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samedi 1 avril 2017

Suppression de l’aide médicale d’Etat : un probable impact sanitaire

Les économies qui pourraient être réalisées par l’abandon de l’AME, mesure souhaitée par François Fillon et Marine Le Pen, sont difficiles à évaluer.

LE MONDE  | Par 

La mesure figure en bonne place des programmes de François Fillon et de Marine Le Pen. Les candidats de la droite et de l’extrême droite souhaitent tous deux supprimer l’aide médicale d’Etat (AME) dont bénéficient les étrangers sans papiers, pour la remplacer par une aide limitée aux seules urgences et maladies graves ou contagieuses. En 2015, 316 314 personnes ont vu leurs soins de base pris en charge à 100 %, le plus fréquemment pour traiter la tuberculose, les maladies associées au VIH et pour des accouchements.


« A chaque élection et à chaque vote du budget, ce dispositif est instrumentalisé et remis en cause pour de mauvaises raisons », regrette Françoise Sivignon, présidente de Médecins du monde. « Il n’y a pas de tourisme médical, les gens migrent pour d’autres raisons que l’AME », assure-t-elle, en réponse à Marine Le Pen qui voit dans cette aide une « pompe aspirante » de l’immigration. Face aux menaces de suppression du dispositif, médecins et associations humanitaires dénoncent une mesure « idéologique », « à l’encontre de la déontologie médicale » et « contre-productive en termes de santé publique ».


« Choix impossibles »


« Un cancer, est-ce que c’est urgent ? Pas urgent ?, interroge François Lhote, chef du service de médecine interne de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis, l’un des établissements qui reçoivent le plus de bénéficiaires de l’AME en France. Plus on retarde les soins et plus ça coûte cher. Un certain nombre d’hospitalisations sont évitables avec une prise en charge précoce. Attendre que les gens aillent mal pour les soigner, c’est un non-sens sanitaire. »

La prévision de dépense actualisée pour l’AME dite « de droit commun » (c’est-à-dire pour les étrangers résidant depuis au moins trois mois sur le territoire, et disposant de ressources inférieures au plafond de la Couverture maladie universelle, soit 8 653 euros annuels en France métropolitaine) s’élève à 754 millions d’euros pour 2016, en hausse constante depuis sa création en 2000. Un chiffre – à rapporter aux 159 milliards d’euros de prestations versées par l’Assurance-maladie –, généralement considéré comme minoré par certains élus de droite, pour qui le budget de cette aide avoisine plutôt en réalité 1,1 milliard d’euros.

L’Institut Montaigne, think tank classé à droite, a récemment évalué le gain potentiel d’une suppression de l’AME à 473 millions d’euros, tout en rappelant que « cette économie ne prend pas en compte les coûts que générerait une propagation des affections contagieuses au sein de la population, qui pourraient se révéler bien plus élevés ».

« Il va y avoir des choix impossibles pour les médecins, estime François Lhote, car ils seront amenés à arbitrer entre « le refus des soins et donc le délaissement de patients qu’ils ont accompagnés parfois pendant des années » et « leur propre sacrifice financier ». Si les médecins libéraux renoncent à soigner des étrangers sans papiers parce qu’ils ne sont plus payés pour le faire, les urgences des hôpitaux – déjà saturées – risquent d’être confrontées à une très forte hausse des demandes de prise en charge.

Pour Philippe Batifoulier, spécialistes de la question et membre des Economistes atterrés, il est donc tout simplement « absurde » et même « stupide » de « croire que la suppression de l’AME permettrait de faire des économies »« Car sauf à les laisser à la porte de l’hôpital, ces personnes seront soignées, explique-t-il. La santé va trouver son chemin. Soit on attend que les gens soient très malades et ça coûte plus cher. Soit leurs soins sont pris sur d’autres budgets. » Résultat en cas de suppression de l’AME, selon lui : un « système alternatif de financement pour l’hôpital » devrait impérativement être mis en place par les pouvoirs publics « pour ne pas mettre à mal le système hospitalier », qui serait alors confronté à une explosion du nombre de « créances irrécouvrables ».


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