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mardi 14 mars 2017

Le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie recensera en 2018 les recours à la contention

Lors d'un congrès au ministère, la DGOS a apporté des précisions sur l'instruction sur la contention et l'isolement en psychiatrie, qui doit être publiée dans les prochaines semaines. Le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie (RimP) devrait notamment recenser à partir de 2018 les recours à la contention dans les établissements de santé.
En ouverture de la journée d'étude européenne du centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé français sur la contrainte en psychiatrie, organisée le 14 mars au ministère de la Santé à Paris, le représentant de la DGOS a évoqué les travaux actuellement en cours de finalisation sur l'isolement et la contention. Citant des statistiques récentes (lire notre article) montrant une hausse significative de 15% des hospitalisations sans consentement sur 2012-2015, Thierry Kurth, adjoint à la directrice du bureau "prises en charge hospitalières aiguës" au sein de la sous-direction de la régulation de l'offre de soins de la DGOS, souligne la nécessité d'approfondir les causes de cette situation. "Des travaux complémentaires devront permettre de confirmer les premières analyses concernant cette évolution du recours à la contrainte", précise-t-il. "L'absence de consentement aux soins est l'une des problématiques les plus complexes de l'éthique et du droit de la médecine", appuie Thierry Kurth, tout en rappelant que le législateur a "profondément fait évoluer les droits" des personnes hospitalisées en raison de troubles psychiques.

Travaux coordonnés DGOS/HAS

Cette évolution, qui s'inscrit également dans un contexte international, est relayée notamment pour ce qui est du respect effectif de ces droits, par des missions parlementaires ou encore le travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), relève-t-il. Thierry Kurth rappelle que la loi de Santé a pris en compte ces évolutions avec l'inscription dans le Code de la santé publique de l'utilisation de l'isolement et de la contention comme des pratiques de "dernier recours". "Cette disposition s'inscrit dans une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle de ces pratiques partagée au niveau européen", poursuit-il, évoquant le registre et les rapports annuels créés par la loi de Santé pour la traçabilité des mesures dans les établissements.

La DGOS et la Direction générale de la santé (DGS) ont réuni en 2016 l'ensemble des acteurs concernés* afin "d'élaborer une instruction (lire notre articleprécisant les modalités de mise en œuvre du registre et de recueil des données au niveau des établissements, des régions et au niveau de l'État". Cette instruction a fait "l'objet d'une large concertation des acteurs", notamment dans le cadre du comité de pilotage de la psychiatrie en présence d'Adeline Hazan, CGLPL, et "devrait être publiée dans les prochaines semaines". En parallèle, la DGS et la DGOS ont inscrit au programme de travail de la Haute Autorité de santé (HAS) la mise à jour des recommandations sur la pratique clinique d'isolement et contention (lire notre article). "L'instruction en cours de publication a été élaborée en lien étroit avec les travaux menés par la HAS afin que ces textes qui vont sortir dans un temps identique, portent un message clair et cohérent sur ce sujet sensible", ajoute Thierry Kurth.

Disposer de données "exhaustives" à plusieurs niveaux

La mise en place d'une politique et d'une organisation au sein des hôpitaux "doit atteindre le niveau d'exigence désormais attendu par les recommandations de bonnes pratiques". Il s'agit d'intégrer la réflexion sur ces pratiques et leur suivi au sein du projet médical et du programme d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, précise le représentant de la DGOS. Il s'agit également de mettre en œuvre "des formations, des protocoles de désescalade, des dispositifs de prévention", en lien avec les travaux récents de la HAS sur la prévention et la prise en charge des moments de violence en psychiatrie.

Le contenu du registre, ainsi que les modalités de suivi à tous niveaux (hôpital/régional/national) seront précisés dans l'instruction, annonce Thierry Kurth. "Actuellement, le recueil d'informations médicalisé en psychiatrie (RimP) recense uniquement l'utilisation des chambres d'isolement mais a vocation, nous y contribuerons, d'intégrer à partir de 2018 des données complémentaires, notamment relatives au recours à la contention", développe-t-il, appuyant que ce serait "une avancée importante". Les indicateurs recueillis permettront de "disposer de données exhaustives sur l'isolement et la contention, régulières, insérées dans le RimP, permettant de dresser un état des lieux et d'analyser dans le temps" l'évolution du recours à ces pratiques. Ces données devront "bien entendu être complétées par des études qualitatives sur les pratiques et l'impact sur les organisations".

Le RimP, outil adapté pour le recueil ?

Interrogée lors d'une table ronde sur la question de savoir si le RimP est bien adapté au recueil de ces pratiques, Magali Coldefy, maître de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), souligne qu'il existe une possible sous-estimation des situations de mise à l'isolement hors du protocole. La définition de l'isolement thérapeutique existant dans le RimP est la suivante : "nombre de jours calendaires où le patient a fait l'objet d'un isolement selon le protocole de surveillance de la HAS d'une durée continue égale ou supérieure à deux heures". Or, quid des mesures d'isolement à des fins non thérapeutiques ? Par exemple, des détenus ou encore des mineurs hospitalisés en service adulte — isolés pour être "protégés" au sein du service —, etc. Et quid des isolements hors chambres d'isolement dûment identifiées ? C'est-à-dire des placements de patients dans des structures "intermédiaires", qui portent toutes sortes d'appellation : chambres d'apaisement, chambres sécurisées, de soins intensifs, de réflexion, etc. Et comme le soulignent plusieurs intervenants internationaux (notamment psychiatres), lors du congrès, on pourrait considérer qu'il y a isolement dès lors que la chambre est fermée volontairement à clé... L'un des enjeux de l'instruction à paraître sera donc d'apporter, le cas échéant, un cadre précis permettant effectivement l'exhaustivité du recueil que la DGOS, notamment, appelle de ses vœux.
Caroline Cordier
* Thierry Kurth cite le centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé français, les conférences de présidents de commissions médicales d'établissement, les conférences de directeurs d'établissement, des représentants d'usagers et des familles, et des représentants des ARS.
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