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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 17 avril 2011


Lost in cognition : psychanalyse et sciences cognitives




Ce livre examine les prétentions du nouveau paradigme de la psychologie à se proposer comme modèle d'avenir pour les disciplines cliniques, et par là, venir à bout de la psychanalyse. Quel est ce changement de paradigme ? C'est le cognitivo-comportementalisme. D'où vient-il ? Des États-Unis. Jusqu'aux années soixante, la psychologie comportementale avait joui d'un certain prestige. Elle s'est trouvée disqualifiée par l'objection du linguiste Noam Chomsky : aucun apprentissage ne pourrait jamais rendre compte de la compétence linguistique. Celle-ci devait être innée. La psychologie comportementale mit trente ans à se revêtir d'habits neufs. Les avancées de la biologie, de la neurologie, et de la nébuleuse qui en a résulté sous le nom de neurosciences le lui ont permis.

Sous le nom de cognitivisme comportemental, une nouvelle réduction de l'expérience humaine à l'apprentissage a fait retour.

A partir de la psychanalyse d'orientation lacanienne, ce livre soutient une thèse opposée. L'inconscient ne relève d'aucun apprentissage. Il est ce qui manque ou excède tout apprentissage possible. L'inconscient est un mode de la pensée délivrée de l'apprentissage comme de la conscience. C'est son scandale et sa particularité.
- 4ème de couverture -

GB : Publicis cède sa participation dans l'agence Freud Communications

Le groupe publicitaire français Publicis a annoncé vendredi la cession de sa participation majoritaire dans l'agence britannique de relations publiques Freud Communications à son fondateur Matthew Freud, par ailleurs petit-fils du père de la psychanalyse.

Des neurones de lieu dans la tête15/04/2011

   Imprimer  Aurait-on un GPS dans le cerveau ? Selon un travail collaboratif entre des chercheurs français (Jérôme Epsztein, INSERM Marseille), allemands (Michael Brecht, Berlin) et américains (Albert Lee), certains neurones possèdent des propriétés particulières, permettant d’apprendre facilement et rapidement la cartographie des lieux. Placé dans un nouveau lieu, le cerveau active ces neurones pour nous orienter. C’est l’hippocampe qui joue un rôle essentiel dans la mémoire des lieux et qui contient les neurones dits « cellules de lieu ». Les chercheurs ont enregistré grâce à une technique raffinée l’activité intracellulaire des cellules de lieu chez le rat pendant l’exploration de son espace.

Connaître sa localisation dans son environnement est, en termes d’évolution, une fonction essentielle à la survie.
Dr B. V.

Jérôme Epsztein et coll. « Neuron », avril 2011.

Les dessins chantants d'Adolf Wölfli, un fou génial


Wölfli aurait dû disparaître dans l'anonymat, comme presque tous les internés. Deux raisons l'en préservent. L'une est simple : Wölfli bénéficie de l'attention de médecins aux méthodes remarquablement avancées pour leur époque. Au moment de son internement, ils lui demandent d'écrire le récit de sa vie et cet exercice autobiographique initie cet homme sans éducation à une forme de création, l'écriture et le dessin, dont il ne s'était jamais approché.

En 1907, un jeune psychiatre, Walter Morgenthaler, est affecté à la Waldau. Il devient l'interlocuteur de Wölfli et le premier commentateur de ses travaux, au point de lui consacrer une étude en 1921. Cet essai, Un malade mental en tant qu'artiste, attire l'attention de quelques esprits remarquables, Lou Andreas-Salomé ou Rainer Maria Rilke. En 1945, c'est encore grâce à Morgenthaler que Jean Dubuffet a connaissance de Wölfli et en fait l'une des figures centrales de son "art brut".

L'autre cause est beaucoup plus difficile à analyser. C'est pour elle que Morgenthaler s'est passionné pour Wölfli et qu'aujourd'hui l'exposition de plus de 150 de ses oeuvres à Villeneuve-d'Ascq se visite avec la certitude de se trouver en présence de quelque chose de profondément exceptionnel. Cette raison, c'est la capacité très peu explicable dont Wölfli, "fou" et autodidacte, fait preuve pour développer une oeuvre graphique d'une abondance, d'une singularité et d'une complexité prodigieuses.

Il se met à dessiner vers 1899. En prison, donc. Les plus anciennes feuilles conservées datent de 1904. En noir et blanc, la composition est commandée par des figures régulières, avec répétitions et symétries de cercles, rosaces, spirales et frises. Dans les interstices, de petites scènes sont glissées, comme sur un portail roman. Des zones sont traversées par des portées musicales, mais sans notes. Dans cette période, Wölfli se qualifie néanmoins de " compositeur".

A partir de 1907, des changements s'opèrent. Les crayons de couleur deviennent la règle. Les éléments figuratifs se multiplient et Wölfli, pour les ordonner, prend pour schémas la carte géographique et le diagramme géométrique. Les portées se chargent de notes, selon un système d'écriture musicale - il a été récemment décrypté. Phrases, mots et chiffres se rangent en lignes et colonnes. Leurs fonctions sont tantôt narratives, tantôt symboliques - d'un symbolisme personnel et hermétique.

La cohérence est à la fois évidente et peu pénétrable. Elle se mesure à la volonté de Wölfli de créer par cycles : les 3 000 pages de son autobiographie fictive Du berceau au tombeau de 1908 à 1912, les Cahiers géographiques et algébriques de 1912 à 1918, les Cahiers avec chants et danses - 7 000 pages environ achevées vers 1922, les Albums-cahiers de danses et de marches de 1924 à 1928 et enfin la Marche funèbre, plus de 8 000 feuilles exécutées jusqu'à sa mort.

Ces oeuvres sont à regarder et à déchiffrer longuement. Elles sont aussi à scander et à chanter : à cause des notes, mais aussi à cause des mots inventés et des onomatopées qui les parsèment. Quand on s'y essaie, l'effet obtenu rappelle les poèmes qui s'entendaient au cabaret Voltaire, à Zurich, au temps de dada, et la Ursonate phonétique de Kurt Schwitters, écrite entre 1921 et 1932. Schwitters ne connaît pas Wölfli - et réciproquement évidemment. Mais ils traitent le langage de façon aussi libre et étrangement lyrique l'un que l'autre.

Ce n'est qu'un des points sur lesquels Wölfli se trouve proche des avant-gardes. L'exposition consacre une large place à ce qui est méconnu : les collages. A partir de 1917, en puisant dans de vieilles revues et dans les journaux du temps, suisses le plus souvent, Wölfli perfectionne un art précis du montage et des collisions d'images qui ne peut être comparé qu'à celui de dada. Hannah Höch, Raoul Hausmann et Max Ernst apparaissent comme ses vrais contemporains.

Le "fou" Wölfli succombe comme eux à la fascination pour les illustrations et les réclames - une fascination qui, comme la leur, s'inverse vite en dérision. Dans la plupart de ses collages, le détournement glisse au comique ou à la satire. On ne peut croire un instant que l'auteur de telles constructions visuelles agisse dans un état d'inconscience ou de démence.

L'oeuvre en apporte une autre preuve, indirecte. Dans les années 1920, la notoriété de Wölfli commence à se répandre et les commandes à affluer. Il divise alors délibérément sa production en deux parties : le Brotkunst - art alimentaire - d'une part, dans le style de ses créations antérieures, et ses Cahiers intimes de l'autre. Un artiste n'aurait pas agi autrement.

"Adolf Wölfli Univers", LAM, 59 650, Villeneuve-d'Ascq. Tél. : 03-20-19-68-88. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. Entrée 10 €. Jusqu'au 3 juillet.
Philippe Dagen

"La raison des femmes est l'enjeu de la modernité"
15.04.11

Philosophe, directrice de recherches au CNRS, essayiste, Geneviève Fraisse revient sur l'importance et l'empreinte de l'oeuvre de Simone de Beauvoir, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa mort.

Simone de Beauvoir est morte le 14 avril 1986. A-t-elle quelque chose à dire aux femmes qui ont aujourd'hui 25 ans ?


Simone de Beauvoir est une auteure importante du XXe siècle. En France, on veut bien la voir comme une figure politique, médiatique, historique. Or c'est une femme qui écrit et qui pense. C'est cela que trouvera une jeune femme, ou un jeune homme de 25 ans en ouvrant ses livres. En France, il est de bon ton de mépriser l'écrivaine. C'est une erreur.


Pour le centenaire de sa naissance, en 2008, vous avez écrit "Le Privilège de Simone de Beauvoir" (Actes Sud). Pourquoi le privilège ?


"Privilège" est un terme paradoxal, incroyablement présent dans le langage existentialiste et pourtant marqué d'un parfum d'Ancien Régime. Simone de Beauvoir, dont un livre s'appelle Privilèges, suit ce fil rouge de son privilège de jeune femme du XXe siècle à qui on offre l'école et le savoir, de son privilège de femme vivant dans la mixité et le partage de la pensée.


Aussi, il me paraît nécessaire de trouver les notions qui éclairent la question posée par le féminisme, je l'ai tenté avec celle de "service" - hiérarchie domestique et démocratie -, de "consentement" - entre choisir et accepter, comment se pense l'émancipation des femmes ? "Privilège" est un mot polysémique autant que synthétique : le privilège est-il pour moi seule, ou offert à autrui en partage ?


Vous parlez de son trajet risqué d'une femme qui pense. Cela a été aussi le vôtre ?


Vous savez bien que toute pensée est un risque ! Et travailler sur la question des sexes est, en France, peu légitime. Donc oui, il y a risque pour Simone de Beauvoir comme pour toutes celles qui envisagent un savoir sans limites. Or l'éducation des femmes fut toujours comprise comme circonscrite, dans le champ de l'apprentissage - couture plutôt que mathématiques -, comme par la reproduction de l'espèce - l'activité de l'utérus serait inversement proportionnelle à celle du cerveau.


La raison des femmes est le grand enjeu de la modernité, tous les droits en découlent, citoyenneté, autonomie économique, contraception - l'habeas corpus des femmes. Et puis le savoir est une jouissance tout en s'élaborant - ou non - avec de la souffrance.


Vous êtes philosophe. Considérez-vous Simone de Beauvoir comme une philosophe ?


Oui, il faut lire et relire l'introduction du Deuxième Sexe. C'est un discours de la méthode : affirmation d'un cogito situé, celui d'une femme, nécessité du détour par une pensée de toutes les femmes pour introduire un récit subjectif - les Mémoires à venir -, réflexion sur les catégories dominées, eux et nous, énigme de l'origine de l'oppression - sans événement -, statut de l'analyse de la domination - être juge et partie, pour les hommes comme pour les femmes. Mais Le Deuxième Sexe ne fait pas Les Méditations de Descartes. J'aime bien quand elle se décrit comme "correspondante de guerre"...


Que vous a apporté la lecture de Beauvoir ? Quels ont été les livres les plus importants pour vous ?


L'important, c'est son style : il n'est pas "beau", comme on dit, mais il est d'une densité époustouflante. Je l'ai compris avec la publication des Cahiers de jeunesse (Gallimard), en 2008. On la voit tout lire, à 20 ans, et tout restituer de ses lectures y compris son jugement, plutôt sûr, sur ce qui paraît en philosophie ou en littérature. Un exemple, que je ne prends pas au hasard : ma mère souligne dans son exemplaire du Deuxième Sexe, en 1949, l'expression "fécondité absurde" : a priori, fécondité renvoie aussi bien aux hommes qu'aux femmes ; jusqu'à ce qu'on y associe "fertilité" et "fécondation", qui féminisent le propos.


Mais c'est "absurde" le plus intéressant : absurde, dit la philosophie, est le cri de l'être humain face au silence de Dieu ou du monde, absurde souligne l'incompréhension d'un seul sexe qui enfante, absurde paraît l'asymétrie des sexes au moment même où l'universel de l'égalité se proclame dans les grands textes d'après-guerre. On est loin des chicaneries concernant la non-représentativité d'une femme sans enfant... De cet absurde philosophique, nous devons partir pour poser la question de la maternité au XXIe siècle.


Selon vous "Le Deuxième Sexe" n'est pas à l'origine du féminisme contemporain, comme on peut le comprendre en lisant votre dernier livre "A côté du genre. Sexe et philosophie de l'égalité" (Ed. Le Bord de l'eau).


Je l'inscris dans une histoire longue, avec la reprise de l'idée d'égalité des sexes au XVIIe siècle - et la geste féministe depuis le XIVe siècle -, la mise en procès, juridique et politique avec et après la révolution française. Plus encore, la pensée féministe ne peut faire l'économie d'une question adressée à la tradition philosophique : où se trouve logé l'objet, le philosophème, sexe ou genre ? Dans les notes en bas de page, dans les digressions des philosophes masculins, ou dans le texte même comme monnaie d'échange de la pensée ? Précisons que le mot "sexe" ne disparaîtra pas dans le concept de genre.


Car l'essentiel réside dans la - future - réponse que nous apporterons à l'anhistoricité, à ce que j'appelle la ritournelle, à l'oeuvre dans les pensées de la domination comme dans celles de l'émancipation. La sexuation du monde fabrique de l'histoire, et cela n'est pas si facile à prouver.

En tout cas, la question de l'"origine" du féminisme contemporain est une très mauvaise question. On peut, au passage, s'interroger sur le choix académique de parler désormais de "vague" féministe... Je viendrais de la deuxième... L'image de la vague est intéressante car elle dit le déferlement et le ressac, l'offensive et l'apaisement ; mais numéroter les vagues est clairement problématique...

La première vague coïnciderait avec la IIIe République, en fait avec l'apparition du néologisme "féminisme". Mais que deviennent les saint-simoniennes, les femmes de la révolution de 1848 ? Il n'y a pas d'origine, seulement de la provenance, dit Michel Foucault.


Je m'intéresse à la provenance, reconstruction de la généalogie, reprise des morceaux du puzzle, de l'émancipation comme de la domination...


Pourquoi un homme est-il dispensé d'écrire sur son sexe ?


Simone de Beauvoir ne dispense pas les hommes, elle dit qu'ils n'auraient pas "l'idée" d'écrire... Par là s'ouvre la question du "qui" pense, ou agit. Il n'y a pas d'ange, dit-elle ; à quoi, en écho, on posera la question de l'intellectuel : "se mêler" ou ne pas se mêler de ce qui nous regarde, pour reprendre une formule sartrienne. Simone de Beauvoir se mêle de ce qui la regarde, les femmes, la vieillesse.


Michel Foucault proposait, et j'y souscris, d'être des intellectuels spécifiques, de se placer - penser ou agir - à partir d'un savoir précis, situé. Alors, quiconque peut écrire sur le sexe, son sexe.


Que voulez-vous dire quand vous écrivez : "Ni Germaine de Staël ni Virginia Woolf n'ont eu ce sens du partage avec d'autres femmes "éclairées"" ?
Chez ces deux écrivaines, je puise régulièrement de l'énergie. Simone de Beauvoir, je la situe ailleurs, dans cette lucidité étonnante du lien entre le "une femme" sûre de la conquête des privilèges et "toutes les femmes" à qui ce privilège doit être restitué. A partir de là commencent les difficultés, explorées dans A côté du genre, celle de la "contradiction démocratique d'une société sexuée", du "contretemps" de l'émancipation des femmes, d'un "devenir sujet" qui coexiste avec la "permanence de l'objet". Mon ambition est de contribuer au "dérèglement des représentations" que l'égalité des sexes introduit, dans l'art comme dans la vie.


Pensez-vous que nous soyons dans une période de régression, non seulement du féminisme, mais de la situation des femmes dans les pays occidentaux ?

Oui.
Propos recueillis par Josyane Savigneau

Claude Le Pen, professeur d'économie de la santé à l'université Paris-Dauphine

"Le médicament 'rachète' la maladie comme l'eucharistie rachète l'âme"

13.04.11

La "une" du "Monde Magazine" daté 16 avril 2011.
La "une" du "Monde Magazine" daté 16 avril 2011.DR

Dans un chat sur LeMonde.fr, Claude Le Pen, professeur d'économie de la santé, estime que la surconsommation de médicaments s'explique par une complicité entre patients, médecins, laboratoires et Sécurité sociale. "Le Monde Magazine" daté 16 avril fait sa "une" sur les médicaments, "une passion française".

Tiên Lê : Les Français sont-ils hypocondriaques ? Ou est-ce le système de Sécurité sociale qui pousse à la consommation ?

Claude Le Pen :
Dans des pays qui remboursent encore mieux que nous, la consommation est quand même plus faible. La Sécu n'explique pas tout. Les Français aiment culturellement le médicament comme, d'ailleurs, la plupart des peuples latins.


Bubu : Est-ce parce que nous sommes mieux remboursés que d'autres ?

SPQR : Est-il exact qu'une petite fraction de praticiens prescrit la majorité des médicaments en France ?

C'est exact qu'il y a de grosses disparités entre prescripteurs. Néanmoins, les médecins français, en moyenne, prescrivent un peu plus que leurs confrères étrangers. Depuis quelques années, la prescription baisse, notamment sous la pression de l'assurance-maladie.

Si l'on tient compte des mutuelles, nous sommes plutôt bien remboursés, mais tout le monde n'a pas de mutuelle : 8 % des Français sont sans mutuelle.

Konstantin : Que signifie votre expression "les Français aiment culturellement le médicament" ?

Si j'osais une comparaison audacieuse, le médicament "rachète" la maladie comme l'eucharistie rachète l'âme. Le médicament est l'ostie du corps. Les sociétés anglo-saxonnes et puritaines ont une autre approche du salut. Mais, Konstantin, vous me poussez à des hypothèses extrêmes qui mériteraient approfondissement.

Marie : Les laboratoires pharmaceutiques poussent-ils à cette surconsommation ?

Les laboratoires pharmaceutiques font de la promotion pour leurs produits. La question, c'est l'interface laboratoires-médecins. Ces derniers subissent une pression, mais ils exercent aussi leur sens critique. La réponse varie certainement d'un prescripteur à l'autre.

Nicolas : N'y a-t-il pas une sorte de complicité des médecins, qui ont rapidement tendance à prescrire tout un tas de médicaments pour des maux parfois bénins ?

Il y a une complicité générale entre le patient qui aime bien qu'on lui prescrive un médicament, le médecin qui fait son métier en prescrivant, l'industrie qui vend et même la sécurité sociale qui a été créée pour rembourser les médicaments... C'est une logique un peu générale.

Guest : Vous dites qu'il y a complicité entre le médecin et le patient qui aime qu'on lui prescrive un médicament. Mais parfois le médecin ne demande même pas au patient s'il a l'habitude de prendre des médicaments afin de régler la dose. Cela serait-il dû à un "manque de formation" en ce sens ou juste à l'amour de ces médecins pour les médicaments ?

En France, la relation médecin-malade est très souvent concrétisée par une prescription pharmaceutique qui atteste de l'état du malade et sanctionne l'acte du médecin. Le médicament sert de preuve matérielle à la réalité de la pathologie et de l'acte.

Nosq : Pensez-vous que cette consommation élevée des médicaments puisse nuire à l'économie française ?

D'un strict point de vue économique, non. Cela crée une activité commerciale. L'industrie pharmaceutique française est la première d'Europe. Nous sommes le deuxième exportateur mondial de médicaments. Cette industrie a créé des emplois même si cela ne sera plus le cas dans le futur.

Florian : Par quel moyen évalue-t-on cette consommation en France et par rapport aux autres pays européens ?

Il existe des statistiques très précises de consommation qui montrent toutes des résultats convergents. Les Français consomment plus de médicaments que les autres (dans certaines classes comme les antidépresseurs et les tranquillisants). Mais il est juste de dire que l'écart se réduit parce que les Français consomment un peu moins et, en même temps, les autres un peu plus.

NassimSARI : De quels types de médicaments parle-t-on ? Les Français en consomment plus en général où s'agit-il de certains médicaments en particulier ?

Bonne question. La "surconsommation" est ciblée sur certaines classes, notamment pour les pathologies du quotidien. On ne surconsomme pas d'anticancéreux, d'antiparkinsoniens ou d'antirétroviraux.

Khentar : Quels sont les types de médicaments les plus consommés en France ? Une tranche d'âge en particulier ?

Bien sûr, les personnages âgées sont les plus grosses consommatrices. La polymédication du sujet âgé est d'ailleurs une préoccupation de santé publique. Sinon, les médicaments, de loin les plus consommés en France, sont les antalgiques et les antidouleurs.

Fred 78 : La consommation massive d'antidépresseurs est-elle symptomatique d'un pays sur le déclin ?

Non. On observe d'ailleurs une consommation d'antidépresseurs moindre dans les régions où l'alcoolisme est plus fréquent. Les Français traitent leurs troubles psychiques légers comme des troubles somatiques...

Adrien : Connait-on la part des médicaments achetés hors prescription ?

Chris : Beaucoup de pharmaciens acceptent de donner des médicaments sans ordonnance. Est-ce vrai ? Cela peut-il être sanctionné par la loi ?
Réponse à la seconde question. Les médicaments de prescription médicale obligatoire doivent obligatoirement être délivrés sur ordonnance. Le pharmacien peut éventuellement aider un patient, mais ce n'est pas complètement légal. L'ordonnance électronique, dématérialisée, facilitera les choses. Mais il existe des médicaments sans ordonnance que le pharmacien peut délivrer "librement".
Cette question de la prescription hors AMM (autorisation de mise sur le marché) est très complexe. Elle est légale mais elle expose le médecin à un risque. Le patient doit être informé et ce n'est pas remboursable. La mesure du phénomène est très difficile car le diagnostic est couvert par le secret médical.

Antoine : L'image renvoyée par les médias et nos politiques sur la santé publique influence-t-elle notre consommation et est-elle responsable de cette surconsommation ?

De quelle image voulez-vous parler ? La prescription de médicaments appartient plus à la santé "privée" qu'à la santé publique.

Antoine : Ne pensez-vous pas que le développement social de notre société avec cette peur d'être trop gros, trop stressé, trop fatigué ou autre, peut être une cause de ces chiffres ?

Peut-être. Il ne fait guère de doute que le marché du bien-être, médicalisé ou pas, est un marché en expansion. D'un autre coté, pourquoi souffrirait-on si l'on dispose des moyens techniques de l'éviter ?

Rebecca : Pensez-vous que les Francais ne sont pas motivés pour changer leurs habitudes alimentaires ? Du coup, ne préfèrent-ils pas prendre des médicaments pour faire baisser leur cholestérol ?

C'est vrai que les solutions médicamenteuses sont souvent plus simples et moins exigeantes que les changements de comportement. Toutefois, on voit ceux-ci changer. Le tabagisme est en recul et les habitudes alimentaires n'ont rien à voir avec ce qu'elles étaient il y a vingt ou trente ans. La solution ne peut consister à prendre un médicament en substitut d'un changement de comportement, mais plutôt comme accompagnement.

Antoine : Quel est le principal facteur social responsable de cette consommation parfois abusive ?

Si je devais citer un seul facteur, il ne serait pas de nature sociale puisque des pays comparables socio-économiquement ont des consommations moindres. Il s'agirait plutôt d'un facteur socio-culturel et tiendrait à la représentation du médecin, de la médecine, de la maladie, du corps, etc., dans la société française.

Valérie : Peut-on mesurer scientifiquement (et donc chiffrer en termes monétaires) l'éventuelle morbidité, voire la mortalité (évitables !) dues à la surconsommation de médicaments ?

Il y a des études scientifiques sur les interactions médicamenteuses, mais peu sur l'effet global de la "surconsommation". J'attire votre attention sur le fait que cette surconsommation est relative, c'est-à-dire par rapport aux autres pays. Elle n'est pas absolue par rapport à des "besoins médicaux" que l'on ne sait pas chiffrer.
Vraisemblablement, certaines pathologies sont sous-traitées en France, notamment dans certains milieux sociaux.

Annita Scandaliato : J'habite en Espagne, l'automédication est à l'ordre du jour mais les Espagnols consomment, malgré tout, moins de médicaments que nous (somnifères, antidépresseurs, etc.). Pourquoi ?

L'automédication ne marche pas très bien en France. Les Français ont l'habitude de la prescription et du remboursement. En dépit des efforts pour l'encourager, elle n'a pas vraiment décoller en dehors des traitements des pathologies hivernales. C'est différent dans d'autres pays. Quant à l'Espagne, elle consomme en moyenne un peu moins que nous, mais elle est plutôt dans les pays à consommation pharmaceutique relativement forte.

Céline : Que penser de la volonté des autorités de maîtriser la consommation en refusant le remboursement des médicaments par l'octroi de SMR insuffisant même pour des molécules à haut niveau de preuve. Cette position est-elle tenable ?

A haut niveau de preuve d'efficacité, il n'existe pas de médicaments qualifiés de "service médical rendu [SMR] insuffisant" et donc déremboursés. Ces médicaments ont été jugés comme ayant une efficacité discutable au plan général, même s'il n'est pas exclu qu'ils marchent bien pour certains patients.

Antoine : Comment expliquer qu'une affaire comme celle du Mediator soit possible en France ?

Fred 78 : Y a-t-il une collusion entre la classe dirigeante et les laboratoires pharmaceutiques comme tout porte à le croire avec l'affaire du Mediator ?
Vaste question. Des rapports multiples ont été écrits et seront écrits sur la question et il faudra en faire un bilan serein. Ma conviction est que cette affaire révèle des dysfonctionnements réels, mais datés. Le système de surveillance et d'autorisation a beaucoup changé depuis la mise sur le marché du Mediator.
C'est l'occasion d'une analyse critique de l'ensemble de la chaîne pharmaceutique dont on tirera le bilan. Cette analyse montrera, je pense, que le système est meilleur que l'idée que s'en font les Français à travers "l'affaire".
L'affaire du Mediator démontre aussi bien qu'il n'y a pas de collusion systématique entre une classe politique tout entière et une industrie. Ce sont des députés qui ont sorti l'affaire, c'est le ministre qui lance les enquêtes et encourage la justice à engager des poursuites. C'est beaucoup plus compliqué que ça.

Shepard : N'y-a-t-il pas un "besoin" exprimé par les patients de revenir vers une médecine plus "douce" ?

La médecine est plurielle. Elle l'est de plus en plus. Peut-être devons-nous moins médicaliser nos petits troubles quotidiens mais s'agissant du cancer, de la maladie d'Alzheimer, de la maladie de Parkinson, des infections virales, etc. des thérapies efficaces parce qu'agressives sont nécessaires. Distinguons les troubles du quotidien et les maladies les plus sévères.

Chat modéré par Olivier Biffaud et Sandrine Blanchard
 Trois mois avec sursis pour s’être soigné au cannabis
14/04/2011
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Un homme de 43 ans, chauffeur routier au chômage, a été condamné par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer à trois mois de prison avec sursis pour usage et détention de stupéfiants. Il avait été trahi par des écoutes téléphoniques mises en place après une transaction avec un dealer qui était sous surveillance.

Pour sa défense, l’homme a fait valoir qu’il fumait du cannabis ou en buvait en tisanes pour soigner un psoriasis. « Je ne vends pas de cannabis et je n’en prends pas pour me droguer mais pour me soigner, a-t-il expliqué à l’AFP. J’ai essayé les UV ou la cortisone, mais les effets secondaires sont importants et, de toute façon, ça ne marche pas. » Et le condamné d’ajouter : « J’ai des lettres de médecins qui montrent que mes cicatrices sont en train de disparaître. Depuis quelque temps, je peux enfin retourner à la piscine. »

L’usage thérapeutique du cannabis est autorisé dans certains pays, dont l’Autriche, les Pays-Bas, le Portugal et le Canada, ainsi qu’une dizaine d’États américains. Ce n’est pas le cas en France. Sur le site du ministère de l’Intérieur, la fiche consacrée au produit indique que « l’usage thérapeutique du cannabis, comme celui des autres stupéfiants, ne peut être pratiqué que sous un strict contrôle médical. On ne peut donc pas, parce qu’un produit est prescrit à certains malades graves, en déduire qu’il n’est pas nocif pour les personnes en bonne santé. » Les peines prévues pour l’usage de cannabis vont jusqu’à un an de prison et 3 750 euros d’amende.
R. C.

Alzheimer : le cortex commencerait à « rétrécir » 10 ans avant le diagnostic

Certaines parties du cerveau affectées par la maladie d'Alzheimer commenceraient à rétrécir jusqu'à dix ans avant que cette dégénérescence cérébrale incurable ne soit diagnostiquée, selon une étude publiée mercredi aux États-Unis. Bien qu'il ne s'agisse que de résultats préliminaires, les chercheurs estiment que cette découverte pourrait un jour permettre, à l'aide d'IRM, de déterminer quelles sont les personnes qui présentent le plus grand risque de développer cette maladie. Pour leur étude, les médecins ont mesuré avec des IRM les zones du cerveau généralement affectées par la maladie d'Alzheimer de 64 personnes saines, sans problème de mémoire ou d'autres symptômes de démence. Ils les ont suivies sur une période allant de sept à onze ans. Ils ont constaté que les sujets avec l'épaisseur la plus faible du cortex avaient de loin un plus grand risque de souffrir de la maladie d'Alzheimer comparativement à ceux avec ces mêmes parties cérébrales plus épaisses. Ainsi, dans le groupe de onze participants qui avaient les zones cérébrales concernées les plus modestes, 55 % ont développé la maladie d'Alzheimer. En revanche, aucun patient dans le groupe de neuf personnes avec les plus grandes tailles de ces mêmes parties du cerveau n'a souffert d'Alzheimer, précisent les chercheurs dont la communication paraît dans la revue Neurology, la publication de l'American Academy of Neurology. Dans le groupe des sujets avec une taille moyenne de ces zones cérébrales, 20 % ont souffert de la maladie d'Alzheimer. « Ces mesures sont un indicateur potentiellement important des premiers changements dans le cerveau liés à Alzheimer. Elles pourraient aider à prédire qui sont les personnes ayant le plus grand risque de souffrir de cette maladie et peut-être aussi de déterminer quand la maladie va se manifester », explique le Dr Bradford Dickerson de la faculté de médecine de Harvard, principal auteur de l'étude.
Selon AFP

Le livre et l'enfant, c'est toute une histoire

Mardi soir, dans le cadre de la manifestation "Bébé croque-livres", l'association guérandaise "Mille-feuilles et petit lu" invitait, dans la grande salle du Ciné Presqu'île, une personne reconnue dans le monde de la psychiatrie infantile : Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre et président de l'agence nationale des pratiques culturelles autour de la littérature jeunesse (Quand les livres relient).

Ce médecin, écrivain, formateur et chercheur dans les domaines relatifs à la petite enfance, est aussi conférencier.  C'est devant un public presque essentiellement composé de mamans mais aussi de professionnels exerçant leur métier en rapport étroit avec les enfants qu'il est venu expliquer l'intérêt des livres pour les petits. Les spectateurs, les oreilles grandes ouvertes ont suivi cette conférence très attentivement. Leur participation était cependant plutôt timide. Le sujet développé lors de cette soirée : "Comment le livre permet au tout-petit de s'inscrire dans l'histoire, la sienne, celle de sa famille et celle du monde qu'il habite ? Tout un programme !

C'est de manière étonnante  que Patrick Ben Soussan  a lancé son discours : la lecture d'un petit livre pour enfant : " Savoir vivre", de Yann Fastier. Cet ouvrage réunissant, telle  la chanson de Jacques Dutronc, tous les "fais pas ci, fais pas ça" provoqua sourires et questionnements introspectifs de la part du public.

Tout au long de la soirée, c'est au travers de "petites œuvres" comme "Tic Tic la girafe"," Lola placard" ou "Les 3 chats", que le pédopsychiatre a su expliquer au public la manière dont les enfants perçoivent le monde qui les entoure ainsi que l'incroyable capacité de ceux-ci à le comprendre et l'interpréter. Selon M Ben Soussan, si certaines choses sont difficiles à aborder avec un enfant, la mort, la sexualité... le livre permet,  grâce aux images, aux mots et symboles dissimulés ( parfois même à l'insu de leur auteur), de les traiter. "Les enfants entendent des choses que nous n'entendons pas ou ne voyons plus".

Cette conférence, prélude au colloque des 14 et 15 avril fut d'une incroyable simplicité d'écoute et très riche en informations. Les enfants ne sont pas faciles à comprendre, mais eux nous comprennent bien plus facilement que ce que l'on croit. En bref, il ne faut pas les prendre pour des bébés, les livres sont là pour le prouver.

Bébé croque-livres c'est aussi des expositions, spectacles, contes, lectures, rencontres sur toute la  presqu’île jusqu'à la fin du mois de mai. L'association "Mille-feuilles et petit lu organise cependant toute l'année de nombreuses animations adressées aux tout-petits. Notamment des petits-déjeuners chaque samedi pour les bébés-lecteurs.

À découvrir au LaM de Villeneuve-d'Ascq : Wölfli, le paysan schizophrène devenu le maître de l'art brut

10.04.2011
JEAN-MARIE GUICHARD
 Une sélection de cent cinquante des oeuvres de Wölfli à voir jusqu'au 3 juillet. PHOTO MAX ROSEREAU
Une sélection de cent cinquante des œuvres
de Wölfli à voir jusqu'au 3 juillet.
PHOTO MAX ROSEREAU

| EXPOSITION |

En 1895, Adolf Wölfli, 31 ans, solide journalier maltraité durant son enfance, est interné pour schizophrénie à l'hôpital psychiatrique de Berne, en Suisse. Il va y passer le reste de sa vie, entre les infirmiers et... ses crayons de bois. Durant trente-cinq ans, le « malade mental » noircit et colorie des milliers de pages, réalisant une des plus étonnantes sagas d'art brut jamais réalisées, à base de personnages minuscules intégrés à des motifs décoratifs orientalistes. ...


Une sélection de 150 de ses oeuvres est présentée depuis hier au LaM de Villeneuve-d'Ascq, première grande exposition temporaire d'art brut depuis la réouverture. La visite des onze salles permet d'appréhender la création dans l'ordre chronologique, depuis les premières feuilles en noir et blanc jusqu'à la mystérieuse Marche funèbre, succession compulsive de pages remplies de mots clés.

Dessins, écrits

Reconnu comme « artiste » par ses médecins puis par des collectionneurs avertis, Wölfli est considéré désormais comme une valeur sûre dans le monde de l'art et le LaM n'a eu les moyens, jusqu'ici, que de s'offrir deux pièces. « Différent » mais instruit, Wölfli a également beaucoup écrit, notamment Du berceau au tombeau, récit de voyage imaginaire, autofiction introspective remplie d'appréciations sur la vie et de théories sur le monde à venir. Plusieurs pages sont visibles à l'expo ainsi que des albums de musique.

Longtemps hermétiques, ses notations musicales ont été décryptées récemment, dévoilant des compositions parfaitement jouables. Comment les visiteurs vont-ils accueillir cette exposition-test sur l'attractivité de l'art brut ? Sachons en tout cas que l'oeuvre de Wölfli, « l'expression la plus représentative de l'art brut », selon Dubuffet, ne laisse pas indifférent.


Son maniérisme et son souci du détail, ses obsessions - croix, chiffres, têtes aux yeux noirs - sa mise en scène des sujets, avec une interaction innovante pour l'époque entre graphisme, texte, collages, tout ici interpelle notre appréciation souvent cartésienne de l'oeuvre d'art. Et si, pour une fois, nous laissions simplement parler nos émotions... brutes.


Jusqu'au 3 juillet au LaM, 1, allée du Musée à Villeneuve-d'Ascq. Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h.
Dix et sept euros. Rens. au 03 20 19 68 88.


Trauma
Patrick McGrath  (Éditions Actes Sud)  avril 2011


Patrick McGrath, qui travailla dans l'institution psychiatrique et dont le père psychiatre fut directeur d’un asile psychiatrique de haute sécurité anglais - ceci expliquant peut-être cela - oeuvre dans un nouveau registre scriptural qu'est la veine "neurogothique", qui a vu le jour au début des années 2000 après la publication des écrits du neuropsychologue et écrivain Paul Broks.

Ce genre aborde la narration littéraire sous l'angle du psychique en racontant le parcours d'individus atteints de maladie mentale ou pour le moins de troubles du comportement, ce qui permet d'aborder la déviance ou le dérèglement sous une focale in habituelle.

Dans "Trauma", titre qui annonce immédiatement la couleur, comme les trois phrases introductives ("Ma mère tomba en dépression pour la première fois quand j'avais sept ans, et j'eus le sentiment que c'était ma faute. Que j'aurais dû l'empêcher. C'était un an environ avant que mon père ne nous quitte.") circonscrivent le noeud de l'intrigue, il raconte l'inéluctable et insidieuse descente aux enfers d'un psychiatre.

Car selon l'adage "le cordonnier est souvent le plus mal chaussé" et le fait que le choix d'une profession qui ressortit à la vocation n'est jamais anodine, Charlie Weir qui s'est spécialisé dans les névroses de guerre et plus spécifiquement le stress post-traumatique des vétérans du Vietnam, n'est à l'abri ni du traumatisme ni du refoulement et ne pratique manifestement ni l'auto-analyse ni l'automédication.

Force est de constater que pour le narrateur, dès le début, du côté familial, c'est plutôt le registre "famille pathogène" : absence de figure paternelle avec un père qui a pris la poudre d'escampette, et figure maternelle ambivalent crainte et détestée mais dont il espère l'amour, avec une mère alcoolique, dépressive et cruelle qui lui préfère son frère peintre à qui tout réussit et retourne le couteau dans la plaie ("Tout le monde peut être psychiatre. Mais pour devenir artiste il faut du talent"), un frère à qui tout réussit

Manque d'amour, dévalorisation, sentiment de culpabilité, sentiment d'infériorité, rien d'étonnant à ce que sa barque soit bien chargée pour traverser le long fleuve tumultueux de la vie. A cela s'ajoute, en filigrane, une certaine stratégie de l'échec dont il est conscient ("Je cassais tout ce que je touchais").

Le suicide d'un patient, dont il a épousé la sœur, ce qui n'était sans doute pas sa meilleure idée, puis la mort de sa mère constituent les facteurs activateurs d'un marasme existentiel prééxistant qui l'enfonce dans la dépression. Il quitte son épouse et sa fille, il a une liaison avec une ex-amie de son frère qui souffre de cauchemars sévères, puis renoue avec son ex-épouse pour des 5 à 7 "thérapeuthiques". Ce qui n'est pas sans alourdir son passif.

Dès lors "Trauma" constitue moins d'un roman psychologique qu'une tentative de dissection in vivo des arcanes mentales du narrateur, cette exploration mentale se déroulant en parallèle avec la spirale de la dépression, illustrant avec réalisme le mécanisme psychique de l'abréaction - la résurgence d'un traumatisme refoulé - qui entraîne en l'espèce des tensions insolubles conduisant à la désorientation mentale.

Patrick McGrath mène avec brio son entreprise à la manière d'un thriller au dénouement très rapide qui laisse toutefois le lecteur un peu sur sa faim.