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mardi 29 novembre 2016

PSYCHIATRIE Réduire les soins sans consentement nécessite un changement culturel profond

Si l'évolution juridique induit un meilleur contrôle des pratiques de soins sans consentement, celles-ci, très hétérogènes, ne changeront qu'avec les mentalités. Lors des journées nationales de l'Adesm, la DGOS a annoncé une prochaine instruction sur le sujet, reprenant les recommandations du CGLPL.
En guise de contextualisation pour cette deuxième journée de l'Adesm consacrée aux soins sans consentement, le 5 novembre, Benoît Eyraud, sociologue à l'université de Lyon 2, a présenté le long processus de judiciarisation de l'isolement et de la contention, dans une perspective internationale. Il rappelle la densité croissante de la législation relative à la santé mentale, entraînant un "tournant juridique" dans les soins. Le rôle du juge et le recours au juge changent, la relation entre médecins et patients également, le principe du consentement devient central. "L'éthiques'institutionnalise". Progressivement, des textes généraux s'appliquent à la santé mentale, à commencer par la Convention européenne des droits de l'homme, puis celle de l'Onu de décembre 1991. Les restrictions de liberté ne peuvent désormais plus se fonder uniquement sur une prescription thérapeutique. En France, il faudra attendre la loi du 5 juillet 2011, modifiée en 2013, puis la loi de modernisation de notre système de santé (LMSS), pour que ce changement de paradigme soit inscrit dans la loi, en s'inspirant de décisions du Conseil Constitutionnel de 20102011 et 2012. La pratique des soins sans consentement n'a pour autant pas cessé de se banaliser ces dernières décennies.

Pour Denys Robiliard, député (PS) du Loir-et-Cher, la loi de  2011 représente un tournant sécuritaire mais a le mérite d'intégrer le souci de la continuité des soins et l'exigence du contrôle judiciaire. François Courtot, directeur du CH de Rouffach (Haut-Rhin), revenant sur les apports et les limites des textes de 2011, 2013 et 2016, regrette toutefois que l'arrivée du juge en psychiatrie se fasse souvent de façon anxiogène pour le patient. Il s'étonne des grandes disparités toujours d'actualité dans les pratiques, "certaines régions voyant leur pratique des soins sans consentement se réduire et d'autres être multipliée parfois jusqu'à deux !" Parmi les moteurs du progrès, Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (Fnapsy), veut voir le registre obligatoire des actes de contention introduit par la loi de Santé comme vecteur d'un changement de culture. "Cela permet un contrôle des pratiques et, en obligeant à rédiger, enlève une facilité".

Retours d'expériences

Parmi ceux pratiquant peu la contention, le CH Sainte-Anne (Paris), se veut un modèle. "Le facteur humain et l'organisation des services différencient les pratiques d'un hôpital, d'un service, d'un médecin à l'autre", selon le Dr Jean-Luc Marcel, chef de pôle psychiatrie adulte  des 5ème et 6ème arrondissements à Sainte-Anne. Dans son secteur, deux tiers des moyens sont en dehors de l'hôpital, permettant une hospitalisation minimale. Le centre d'accueil et de crise n'y a aucun moyen de contention ou d'isolement. "Tout se joue à l'accueil, lors de la rencontre entre le patient et l'équipe", poursuit-il. "Lorsque hospitalisation il y a, c'est dans un service ouvert, où communiquent les unités à temps plein et temps partiel, qui partagent le centre d'activités thérapeutique. Il y a un effet de prolongement d'une unité à l'autre, sans rupture. Ça change les choses". Le Dr Agathe Pérony, praticien à Sainte-Anne, ne cache pas que le choix de la contention pharmacologique s'impose parfois mais assume préférer l'usage de neuroleptiques à la contention physique. Autres partages d'expériences, issus d'Israel, d'Angleterre, du Mexique, d'Italie, d'Égypte et d'Argentine. Tous misent peu ou prou sur la prévention et les conditions d'hospitalisation, pour réduire les épisodes de crise nécessitant une contention. Des expériences auxquelles font écho la présentation des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) par Anne Depaigne-Loth, directrice de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

Une instruction en préparation

Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, dépeint l'ampleur de la tâche à accomplir. La banalisation des soins sans consentements est liée selon elle à un climat sécuritaire, le patient étant vu en premier lieu comme dangereux. Elle cite de nombreuses pratiques qui la choquent : l'hospitalisation de gens pourtant consentants dans des services fermés ; la mise à l'isolement quasi-systématique des détenus, dangereux ou non ; les chambres d'isolement sans bouton d'appel et sans toilettes mais équipées de caméras de surveillance ; le port du pyjama systématique. Et de dénoncer l'hétérogénéité des pratiques, et l'inégalité dans l'accès aux soins qui en découle, avant d'énumérer ses recommandations communiquées en mai dernier. Ses observations devraient être reprises prochainement dans une instruction, selon Anne-Marie Armanteras-de Saxcé, directrice générale de l'offre de soins (DGOS). "Je suis consciente de la sensibilité et de la volonté des professionnels d'avancer sur ce sujet", a-t-elle assuré. Interrogée sur le statut et les pratiques de l'infirmerie de la Préfecture de Police de Paris, par André Bitton, président du Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie (CRPA), la DGOS a annoncé que ce sujet est en cours de travail.
Bruno Decottignies
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