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vendredi 16 juin 2017

Les nouveaux enjeux de la prévention chez l'enfant

09.06.2017


Évolutions des apports conseillés en vitamines liposolubles, réduction des seuils d’alerte pour la plombémie, élargissement espéré du dépistage néonatal, nouveau carnet de santé à la fin de l’année... Le cadre de la prévention bouge en pédiatrie générale. Autant d’évolutions passées en revue lors du récent congrès français de pédiatrie.

Peut-être encore plus que chez l’adulte, la prévention en pédiatrie a le vent en poupe, comme en témoignent les nombreuses sessions consacrées à ce sujet lors du Congrès de la Société française de pédiatrie (SFP, Marseille 17-19 mai 2017). Avec de nouvelles normes, de nouveaux outils ou encore de nouvelles pratiques…

Vitamine A, vitamine D : ni trop, ni trop peu
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Les vitamines A et D sont particulièrement d’actualité. Concernant la vitamine A totale, les apports conseillés ont été revus à la baisse en 2015 par l’European Food Safety Autority pour toutes les tranches d’âge en raison d’une supplémentation trop importante par les industriels ; seuls les pays en voie de développement sont à risque de carence en rétinol. La SFP a repris à son compte ces nouvelles normes en mars 2017. « Quatre tranches d’âge sont définies, développe le Pr Daniel Rieu (Montpellier) : les 7 mois-3 ans (apport recommandé de 250 µg d’équivalent rétinol/jour), les 4-6 ans (300 µg), les 7-10 ans (400 µg) et les 15-17 ans (650 µg pour les filles, 750 pour les garçons). » En dehors de situations pathologiques particulières (mucoviscidose, cholestase…), les supplémentations en vitamine A sont déconseillées.

  Rachitisme carentiel Si la carence en vitamine A est rare, la situation reste plus fréquente pour la vitamine D. En 2017, « le risque de déficit est très fréquent en population générale pédiatrique, rappelle le Dr Justine Bacchetta (Bron, Rhône), avec jusqu’à 60 % des enfants européens concernés pour le seuil de 50 nmol/l de 25-(OH) D, dans un contexte où le rachitisme carentiel existe toujours en France ». Sans surprise puisque les recommandations de la SFP en 2012 sur la supplémentation systématique de 0 à 18 ans ne sont que rarement appliquées, comme l’a vérifié une étude en médecine générale (2016) : 97 % des 0-18 mois reçoivent les apports conseillés mais ce chiffre tombe à 42 % pour les 1-5 ans et à 25 % chez les 10-18 ans.
Enfin, alors que les effets bénéfiques de la vitamine D se fondent surtout sur de nombreuses données expérimentales (sur le système immunitaire, sur le système rénine-angiotensine et la PA, sur la régulation de l’Hb et le métabolisme du fer), il existe peu de données cliniques de haut niveau de preuve. En 2015, néanmoins, l’étude Escape soulignait que des taux de 25-(OH) D < 50 nmol/l étaient associés à une PAD plus élevée chez des enfants en insuffisance rénale chronique. Des résultats similaires (non publiés) ont été obtenus dans la cohorte lyonnaise Vitados chez des adolescents sains (10-18 ans). Enfin, plusieurs publications en 2016-2017 ont étayé le précepte du « ni trop, ni trop peu », avec une courbe en « U » pour la mortalité en fonction des taux de vitamine D à l’inclusion dans la cohorte, les meilleures survies étant observées entre 50 et 120 nmol/l. C’est pourquoi l’European society for paediatric nephrology a réévalué en 2017 les taux optimaux en 25-(OH) D chez l’enfant insuffisant rénal, avec des cibles entre 75 et 120 nmol/l « mais qui peuvent probablement être étendues à tous les enfants souffrant de maladie chronique », ajoute Justine Bacchetta.

Plombémie, à chaque fois plus basse
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Désormais la détection de plombémies très faibles est possible. Le seuil de la déclaration obligatoire a été abaissé à 50 µg/l en juin 2015, soit deux fois moins que le précédent. Les conséquences sur la santé de taux inférieurs à 100 µg/l ont pu être étudiées révélant une diminution des performances intellectuelles et de l’acuité auditive, des troubles du comportement, un retard du développement staturo-pondéral et d’un retard pubertaire. Un seuil d’alertea été créé à 25 µg/l, justifiant une surveillance biologique rapprochée.




Enfants et écrans, les pédiatres se positionnent
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Dans les prochaines semaines, la SFP publiera sa position sur l’utilisation des écrans par les enfants, conjointement avec le Groupe de pédiatrie générale. Cet avis d’experts s’appuie largement sur de nombreuses recos déjà publiées, en particulier celles de l’Académie des sciences (2014) et de l’Académie américaine de pédiatrie (2016) ainsi que des règles des 3-6-9-12 édictées par le Dr Serge Tisseron, rééditées en 2016. Pour autant, les experts, dans un souci de simplification, n’ont pas repris les conseils en fonction des tranches d’âge. Les Drs Georges Picherot et Jacques Cheymol, coordinateurs de ces recommandations, pensent, à l’instar de l’Académie américaine de pédiatrie, qu’il est extrêmement difficile de justifier des limites aussi précises et de les appliquer dans la « vraie vie » familiale.

  Savoir faire un break Cinq messages simples sont proposés. « Comprendre sans diaboliser » résume la nécessité d’interpréter en fonction des paramètres familiaux, de ne pas anticiper en remplaçant les besoins des enfants par les désirs des adultes. L’autre objectif, « privilégier le partage des écrans » est possible dans les espaces de vie collective mais pas dans les chambres avant l’adolescence, du fait de leurs effets délétères prouvés sur le sommeil et l’obésité. Troisième message : « savoir faire un break ». Certains temps et lieux devraient être sanctuarisés : repas, sommeil, école – hormis pour les apprentissages –, salles de sport, phases de jeux collectifs. « Oser et accompagner la parentalité pour les écrans » est le quatrième message. En effet, la nouveauté des objets ne doit pas être un frein à la gestion parentale des écrans. Enfin, « lutter contre l’isolement » est justifié par le fait que le cyber harcèlement-dénigrement peut conduire à de véritables dépressions, avec risque de passages à l’acte suicidaire.
L’espoir du dépistage néonatal des maladies métaboliques
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En dehors du dépistage néonatal de la phénylcétonurie (PCU), aucune autre maladie métabolique n’est systématiquement dépistée à la naissance en France. « Notre pays ne fait pas figure d’exemple en la matière mais l’espoir viendra de la mise en place des nouveaux centres de dépistage, prévue en 2018, qui devrait intégrer les nouvelles techniques de dépistage », souligne le Pr François Feillet (hôpital d’enfants, CHU Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy). À partir d’une goutte de sang, une trentaine de ces maladies peut facilement être dépistée grâce à la spectrométrie de masse en tandem (dosage simultané des acylcarnitines et des acides aminés), même si le dépistage de plusieurs de ces maladies se heurte à des questions d’éthique avec un taux élevé de faux positifs ou négatifs, le dépistage potentiel de nouveau-nés qui resteront asymptomatiques toute leur vie durant et l’absence de traitement curatif.

  Cinq nouvelles maladies La Grande-Bretagne a tout récemment inscrit au dépistage néonatal cinq nouvelles maladies métaboliques dont le dépistage permet de modifier radicalement l’histoire de ces enfants. En effet, le dépistage de ces maladies permet d’éviter des retards mentaux (acidurie isovalérique, leucinose, homocystinurie), des atteintes hépatiques (déficit en LCHAD), voire des morts subites (déficit en MCAD). L’exemple du dépistage du déficit en MCAD (déficit en déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes) est emblématique : il n’est toujours pas opérationnel malgré l’amélioration du pronostic vital démontré au moyen d’un traitement simple (évitement des périodes de jeûne, hospitalisation en urgence des enfants à jeun, voire supplémentation en carnitine) et l’aval de la HAS en 2011.
Dans l’attente, et même s’il s’agit d’une maladie rare (1/12 5 000), ce déficit doit être suspecté lors de la survenue d’une hypoglycémie, d’un malaise, d’une convulsion, d’une cytolyse hépatique ou musculaire, surtout si cette symptomatologie survient dans un contexte de catabolisme lié à un jeûne prolongé, une fièvre ou une chirurgie, par exemple.

Un nouveau carnet de santé fin 2017
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Plus de prévention, plus de simplifications... De nombreuses modifications sont au programme de la nouvelle mouture du carnet de santé, dont la parution est espérée d’ici à fin 2017. Cette refonte du carnet de santé, sur les propositions du HCSP de mai 2016, touche la réorganisation des âges clés des examens de santé de 0 à 18 ans. Examens qui, au passage, se délestent du terme « obligatoires » pour être remplacé par celui de « systématiquement proposés ».

  Consultations annuelles Un examen est ajouté au cours de la 2e semaine du post-partum pour tenir compte des sorties ultra-prématurées de maternité. Les certificats de santé du 9e et du 24e mois sont maintenus aux mêmes âges. Ces propositions tiennent par ailleurs compte du nouveau calendrier vaccinal en vigueur comportant un rendez-vous vaccinal à M11 et entre M16 et M18. Les consultations seront annuelles et non plus semestrielles, entre 2 à 6 ans. À cela s’ajoute un examen systématiquement pris en charge à 8-9 ans, à 11-13 ans et entre 14 et 18 ans Cela porte à 16 le nombre de consultations au lieu de 20 auparavant, entre 0 et 16 ans. Avec la possibilité d’ajouter un examen supplémentaire chez l’adolescent. En attendant le carnet de vaccinations électronique, une carte amovible du calendrier de l’année de naissance à introduire dans un rabat devrait remplacer les pages « vaccinations », trop rapidement obsolètes. Par ailleurs, les courbes anthropométriques des 2-18 ans seront remplacées par celles de l’IOTF (Inyternational Obesity Task Force) qui tiennent compte des seuils de définition de l’obésité et du surpoids. L’ajout de pages pour les examens bucco-dentaires à 9, 15 et 18 ans et la réintroduction de l’autoquestionnaire pour la pratique sportive sont aussi prévus. Une échelle colorimétrique des selles en vue du dépistage de l’atrésie des voies biliaires. Afin que le carnet joue son rôle informatif, de nombreux messages sont passés aux parents à l’égard de l’environnement, des écrans, du sommeil, sur la prévention de la mort inattendue de l’enfant, du botulisme et des

accidents, sans oublier les droits de l’enfant.
Hélène Joubert

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