme en 1980. Inédites, les lettres qu'il lui a écrites sont aujourd'hui publiées. SIPA
Louis Althusser, philosophe et enseignant à l'Ecole Normale Supérieure, étrangle sa femme
en 1980. Inédites, les lettres qu'il lui a écrites sont aujourd'hui publiées. SIPA

L'histoire qu'on va lire n'en a toujours pas fini, trente ans plus tard, de propager ne sorte de terreur sacrée assortie de ricanements mauvais. Qui d'autre qu'un romancier pervers, un pasticheur de Dostoïevski mandaté par la CIA, aurait d'ailleurs pu en mettre au point l'atroce et implacable trame?

Le 16 novembre 1980 au petit matin, Louis Althusser, véritable mythe des années 1960-1970, initiateur philosophique de toute l'intelligentsia française contemporaine, étrangle sa femme Hélène rue d'Ulm, dans son appartement de l'Ecole. Déclaré irresponsable au moment des faits, il ne sera jamais jugé et survivra dix ans à son geste.


Sur les ruines encore fumantes du gauchisme, neuf ans avant la chute du mur de Berlin, la déréliction criminelle du plus fascinant métaphysicien du communisme français est pour toutes sortes de revanchards une divine surprise. L'acte d'accusation définitif du marxisme normalien, le suicide enfin accompli du « moment antihumaniste » français, également incarné par Foucault, Barthes ou Lacan.


Sur cette obscure affaire, les 700 pages de lettres à sa femme apportent un éclairage inédit
, complémentaire de l'autobiographie écrite par Louis Althusser après le meurtre, «l'Avenir dure longtemps», parue en 1992. A maints égards, elles constituent une réhabilitation de la figure d'Hélène Rytmann. Ainsi que le souligne Yann Moulier-Boutang, biographe d'Althusser, celle-ci fut longtemps dépeinte par les proches du philosophe, notamment par ses maîtresses, en trognon revêche, en insoutenable chienne de garde pour lequel celui-ci n'aurait eu trente-cinq ans durant qu'un attachement filial dépravé.


Très frappantes, de ce point vue, les innombrables lettres empreintes d'amour vrai et d'admiration sans mélange pour Hélène, militante communiste juive de huit ans son aînée et héroïne véritable de la Résistance dont il fit la connaissance déjà douloureuse en janvier 1946. Mais le premier rôle de cette Correspondance, c'est le chaos mental d'Althusser qui le tient, ce syndrome bipolaire lui faisant alterner phases de dépression profonde, entre électrochocs et abrutissement au Valium, avec phases d'hyperactivité le poussant à multiplier les conquêtes, intellectuelles et sexuelles. 


«Nous avions un Maître
. J'ai vécu ma jeunesse dans l'illusion d'être un soldat dans la grande armée magnifique dont il était le Général,
écrit Bernard-Henri Lévy dans la préface qui ouvre cette publication chez Grasset. Eh bien le Général prenait ses ordres chez son psychiatre. » C'est hélas bien cela le choc renouvelé de ces lettres à Hélène, leur révélation à la fois grotesque et terrible: la précocité de la démence d'Althusser, son intensité, sa présence sourde, continue, faisant des opérations conceptuelles extrêmement complexes de ce «sourcier» de la pensée marxiste, ainsi qu'il se décrit en 1962, quelques rares trouées au milieu d'un désastre sans borne.


Ainsi donc Louis Althusser
, seule figure intellectuelle capable d'unir aujourd'hui dans un même éloge l'antitotalitaire auteur de «la Barbarie à visage humain» et Alain Badiou, qui lui rendait encore un hommage appuyé en 2008 dans «Petit Panthéon portatif» (la Fabrique), Althusser, seul point d'accord sentimental possible entre des personnages désormais aussi divergents que Régis Debray, Alexandre Adler et Etienne Balibar, Althusser, donc, était aussi ce vieil adolescent hagard, lâche, émouvant, ressassant ad nauseam un passé familial maudit et plus ou moins fictif. Celui-là même qui écrivait en 1967 à une Hélène condamnée: «Je commence à rêver que je pourrai bientôt reprendre contact avec la vie réelle.»

Aude Lancelin

Lettre de Louis Althusser à Hélène, sa femme.
 [© Fonds Louis Althusser-Imec-Images]
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Techno-Science.net
Le pouvoir des placebos



Un récent sondage, dirigé par Amir Raz, professeur de psychiatrie à l'Université McGill et chercheur principal à l'Institut Lady Davis, indique qu'un répondant sur cinq - parmi les médecins et les psychiatres de facultés de médecine du Canada - a administré ou prescrit un placebo. Par ailleurs, une proportion encore plus importante de psychiatres (plus de 35 pour cent) a déclaré prescrire des doses subthérapeutiques de médicaments (c'est-à-dire des doses inférieures - parfois considérablement - à la concentration thérapeutique minimale recommandée) pour traiter leurs patients.

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Dans le secret des émotions humaines

Les chercheurs se mobilisent pour explorer le phénomène de la conscience et de l'empathie pour son prochain.

Écrit par
Alain PEREZ Journaliste

Les 100 milliards de neurones du cerveau communiquent à la fois par des signaux électriques et des signaux chimiques (neurotransmetteurs).
Les 100 milliards de neurones du cerveau communiquent à la fois par des signaux électriques et des signaux chimiques (neurotransmetteurs).

Pour quelles raisons Bill Gates consacre-t-il désormais l'essentiel de sa vie à l'amélioration de la santé et à l'éducation des mal-lotis de la planète ? Il y a trois réponses à cette question. La première est d'ordre personnel. Appliquant les préceptes de la bourgeoisie industrielle nord-américaine, Gates obéit à une motivation imprimée dans son cerveau depuis l'enfance : une fois fortune faite, on achète sa place au paradis en aidant les pauvres. La deuxième est plus pragmatique : le système fiscal américain incite fortement les nantis à investir dans la création de fondations caritatives. La troisième explication est scientifique. Elle s'appuie sur les travaux de la discipline montante dans les neurosciences : la physiologie des émotions.

Les neurones dictent l'émotion

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dimanche 15 mai 2011

L'appel d'anciens résistants aux jeunes générations

14.05.11

L'ancien résistant Stéphane Hessel lors du lancement de l'Appel de Thorens-Glières, samedi 14 mai.
L'ancien résistant Stéphane Hessel lors du lancement de l'Appel de Thorens-Glières, samedi 14 mai.
AFP/JEAN-PIERRE CLATOT


Réunis samedi 14 mai sur le plateau des Glières, haut-lieu de la résistance, en Haute-Savoie, des vétérans de la lutte contre l'Occupation lancent un appel aux candidats à la présidentielle de 2012 afin de ranimer les idéaux de la Libération. Comment retrouver l'esprit des réformes politiques de 1944 ? Voici le texte intégral de l'appel, obtenu par Le Monde :
Appel de Thorens-Glières, le 14 mai 2011

Le 8 mars 2004, treize vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre lançaient un " Appel aux jeunes générations " dénonçant notamment " la remise en cause du socle des conquêtes sociales de la Libération ". Cette tendance régressive s'accélère dramatiquement. Nombre de citoyennes et citoyens s'en indignent.

Partout la prise de conscience que les valeurs, toujours actuelles, incarnées en 1944 dans le programme du Conseil National de la Résistance, ouvrent l'espoir qu'un mieux-vivre ensemble est possible. Il est aujourd'hui concevable de définir un nouveau "programme de la Résistance" pour notre siècle. Au lieu de cela, le débat public qui s'annonce avec les élections de 2012 semble privilégier les manœuvres politiciennes au service d'intérêts particuliers sans traiter :
  • des causes politiques des injustices sociales,
  • des raisons des dérégulations internationales,
  • des origines des déséquilibres écologiques croissants.
Comme en 2004, nous souhaitons que tous les citoyens, tous les partis, tous les syndicats, toutes les associations participent à l'élaboration d'un Projet de Société du 21ème siècle en repartant du programme du CNR " Les jours heureux " adopté le 15 mars 1944.

Ce programme politique constitue toujours un repère essentiel de l'identité républicaine française.

Avec l'association " Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui " nous appelons tous les partis politiques, toutes les candidates et candidats à un mandat public dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2012 à prendre trois engagements qui mettront réellement en application la devise républicaine " Liberté Egalité Fraternité ".

Premièrement, afin de garantir l'égalité :

Lancer immédiatement le travail législatif et réglementaire qui permettra de reconstituer les services publics et institutions créés à la Libération pour aller vers une véritable démocratie économique et sociale. Possible en 1944, cette démarche l'est d'autant plus aujourd'hui, alors que le pays n'a cessé de s'enrichir depuis. Droit à la santé pour tous, droit à une retraite, droit à l'éducation, droit au travail, droit à la culture demeurent les seuls véritables garants de l'égalité républicaine. Une égalité qui n'a de sens que dans le respect du droit des étrangers.

Deuxièmement, afin de garantir la liberté :
  • Approfondir la forme républicaine du gouvernement afin de séparer clairement les pouvoirs et renforcer la démocratie parlementaire au détriment de notre régime présidentiel personnalisé.
  • Développer de nouvelles pratiques de la démocratie dans laquelle l'action de la société civile sera reconnue, et restaurer les conditions du principe d'ailleurs défini à l'article 2 de la constitution actuelle : " gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ".
  • Garantir la qualité du débat démocratique et la fiabilité des contre-pouvoirs, en assurant à nouveau la séparation des médias et des puissances d'argent comme en 1944.
Ces 3 axes de débats devront aboutir à une démarche souveraine d'" Assemblée constituante " vers de nouvelles pratiques républicaines.

Troisièmement, afin de garantir la fraternité :

Travailler les coopérations avec les peuples et les pays, en refusant l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Favoriser résolument des solutions soutenables pour les équilibres écologiques, dans les limites de développement compatibles avec la survie humaine. Ecarter de la marchandisation totale les besoins vitaux de l'être humain comme l'eau, la nourriture et l'énergie. Il est temps de bien vivre ensemble, dans la haute nécessité de l'épanouissement du plus grand nombre et d'offrir une perspective d'avenir prometteur aux jeunes générations.

Plus que jamais, comme le proclamait en 2004 l'Appel des Résistants aux jeunes générations, à ceux et celles qui font ce siècle qui commence, nous voulons dire avec affection : " Créer c'est résister. Résister c'est créer ".

Les signataires : Raymond Aubrac, résistant ; Stéphane Hessel, résistant, déporté ; Marie-José Chombart De Lauwe, résistante, déportée, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation ; Daniel Cordier, résistant, secrétaire de Jean Moulin ; Georges Séguy, résistant, déporté ; Walter Bassan, résistant, déporté ;  Henri Bouvier, résistant, déporté ; Léon Landini, résistant FTP MOI ; Pierre Pranchère, résistant ; François Amoudruz, résistant, déporté, membre de la présidence nationale de la FNDIRP ; Jean Marinet, résistant, déporté, président de la FNDIRP de l'Ain ; Noëlla Rouget, résistante, déportée ; Odette Nilès, résistante, ex-fiancée de Guy Moquet ; Charles Paperon, résistant, co-président de l'ANACR Finistère ; Pierre Moriau, résistant.

Étrangers malades : la loi adoptée restreint le droit au séjour

Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi sur l’immigration qui durcit les règles d’éloignement des étrangers sans papiers.
L’Assemblée puis le Sénat ont approuvé hier soir les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Les députés ont adopté le texte par 297 voix contre 193, les sénateurs par 182 voix contre 151.

L’encadrement du droit au séjour des sans-papiers atteints de pathologies graves, par un nouvel article (17 ter), était l’un des enjeux du texte modifié au cours des navettes successifs entre les deux chambres. La vive opposition du Conseil national du sida, de la Société française de santé publique, de médecins engagés dans des associations (COMEDE, MSF, MDM, AIDES, COMEGAS) ou des syndicats et la mobilisation de plus de 1 000 médecins appelant à « l’accessibilité » n’y a rien changé. Le compromis sur lequel se sont accordés les parlementaires vise encore plus à durcir les conditions d’obtention du titre de séjour « étrangers malades ». Le droit au séjour est désormais conditionné à l’« absence » du traitement approprié dans le pays d’origine. L’autorité administrative peut cependant prendre en compte des « circonstances humanitaires exceptionnelles », après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé.

L’opposition veut déposer un recours.

Lors de l’adoption du texte par l’Assemblée, le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, s’est réjoui : « Le titre de séjour "étranger malade" est conservé, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi de 1998. Nous avons simplement voulu contenir les effets de la jurisprudence récente du Conseil d’État. Désormais, la rédaction est claire, responsable et humaine. Elle ne met pas en cause les circulaires diffusées en 2005 et 2010 par le ministre de la santé pour protéger notamment les personnes infectées par le VIH ».

L’opposition de gauche a affirmé son intention de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel. La sénatrice PS Bariza Khiari a souligné : « L’article 17 ter condamne en pratique les étrangers car l’existence de traitement dans les hôpitaux riches des pays d’origine est loin de garantir leur accessibilité à tous. » La députée PS Sandrine Mazetier a, elle, stigmatisé un texte qui aura été « l’occasion de défaire notre pacte républicain ».

Dès l’annonce du texte approuvé en commission paritaire, le Conseil national du Sida avait dénoncé des restrictions qui « vide de tout contenu un dispositif jusque-là bien encadré et répondant correctement à des besoins objectifs ». Dans un avis du février 2011, le CNS avait pourtant appelé le gouvernement et le législateur à supprimer l’article 17 ter. Plusieurs voix s’étaient aussi élevées, dont celles de plusieurs médecins rappelant : « Nous, médecins, continuerons à soigner ».
Dr LYDIA ARCHIMÈDE


ENTRETIEN


Réforme de l'hospitalisation psychiatrique : "Une externalisation de l'asile"

Sur Le Post, le psychiatre Pierre Paresys explique son opposition au texte adopté vendredi au Sénat.

Centre Hospitalier Spécialisé Charcot à Caudan dans le Morbihan.Centre Hospitalier Spécialisé Charcot à Caudan dans le Morbihan. | MAXPPP
Le Sénat a adopté vendredi un projet de loi sur l'hospitalisation d'office pour troubles mentaux. Voulu par Nicolas Sarkozy fin 2008 après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade enfui d'un hôpital psychiatrique, ce texte est très complexe, car il articule santé, liberté, et sécurité

Il a a suscité la colère de tous les syndicats de psychiatres, rejoints par des syndicats de magistrats, qui le jugent "plus sécuritaire que sanitaire". Et a donné lieu à un imbroglio parlementaire avec démission du rapporteur de la loi à la clef. La majorité a voté ce texte sans enthousiasme mais "dans un esprit de responsabilité", selon les termes de Marie-Thérèse Hermange (UMP).

La mesure phare est la possibilité d'imposer des soins ambulatoires psychiatriques sans consentement. Le texte prévoit également que l'hospitalisation d'office passera obligatoirement par une période d'observation de soixante-douze heures en hospitalisation complète, mesure qualifiée de "garde à vue psychiatrique" par les opposants au texte.

Le projet de loi va repartir pour une deuxième lecture devant les députés.

Sur Le Post, Pierre Paresys, vice-président de l'Union syndicale de la psychiatrie et signataire de l'Appel du Collectif des 39 Contre La Nuit Sécuritaire, explique pourquoi il s'oppose à cette réforme.


Vous dénoncez "le mensonge contenu dans une loi qui prétend améliorer la qualité et l'accès aux soins psychiatriques". C'est à dire ?

"Le mensonge de base c'est le mensonge du risque zéro. Ça n'existe pas, sinon c'est la mort, il n'y a qu'à partir de là qu'on ne risque plus rien. Si on laisse croire à la population que c'est quelque chose de possible c'est extrêmement dangereux. Il laisse penser qu'il y a des solutions miracles et rapides, c'est faux."

La mesure qui prévoit des soins ambulatoires psychiatriques sans consentement est la plus contestée. Pourquoi ?

"Ce texte va refonder la psychiatrie sur la contrainte, qui doit être une mesure exceptionnelle. Si l'environnement social, politique ou familial pense que la contrainte suffit pour que tout se passe bien, on va nous la demander. Mais c'est néfaste à la fois pour le patient, la famille et l'équipe soignante. Si les gens ne sont pas partie prenante, il ne peut rien se passer."


On pourrait penser que c'est une bonne chose de ne pas enfermer systématiquement les patients. Non ?

"Il s'agit en fait d'une externalisation de l'asile. C'est comme avoir un bracelet électronique. C'est tellement simple de laisser croire que donner des médicaments suffit mais ce n'est pas exact."

Vous dénoncez aussi une confusion entre la maladie mentale et culpabilité.

"Le gouvernement applique une stratégie du bouc émissaire, comme on l'a vu récemment avec le RSA. Actuellement si vous réclamez des caméras, vous les aurez plus vite que si vous réclamez du personnel. Ça ne va pas nous aider à améliorer l'accueil et l'écoute."

Témoignage d’un psychiatre: "Parler d’antidépresseurs n’a plus de sens"

Lassé des raccourcis souvent dangereux et stigmatisant relayés par les médias au sujet des "antidépresseurs" et des maladies psychologiques, William Pitchot, professeur de psychiatrie à l'ULG et psychiatre clinicien au CHU de Liège, nous a écrit pour recadrer un peu les choses.

13 Mai 2011 

Le Belge est un gros consommateur de médicaments. Une étude de la mutualité chrétienne publiée ce vendredi indique que celui-ci en a consommé plus de 8 milliards l'année dernière. Parmi ceux-ci, on retrouve régulièrement l’une ou l’autre pilule classée sous le nom "antidépresseurs". Pourtant, très souvent, celles-ci ne sont pas prescrites dans le cadre d’une "dépression". Elles n’en sont pour autant pas moins nécessaires.

Un nom mal choisi qui stigmatise les patient et freine les soins

Parfois, les patients hésitent à prendre un traitement fait d’antidépresseur. Ils hésitent aussi à l’évoquer avec leurs proches. Pour beaucoup, prendre des antidépresseurs serait faire aveu de faiblesse. Il n’en est rien. "Antidépresseur est aujourd'hui un terme qui n'a plus de sens parce qu'ils ne sont pas utilisés uniquement dans la dépression. Les antidépresseurs sont une classe pharmacologique particulière", nous explique William Pitchot,  professeur de psychiatrie à l'ULG et psychiatre clinicien au CHU de Liège. "Ce ne sont pas des neuroleptiques, des antipsychotiques ou des calmants. Leurs indications sont nombreuses comme la dépression mais aussi les troubles anxieux (phobie sociale, trouble panique, anxiété généralisée, TOC, ...), la douleur chronique et l'insomnie", continue-t-il.

Des raccourcis souvent dangereux dans la presse

Le professeur Pitchot regrette que, trop souvent, des raccourcis dangereux soient relayés par la presse. Pour lui, les médias participent ainsi, sans le vouloir, "à cultiver le sens péjoratif des mots ‘antidépresseur’ et ‘dépression’". L’information, au sens général,  donnée par la presse à ce sujet poserait problème par rapport à celle donnée en consultation. "L'interprétation que l'on peut faire du nombre d'antidépresseurs prescrits en Belgique est forcément complexe. Ces médications sauvent la vie de nombreuses personnes dans le monde", argumente-t-il.

Des conséquences parfois dramatiques
L’information diffusée n’est pourtant pas sans conséquences. Pour illustrer son propos, le professeur Pitchot nous rapporte les répercussions d’une annonce faite aux USA : "Il y a 3 à 4 ans, une alerte été émise par les autorités américaines sur le risque de suicide associé à l'utilisation des antidépresseurs chez les adolescents. La conséquence a été une réduction spectaculaire du nombre d'antidépresseurs prescrits chez les adolescents et parallèlement une augmentation tout aussi spectaculaire du nombre de suicides."

Il nous précise encore que prescrire des médicaments n’est pas le but premier recherché par un psychiatre. Son rôle premier est d’amener un patient vers un mieux-être, en évitant la médication quand cela est possible.
Le dess(e)in de l’architecte pour apaiser le malade psychiatrique
13/05/2011

Fondé en 1903, Le Moniteur des Travaux publics et du Bâtiment est une référence majeure de la presse spécialisée dans le secteur de la construction. Or voici qu’un numéro relativement récent de cet hebdomadaire est susceptible d’intéresser aussi les professionnels de la psychiatrie, puisqu’un dossier y est consacré à l’architecture des hôpitaux psychiatriques qui « n’a cessé d’évoluer depuis les années 1960, en lien étroit avec les approches thérapeutiques. »

Les auteurs décrivent ainsi plusieurs réalisations exemplaires où le projet architectural lui-même « contribue à guérir, non à punir », comme l’explique l’architecte Victor Castro, évoquant à ce propos les écrits du philosophe Michel Foucault sur l’hôpital et la prison. Les psychiatres jugeraient ainsi « contraire aux soins » tout « l’arsenal sécuritaire » déployé dans les UMD (unités pour malades difficiles) : « fenêtres à barreaux, architecture panoptique (sans possibilité d’échapper aux regards), mur d’enceinte haut de cinq mètres. » Victor Castro rappelle à cet égard l’une de ses avancées architecturales pour humaniser concrètement l’hôpital psychiatrique : à l’UMD de Villejuif (Val-de-Marne), il a « pu supprimer les fossés qui, comme au Moyen Âge, entouraient le bâtiment. »  Autre piste de réflexions : la ligne courbe, perçue comme un « élément thérapeutique à part entière » susceptible d’apporter « la douceur et la fluidité spatiale nécessaires aux malades mentaux. » Et on pourrait presque considérer l’architecture comme une discipline paramédicale. Surtout en psychiatrie, « domaine de la santé où l’architecture peut le plus contribuer à la guérison », selon une autre architecte, Pascale Richter.

L’apaisement est en effet le préalable à toute guérison, et comment apaiser dans un environnement angoissant ou austère ? Trop ou, au contraire, trop peu stimulant ? Perçu comme un site d’enfermement plutôt qu’un lieu de soins ? L’hôpital psychiatrique doit réaliser la prouesse paradoxale de constituer à la fois « un îlot de calme » rassurant « au milieu de l’agitation urbaine », et une structure assez stimulante pour prévenir un enlisement dans la chronicité. Bref, ne s’apparenter ni au Charybde d’une succursale trépidante d’un hôpital général, ni au Scylla d’un « jardin d’oubli » pour Belle-au-Bois-Dormant. Et dans cette manœuvre délicate, on doit compter aussi sur les cartons à dessins des architectes.
Dr Alain Cohen

Guislain M et coll. : « Hôpitaux psychiatriques sur mesure » Le Moniteur, 2010 ; 5555 : 50-54.

Mediator : balayons devant notre porte ...

Après que des annonces aient été faites concernant la mise en cause des prescripteurs déviants dans l'indemnisation des victimes, un lobby corporatiste s'est élevé contre ces menaces avec des cris d'orfraies.

J'ai prescrit Médiator pendant 2 ans à 30 personnes pour ses indications initiales (hyperlipémie et diabète) et ai arrêté car les résultats étaient insuffisants.


Comment justifier des années de prescription hors-AMM par des amaigrisseurs patentés et éluder leur responsabilité dans les conséquences de la prescription d'un médicament détourné avec les effets secondaires qui en découlent ? Nous aurons mauvaise presse et ce n'est que justice.


En revanche, faire du lobbying pour ne pas assumer ses actes n'est conforme ni à l'éthique ni à la déontologie ni au respect que nous devons à nos patients. Leur seul but est d'éviter la vraie justice. Le Médiator n'est qu'un produit parmi d'autres et les exemples de prescriptions détournées de leur indication initiale ne manquent pas encore aujourd'hui. Balayons devant notre porte et ne défendons pas ceux qui ne peuvent l'être.

Dr Jean-Louis Ibanez, Angoulême (Charente)

Le premier hôpital psychiatrique en voie d’achèvement

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15.05.11

Implanté face à la mer à l’ouest de Ténès, le nouvel hôpital psychiatrique est en voie d’achèvement et sera livré prochainement, a indiqué à El Watan le responsable du bureau d’étude en charge du projet.

Il atteint actuellement un taux de réalisation de 80%, puisque le gros œuvre est déjà terminé et les travaux sont à présent consacrés à la voirie et aux réseaux divers (VRD), a-t-il encore souligné. Rappelons que le chantier est exécuté par une dizaine d’entreprises locales et nationales pour un coût global de 60 milliards de centimes. Le bâtiment, qui est conçu selon le système pavillonnaire, selon l’architecte, a une capacité d’accueil de 120 lits. Il accueillera les malades de Chlef et des wilayas limitrophes ainsi que les cas présentant des troubles psychiatriques provenant du centre intermédiaire de soins pour toxicomanes de Chlef.
En tout cas, cet hôpital est le premier établissement du genre à voir le jour dans la région après la destruction de l’unique service de psychiatrie de l’ex-hôpital en dur de Chlef lors du séisme du 10 octobre 1980. Voilà qui devrait mettre fin au calvaire des proches des personnes atteintes. Il faut dire que, jusqu’à maintenant, les malades mentaux sont automatiquement évacués vers les centres de Blida et de Tiaret pour une prise en charge médicale, mais souvent ils sont renvoyés dans leurs villages respectifs, faute, semble-t-il, de places.                                 

Ahmed Yechkour
Festival de Cannes

Psychanalyse du drame de Columbine

12/05/11

Critique de "We need to talk about Kevin", par Donald Hebert.

Un film sur un fossé entre une mère, son fils... Et ses conséquences. (D.R.) Un film sur un fossé entre une mère, son fils... Et ses conséquences. (D.R.)

De notre envoyé spécial à Cannes.

Le dégoût. Celui qu’éprouve une mère pour son fils, parce qu’il se révèle différent de ce qu’elle attendait. Voilà le thème de "We need to talk about Kevin", de Lynne Ramsay.

Le film met en scène Eva (interprété par Tilda Swinton)  qui tente de garder la raison après la tuerie dont son fils est l’auteur. Bercée entre la culpabilité d’avoir mis au monde un monstre et la volonté de chasser ses démons, elle revisite les moments-clés de l’éducation de son fils. Les crises de désespoir face à un bébé qui ne cesse de pleurer avec elle, mais qui est calme avec son père. La frustration de voir son jeune enfant ne lui témoigner aucune affection. La peur de voir l'adolescent se venger du mal qu’elle lui a fait.


Une femme prise dans un engrenage.


Peu à peu, un duel s’installe entre la mère et le fils, une lutte pour le pouvoir, invisible mais permanente. Si la thèse de l’erreur de naissance est évoquée au début à travers les doutes de la mère qui ne reçoit pas les signes qui devraient la rassurer, on s’écarte très rapidement d’un Rosemary’s baby pour plonger dans un névrose maternelle. A travers cette psychanalyse, on découvre la dureté d’une femme prise dans un engrenage et qui n’arrive pas à témoigner de son amour.


Les choix artistiques sont au service de l’histoire, la photo et le montage sont des œuvres à eux seuls. Les plans serrés et les effets plastiques s’alternent dans un montage complexe de flash back et de rêves qui piègent le spectateur dans la tête de cette famille tourmentée. A voir.

Donald Hebert - Le Nouvel Observateur

Des milliers de sages-femmes défilent à Paris
12.05.11

Actuellement, 23 870 sages-femmes exercent en France, dont moins de 2 % d'hommes.
Actuellement, 23 870 sages-femmes exercent en France, dont moins de 2 % d'hommes.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté pour une meilleure reconnaissance des sages-femmes, jeudi 12 mai à Paris, à l'appel d'une intersyndicale de la profession et de collectifs d'usagers. Les manifestants (2 900 selon la police, 5 000 à 6 000 selon les organisateurs) ont défilé de Port-Royal aux Invalides derrière une grande banderole proclamant "une femme, une sage-femme".
Les sages-femmes, dont le mouvement était soutenu par le conseil de l'ordre de la profession, réclament une autonomie de leur formation initiale au sein de l'université, comme les médecins et les dentistes. Elles souhaitent aussi une évolution de leur statut avec la reconnaissance de leur niveau d'étude (bac +5) ainsi qu'une revalorisation de leur salaire et des cotations de leurs actes médicaux.

1 621 EUROS EN DÉBUT DE CARRIÈRE

"Non aux usines à bébés"
, "Cigogne oui, pigeon non", a scandé la foule, qui a aussi ironisé sur les rumeurs de grossesse concernant Carla Bruni, l'épouse du chef de l'Etat, en chantant : "Carlita, quand t'accoucheras, sois forte, les sages-femmes, elles ne seront plus là." Un appel à la grève avait également été lancé à l'occasion de la manifestation, qui coïncidait avec la journée internationale des sages-femmes. Le nombre de grévistes, qui peuvent être réquisitionnés dans les hôpitaux publics, n'étaient pas disponibles en début d'après-midi.

Actuellement, 23 870 sages-femmes exercent en France, dont moins de 2 % d'hommes, selon les chiffres officiels. Le traitement net mensuel d'une sage-femme de classe normale dans la fonction publique hospitalière est de 1 621 euros en début de carrière et de 2 691 euros en fin de carrière, primes et indemnités comprises.
Angelo Poli, médecin psychiatre et président du Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP)

"Nous redoutons que les soins psychiatriques sans consentement deviennent la règle"

11.05.11

Gilles : Pour quelles raisons vous opposez-vous aux soins en ambulatoire sans consentement qui, a priori, semblent poursuivre le mouvement de désinstitutionnalisation entamé à la fin des années 1960, et qui, de fait, existent déjà sous la forme des sorties d'essai ?
Angelo Poli : Le projet de loi sur les soins psychiatriques actuellement débattu au Sénat est critiqué par les magistrats et par les psychiatres. Sur ce point, mais pas seulement.

Effectivement, comme vous le dites, les sorties d'essai existent et lorsque l'on se contente de lire le texte au premier degré, on peut avoir l'impression que les soins ambulatoires sans consentement sont au fond une nouvelle manière de formuler les sorties d'essai.

Le problème, c'est qu'effectivement, à un deuxième degré, les psychiatres et les magistrats s'interrogent sur le rôle que l'on veut leur faire jouer. En effet, rappelons que cette réforme de la loi de 1990 devait se faire dans les cinq ans. Il y a eu plusieurs groupes de travail qui ont fait des propositions, mais il y avait déjà eu une première tentative en 2007 d'introduire la réforme de la loi de 1990 dans un texte émanant du ministère de l'intérieur qui avait attiré l'opposition de l'ensemble des professionnels.

Entre-temps aussi, il y a eu le discours du président de la République à Antony, le 2 décembre 2008, qui a insisté sur l'aspect sécuritaire qu'il souhaitait donner à ce texte. Entre-temps également, il y a  eu une circulaire du 6 janvier 2010, cosignée ministère de l'intérieur-ministère de la santé, qui donnait pouvoir aux préfets de s'opposer aux sorties d'essai.

Ce qui fait qu'aujourd'hui, les professionnels – il s'agit donc d'une lecture au deuxième degré du texte – redoutent que ce qui était quelque chose d'exceptionnel, une sortie d'essai, devienne quelque chose de banal et de banalisé à travers les soins ambulatoires sans consentement, que cela devienne une règle, et que cela nous amène à devenir des contrôleurs sociaux.

Marion : Que recouvre concrètement cette nouvelle procédure de "soins sans consentement" ? Pourquoi se distingue-t-elle de "la sortie d'essai" ?

Rappelons que lorsque quelqu'un va mal, présente une pathologie mentale aiguë, il est hospitalisé sous contrainte. Ce qui veut dire que le psychiatre et l'équipe soignante ont la possibilité d'obliger le patient à recevoir un traitement.

Lorsqu'il va mieux, lorsqu'il est stabilisé et a mieux compris ses difficultés, on peut utiliser une possibilité, la sortie d'essai : il va pouvoir aller à son domicile, dans sa famille, pour quelques jours, mais reste sous la responsabilité de l'hôpital.

Quand il s'agit d'une hospitalisation sur demande d'un tiers (HDT), cette sortie d'essai se fait simplement sur proposition du médecin traitant. Lorsqu'il s'agit d'une hospitalition d'office (HO), le médecin traitant fait une demande au préfet, qui accepte ou n'accepte pas cette sortie d'essai et précise la durée de celle-ci. L'usage jusqu'à il y a deux ans était que pratiquement à 99 %, les préfets suivaient les propositions des médecins.

Depuis dix-huit mois environ, il y a beaucoup plus de difficultés à obtenir des sorties d'essai, car le préfet sent sa responsabilité engagée, rappelée par le président de la République, et nous demande des garanties.

Les soins ambulatoires sans consentement auraient pu être une prise en charge qui se fasse sans passer par l'hospitalisation, le but étant de contraindre un malade à prendre un traitement et à accepter un suivi.

Le choix du gouvernement a été de passer systématiquement par au minimum une période d'hospitalisation de 72 heures, au terme de laquelle peuvent être mis en place des soins ambulatoires sans consentement.

La différence fondamentale entre les deux systèmes est que la sortie d'essai permettait de vérifier que le patient allait effectivement mieux dans son milieu familial. Les soins ambulatoires sans consentement sont plutôt un engagement de l'équipe soignante à faire que le patient reste stable pendant longtemps. Or le but des soignants est effectivement de sortir du système de contrainte, pour passer à celui de convaincre le patient, où l'on prend le temps d'entrer en relation avec celui-ci, de créer une relation de confiance avec lui, pour l'amener à accepter l'idée qu'il est effectivement malade, qu'il a besoin d'un traitement et d'un suivi, d'un accompagnement.

La différence fondamentale est donc que pour nous, les sorties d'essai étaient quelque chose de provisoire – le temps d'arriver à construire quelque chose avec le patient – et nous redoutons que les soins ambulatoires sans consentement soient quelque chose de durable, dans la mesure où il y aura, entre le médecin et son patient, un tiers qui sera le préfet et/ou le juge.

Ces derniers auront le droit, chacun de leur côté, de dire : nous estimons que cette personne a encore besoin de soins sans consentement.

Franck : Je suis en sortie d'essai depuis maintenant quatre ans. Que puis-je espérer ou regretter de cette loi ?

Vous devez être considéré par votre médecin traitant comme encore fragile. La loi ne changera rien pour vous. On vous annonce dans ce texte que vous pouvez avoir recours au juge, mais cette procédure existait déjà dans le texte antérieur. Même si elle est davantage marquée cette fois-ci.

Thomas : Pouvez-vous nous détailler les autres éléments qui, dans le projet de loi sur les soins psychiatriques débattu actuellement au Sénat, vous inquiètent le plus ?

Il faut d'abord rappeler que le projet de réforme fait suite à la loi de 1990, qui elle-même réformait la loi du 30 juin 1838. Ce que nous attendions du texte au fond, c'était : à l'époque de la loi de 1990, ce qui était redouté était l'internement arbitraire. D'où l'introduction pour pouvoir être hospitalisé, de la nécessité de deux certificats. Nous attendions de la réforme actuelle qu'elle supprime ce deuxième certificat, dont les études montrent qu'il n'a pas d'intérêt.

Le deuxième élément que nous attendions, c'était le remplacement du trouble à l'ordre public par une formulation du style "mise en danger d'autrui". Les autres éléments étaient de savoir s'il fallait rester avec comme interlocuteur le préfet, comme depuis 1838, ou le juge, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens.

Nous attendions aussi de ce texte qu'il redéfinisse les missions de la psychiatrie publique, et donc qu'il évoque les moyens nécessaires à ces missions.

Ce qui pose problème dans ce projet, c'est d'abord la regrettable absence de concertation, et l'urgence actuelle.

L'autre point, c'est ce que nous ressentons comme un almagame entre malades mentaux et délinquants en puissance, qui se révèle dans le fait que dans ce texte est repérée une catégorie particulière de patients considérés comme dangereux : les patients d'UMD (unités pour malades difficiles), ceux sortant de prison étant jugés non responsables de leurs actes.

On a l'impression que dans ce texte, le but est qu'il n'y ait plus de drames liés aux malades mentaux. Or nous n'arrêtons pas de le répéter : le risque zéro n'existe pas. Donc toutes les procédures mises en place dans ce texte, dans notre perception, visent à faciliter l'entrée – ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose –, mais visent aussi à compliquer le processus de sortie.

Or une loi nouvelle devrait toujours tendre à simplifier et clarifier les règles, poser des principes, tout en veillant à leur applicabilité par les professionnels et à leur compréhension par le citoyen. Le présent projet est loin de cet objectif.

Marlène : Quelle solution préconisez vous aujourd'hui pour protéger les malades mentaux, à la fois face à l'institution judiciaire et face à l'institution psychiatrique ?

Je suis surpris de la formulation de la question, car notre but, que ce soit les soignants ou les magistrats, est plutôt d'aider les personnes en souffrance. Il n'y a donc pas de raison de les protéger des soignants et des magistrats.

Il faut rappeler que le but des psychiatres est d'abord de soigner une personne qui n'a pas conscience de ses difficultés, de l'aider à prendre conscience de son problème et de voir avec elle quels moyens sont nécessaires et possibles pour qu'elle puisse vivre mieux dans la société.

Nous avons donc un rôle thérapeutique à double titre : d'une part, en proposant un traitement médicamenteux, et d'autre part, en proposant un suivi psychothérapeutique.

Nous avons aussi une mission éducative vis-à-vis du patient pour lui rappeler que dans la société, il y a des règles qu'il doit respecter s'il veut vivre à sa manière.

Notre souhait est que l'on fasse confiance aux soignants, qui essaient de faire ce travail de leur mieux. Et dans ces conditions, nous essayons de limiter au minimum nécessaire l'hospitalisation sans consentement, les soins ambulatoires sans consentement afin d'aboutir à ce but : que la personne puisse retrouver une place pleine et entière dans la société, donc au milieu des autres.

Marie : Le virage sécuritaire n'a-t-il pas été entamé depuis longtemps dans le domaine de la psychiatrie ?

La logique sécuritaire a, d'une certaine manière, toujours existé en psychiatrie, puisque ce sont les fondements de la psychiatrie publique. Nous avons, nous, psychiatres, une mission de garants du bon fonctionnement social des personnes.

Au sens où, dans les personnes présentant des troubles, il est reconnu depuis 1838 qu'il y a des malades et que ceux-ci doivent être traités non pas en fonction de leurs actes, mais en fonction de leur maladie.

Donc tous les psychiatres publics ont le souci que les personnes qui sortent de l'hôpital soient en capacité de vivre dans la société sans poser de problème à eux-mêmes, aux autres et à la société.

Simplement, jusqu'à présent, c'était notre expertise qui faisait foi et qui était attestée par des certificats que nous adressions aux préfets, qui suivaient notre avis en se positionnant davantage sur la forme que sur le fond. Et quand il y avait un questionnement, il y avait un dialogue entre la préfecture et le médecin traitant.

Ce dialogue permettait d'aboutir à la meilleure solution pour tous.

C'est la rupture de ce dialogue et la méfiance vis-à-vis des soignants qui nous font entrer dans cette logique sécuritaire.

Doudi : Quels sont les moyens des préfets pour faire pression sur vous, les professionnels de la psychiatrie ?

Dominique :  Quels éléments sont fournis au préfet lors de la demande ?

Les préfets peuvent intervenir uniquement sur les hospitalisations d'office. Nous les informons régulièrement de l'évolution de l'état de santé du patient, et lorsque celui-ci va mieux, nous proposons aux préfets soit la levée de l'hospitalisation d'office, la poursuite des soins en libre, soit la sortie d'essai. Ce qui a changé, c'est qu'effectivement, aujourd'hui, le préfet nous demande de plus en plus d'information sur : le lieu où va le patient, les liens qui le lient à la personne chez qui il va, les conditions de prise en charge à la sortie. Au fond, il nous demande d'engager notre responsabilité sur le fait que le patient ne posera plus de problème. Ce qui nous pose problème...

Donc il existe une possibilité pour le préfet de refuser nos demandes lorsqu'il estime ne pas avoir suffisamment de garanties.

Dom : Comment faire prendre un traitement par voie orale sans consentement ? Le texte ne fait-il référence qu'à des traitements injectables sous contrainte ?

Lorsque le patient est hospitalisé, la plupart du temps, il est opposé – puisqu'il ne se reconnaît pas malade – à prendre un traitement. Il est donc souvent nécessaire d'utiliser des traitements injectables.

Notre but est très vite de passer à une forme orale et journalière de médicaments. Nous avons à notre disposition des traitements dits "retard" qui se font tous les quinze jours ou tous les mois, que nous proposons à nos patients soit quand ils nous le demandent par commodité – ils ont peur d'oublier leur traitement journalier –, soit parce que, en accord avec eux, nous savons que le patient, au bout d'un moment, va interrompre ce traitement oral.

Bien évidemment, cette pratique se fait avec l'accord du patient. L'idée du législateur, qui n'est pas écrite dans le texte, est peut-être de nous inciter à avoir recours plus souvent aux traitements dits "neuroleptiques retard" en espérant qu'à travers cette prise en charge, cela réduira les troubles du comportement de ces personnes.

Le risque pour nous est que le préfet nous "suggère" de mettre en place un traitement retard pour donner son accord à une sortie.

Bien évidemment, il ne nous est pas possible d'imposer à un patient qui refuserait de venir nous voir, qui déciderait d'interrompre les soins, la prise d'un traitement si c'est par choix, sans qu'il y ait rechute. Après tout, une personne peut choisir de vivre de manière originale, même si c'est peut-être marginal, mais je ne vois pas à quel titre les psychiatres devraient lui imposer un traitement au prétexte de cette originalité de vie.

Donc il est difficile d'imposer un traitement à quelqu'un qui ne collabore pas à son soin.

Marlène : Quelles dispositions manquent à cette loi ?

Plus que "quelles dispositions", je pense que ce qui manque est surtout un véritable temps de réflexion et de concertation. Il est nécessaire que les professionnels du soin, les magistrats et les politiques, y compris les maires, réfléchissent ensemble pour aboutir à un texte de compromis qui ne prête pas le flanc aux interprétations et aux procès d'intention.

Par exemple, une proposition serait de faire disparaître la notion de "trouble à l'ordre public" et de la remplacer par le risque de mise en danger d'autrui, ce qui amènerait probablement à ce qu'il n'y ait plus qu'une seule forme d'hospitalisation sous contrainte au lieu de deux actuellement.

Ce qui améliorerait le texte aussi, c'est qu'il n'y ait qu'un seul interlocuteur, soit le juge, d'après le Conseil constitutionnel. Et enfin, il serait important de redéfinir les missions de la psychiatrie publique, de garantir le mode d'organisation français de la psychiatrie publique, le secteur, qui est la base même du travail de proximité et de continuité de la prise en charge.

Il faudrait aussi mettre les moyens nécessaires à ces missions, car on demande beaucoup à la psychiatrie publique, on lui demande d'intervenir sur de multiples lieux et dans de multiples situations, alors que nos moyens ont été réduits très largement. Même s'il y a eu une petite amélioration à travers le dernier plan "santé mentale", qui a surtout permis un rattrapage plus qu'une véritable amélioration des moyens.
Chat modéré par Emmanuelle Chevallereau

Nomination


Un nouveau patron pour la Direction Générale de la Santé

Jusqu’alors directeur de l’ARS de Lorraine Jean-Yves Grall a été nommé mercredi Directeur général de la Santé. Le nouveau patron de la DGS n’a pas été recruté dans le sérail des universitaires comme à l’accoutumée. Ancien praticien libéral, il s’est fait connaître en 2007 par un rapport sévère sur la PDS et plus récemment pour avoir viré un chirurgien messin dont le service connaissait une surmortalité inhabituelle.

Comme annoncé par legeneraliste.fr dès le 22 avril, c’est donc le directeur de l’ARS de Lorraine, le Dr Jean-Yves Grall, qui devient le nouveau Directeur général de la Santé. Sa nomination a été officialisée par le conseil des ministres de mercredi. Ce cardiologue de 54 ans n’est pas un professeur de médecine, une grande première à la DGS. D’abord praticien libéral de 1986 à 1995 puis hospitalier à Châteaubriant jusqu’en 2003, date à laquelle il rejoint l’administration. Dans un premier temps, conseiller médical auprès du directeur de l’ARH d’Ile-de-France, puis conseiller général des établissements de santé et enfin conseiller médical de la directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, Annie Podeur. Il prend la tête de l’ARH de Lorraine en 2007 avec l’appui du ministre de la Santé de l’époque... un certain Xavier Bertrand.


À l’été 2007, il s’était illustré par un rapport très dur sur l’organisation de la permanence de soins, un dispositif qu’il jugeait alors « fragile, aléatoire et coûteux ». Il soulignait alors à Roselyne Bachelot que « dans le contexte de création des ARS, il existe une réelle opportunité de remettre à plat la situation et de changer de stratégie ». De fait, il a été entendu : la loi HPST a effectivement prévu de confier l’organisation de la PDS aux ARS, même si celle-ci ne s’est pas encore mise en place. « Un pilotage unique de l’organisation et des financements par le directeur de l’ARS semble d’évidence le plus cohérent, » observait-il alors. Il a également été l’auteur d’un rapport sur « le médicament à l’hôpital » en 2003, « les maisons médicales de garde » en 2006 et « l’évaluation du Plan Urgence » en 2007.


À la tête de l’ARS de Lorraine, il a notamment eu à gérer le scandale du service de chirurgie cardiaque du CHR Metz. En octobre 2010, il avait suspendu l’activité de ce service en raison d’un taux de mortalité des patients double de la moyenne nationale et triple pour la pose de valves cardiaques. Pour l’heure, c’est la directrice adjointe de l’ARS de Lorraine, Marie-Hélène Maître, qui va assurer la direction par interim de l’agence.

Valse de hauts fonctionnaires au ministère de la Santé

Son prédécesseur le Pr Didier Houssin qui a été notamment à la man?uvre pour la gestion de la campagne de vaccination contre la grippe A devrait prochainement prendre la tête de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Choisi par le Président de la République, ce chirurgien de 61 ans, qui était arrivée à la DGS en avril 2005, en remplacement de William Dab, a été auditionné la semaine dernière par les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale.


La nomination d’un nouveau DGS vient compléter le jeu de chaise musicale dans les administrations centrales et agences sanitaires en cours depuis le début de l’année, à la faveur notamment de l’affaire Mediator. Un mouvement d’une ampleur et d’une rapidité jamais observées jusque-là, même en cas d’alternance politique. Reste encore à Xavier Bertrand à trouver un ou une nouveau patron pour l’INCA qui est sans directeur depuis la nomination du Pr Dominique Maraninchi à l’Afssaps. Encore une fois, il pourrait puiser dans le vivier des directeurs d’ARS.

Près de 18 % des quinquas au travail se sentent en mauvaise santé
   
Les 50-59 ans qui travaillent se portent mieux que les chômeurs et les inactifs. C’est l’étude européenne SHARE (Survey of Health Ageing and Retirement in Europe) 2006-2007 qui confirme « l’effet travailleur en bonne santé ». Elle montre aussi de grandes différences selon les pays. Et si la France détient le record de l’espérance de vie, ses quinquagénaires au travail ne figurent pas parmi ceux qui ont le meilleur état de santé.

Ainsi, 17,8 % d’entre eux se perçoivent-ils en mauvaise santé (32 % des chômeurs et inactifs). C’est beaucoup plus qu’en Irlande (6,3), en Suisse (7,3), au Danemark (10,3), en Belgique (10,4) ou aux Pays-Bas (12,7). Mais loin du record polonais (26,6) et moins qu’en Allemagne (20,4).

La France est en outre en tête pour la proportion de personnes déclarant deux symptômes physiques ou plus, avec 37,4 %, devançant même la Pologne (35,1). Et en deuxième position pour les symptômes dépressifs : 26,5 % des travailleurs français quinquagénaires déclarent au moins trois symptômes évocateurs de dépression (31,4 % en Pologne mais 9,4 % seulement en Grèce).

En fait, quel que soit l’indicateur retenu, les conditions de travail, telles qu’elles sont ressenties, sont fortement corrélées avec l’état de santé. D’autres facteurs, connus, entrent aussi en ligne de compte : le fait de vivre en couple et le niveau d’éducation sont protecteurs ; les hommes ont moins de risques de déclarer des symptômes physiques ou dépressifs que les femmes et l’âge accroît la mauvaise santé perçue et la faiblesse de préhension.

Pour les auteurs de l’étude publiée par l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé)*, le résultat français « est d’autant plus préoccupant dans un contexte où le recul de l’âge de la retraite est au cœur des débats politiques actuels ». Et il se demande s’il est « possible d’harmoniser les politiques publiques du marché du travail et de la protection sociale en Europe avec des états de santé aussi divers ».
R. C.

14/02/2011