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mardi 21 mars 2017

Joseph Schovanec philosophe sur l'emploi des autistes et leurs difficultés de parcours

 - HOSPIMEDIA
À son image, le rapport de mission de Joseph Schovanec sur l'emploi des autistes ouvre la réflexion. Il évoque ainsi les difficultés pour les personnes autistes de suivre un parcours de vie linéaire. Le philosophe n'hésite pas non plus à aborder des sujets délicats comme la place de l'autisme dans le champ du handicap et la santé mentale.
Missionné il y a moins d'un an par Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, pour se pencher sur la problématique de l'emploi des personnes autistes, Joseph Schovanec vient de rendre un rapport sans concession. Tout d'abord dans sa forme, l'empreinte du philosophe est bien présente. Il a ainsi choisi de débuter par un épigraphe, écrivant qu'il s'"aheurte à croire qu'un jour la société inclusive deviendra pour les personnes autistes adultes réalité, assurément non point dans leur seul intérêt, mais afin que d'autres précisément puissent à l'aube nouvelle des temps de leur labeur boire l'aiguail". De son côté, dans son communiqué annonçant la fin de la mission, le secrétariat d'État rappelle que ce rapport doit permettre aux groupes d'élaboration du quatrième plan Autisme de disposer de propositions éclairées sur l'accompagnement dans l'emploi des personnes autistes, à tous les niveaux du spectre. Joseph Schovanec ne s'est, en effet, pas privé d'ouvrir le débat.

Le parcours du combattant des autistes

Dans les premières pages de son rapport, il pose clairement la problématique des parcours, dans une perspective de santé globale et de qualité de vie de ces adultes se retrouvant souvent hors circuit. "Toute tentative d'aborder la question de l'emploi des personnes autistes devra prendre en considération le fait que rarissimes sont les personnes autistes ayant eu un parcours de vie linéaire. La norme statistique dominante voire quasiment unique en la matière est l'alternance de phases de plus ou moins grande inclusion, de types divers de précarité, avec de multiples interruptions de parcours et de longues périodes sans solution", indique le philosophe.

Il attire l'attention sur deux âges problématiques. "À l'issue de l'adolescence : chez nombre de personnes autistes, survient une phase de flottement, avec divers troubles psychologiques induits par les carences de leur qualité de vie, tels que la dépression voire une apparente déstructuration pouvant faire penser à une forme atténuée de schizophrénie ; une mention spécifique doit être faite au sujet des viols, en particulier ceux passés sous silence, dont de trop nombreuses femmes autistes sont alors victimes". Par la suite, "se manifeste parfois un phénomène de résignation face à la déchéance réelle ou perçue à partir d'un certain âge, souvent de manière précoce par rapport à ce que l'on observe au sein de la population en général : notons que les personnes particulièrement douées dont les talents n'ont aucunement été pris en compte peuvent y être davantage enclines".

Des expertises multiples 

Difficile aussi pour lui de parler d'emploi sans définir les personnes autistes et ne pas évoquer leur statut plutôt à part dans le champ du handicap. "Dans la typologie quaternaire désormais canonique du handicap en handicap moteur, sensoriel, mental et psychique, la place de l'autisme a toujours été ambiguë, en partie de par la nature médicale de l'autisme, lequel par exemple peut avoir des répercussions motrices, en partie également de par le positionnement des acteurs dans le domaine du handicap où l'autisme n'est arrivé que récemment", relève Joseph Schovanec. Il encourage aussi les décideurs publics à débattre de la place de l'autisme, constatant que le flou actuel peut clairement desservir les personnes concernées.

Pour illustrer son propos, il prend en exemple le cas des groupes d'entraide mutuelle spécialisés dans l'autisme qui seraient rejetés par les ARS parce que "l'autisme ne relève pas de la santé mentale, alors même que nombre de services, dépendant parfois des mêmes ARS, affirment le contraire pour, par exemple, pouvoir psychiatriser, sous contrainte ou non, des personnes autistes". Il déplore que "faute de clarification et face à l'impérieuse nécessité d'agir, des fédérations telles que la Fisaf ou l'Unapei* mettent en œuvre leurs ressources dans le domaine de l'autisme, avec au mieux des relations faibles avec les associations spécialisées". Pour autant, il pense que l'enjeu n'est pas "de cloisonner les activités à titre dogmatique, mais bien au contraire d'agir en pleine connaissance et sans distorsions de la donne" pour éviter que les politiques publiques se fassent au détriment des personnes autistes. 

Expertise médicale en question

Au passage, il épingle les experts médicaux. "Les instances en charge des recommandations ou orientations générales sont médicales ou médico-sociales, en tout cas avec une domination du personnel médical." Il se demande pourquoi sur les problématiques liées à la vie des autistes, "l'expertise des non-médecins serait ipso facto profane, avec donc un soupçon de non-fiabilité ou de charlatanisme". Parmi ses diverses propositions pour favoriser l'emploi des personnes autistes, certaines sont plus larges et dépassent le champ économique. Il suggère ainsi de nommer auprès des personnes autistes un professionnel-pivot inspiré des expériences québécoises. "À chaque diagnostic, un interlocuteur unique est attribué à la personne, lequel peut servir d'acteur de dernier recours pour toute demande liée à la vie dans la communauté". 

Une commission scientifique internationale sur l'autisme en France

À la demande de Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion, une commission scientifique internationale s'est réunie pour la première fois le 15 mars, avenue de Ségur, signale dans un communiqué le ministère des Affaires sociales et de la Santé. Au programme des experts internationaux et français se trouve l'élaboration du quatrième plan Autisme. Leur prochain rendez-vous est d'ores et déjà fixé au 3 avril, le lendemain de la journée mondiale de l'autisme. C'est aussi à ce moment-là, que les grands axes de réflexion de la commission seront dévoilés, pour être travaillés en commissions. Ces dernières, très larges, devraient réunir — selon le ministère — "les associations de personnes et leurs familles, les membres du comité de suivi du plan Autisme et l'ensemble des administrations et collectivités concernées, sous l'égide du secrétariat général du Comité interministériel handicap (CIH) et en lien avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)".
Lydie Watremetz
* Fédération nationale pour l'insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France (Fisaf) et l'Unapei, mouvement associatif français représentant les intérêts des personnes en situation de handicap et leurs familles
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