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lundi 28 novembre 2016

Médicaments : la parole est aux patients

Par la voie d’associations, les malades vont désormais pouvoir donner leur avis pour évaluer les médicaments et les dispositifs médicaux en vue de leur remboursement.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | Par Pascale Santi
Les patients auront désormais leur mot à dire dans le cadre de l’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux (stimulateurs cardiaques ou prothèses implantables, pompes à insuline, appareils d’automesure de la tension, etc.). Attendue depuis des années, cette mesure a été annoncée par la Haute Autorité de santé (HAS) mardi 8 novembre. La HAS est chargée d’évaluer les médicaments et les dispositifs médicaux en vue de leur remboursement par l’Assurance-maladie et de la fixation de leur prix par le Comité ­économique des produits de santé (CEPS). Cette évaluation s’appuie principalement sur des données scientifiques, fournies par l’industriel. Jusqu’ici, les patients n’avaient pas voix au chapitre.

La liste des produits pour lesquels la contribution des associations est attendue a été publiée sur le site de la HAS, « sous réserve de l’accord des industriels concernés », précise la HAS. « Cette liste sera mise à jour chaque semaine, indique Hervé Nabarette, conseiller technique à la direction de l’évaluation médicale, économique et de santé publique de la HAS, et va grossir au fur et à mesure. » Parmi les premiers dossiers ouverts aux contributions, le médicament Vantobra (tobramycine), de la ­société allemande PARI Pharma, pour une première demande de remboursement. C’est une molécule destinée à l’inhalation pour traiter les infections pulmonaires chroniques chez les enfants et adultes atteints de mucoviscidose. Autres demandes, celle d’une réévaluation du Translarna (ataluren), du laboratoire PTC Therapeutics, indiqué pour le traitement de la myopathie de Duchenne, une maladie génétique qui touche les muscles, et du Keytruda (pembrolizumab), utilisé pour traiter le ­mélanome avancé.
Concrètement, les patients – par l’intermédiaire d’associations de patients, d’usagers ou d’aidants – auront trente jours pour faire parvenir leurs contributions. Les questionnaires types portent bien sûr sur les effets du médicament évalué, mais aussi sur le vécu de leur maladie, son impact sur la qualité de vie et l’entourage, les aspects qui posent le plus de difficultés (incontinence, anxiété, douleurs, fatigue…), les thérapeutiques associées. Cela peut aussi être un avis sur la forme galénique du médicament ou bien l’observance.
Effets secondaires
Par exemple, un médicament ­ancien, le Glivec (pour traiter la leucémie myéloïde chronique) a comme effet secondaire la diarrhée, effet coté dans les essais cliniques comme de grade 1 ou 2, c’est-à-dire « pas grave ». « Mais la réalité du vécu des patients est tout autre, car ces effets secondaires nuisent considérablement à leur qualité de vie. Les médecins ne le savent pas car le patient ne le dit pas forcément », précise Agnès Buzyn, présidente de la HAS.
Dans un contexte de dérive sur les prix, de scandales sanitaires autour des médicaments, « le fait d’ouvrir un lieu de décision à la ­société civile est une bonne chose », constate Jean-Pierre Thierry, membre de la Commission de transparence de la HAS représentant les patients pour le Collectif interassociatif sur la santé (CISS). Ce dernier a salué cette initiative, rappelant que « les patients ont un savoir spécifique »« Reste à savoir si la HAS prendra en compte cette voix, avertit le CISS, pour qui « il appartient aussi aux associations d’apporter leur plus-value en toute indépendance ».« On imagine mal la commission de transparence ne pas en tenir compte », souligne Agnès Buzyn, qui a ouvert mercredi 16 novembre un colloque sur « L’intégration du point de vue des patients à la qualité des soins et à l’évaluation en santé ».
Pour autant, ces avis seront ­consultatifs. Les patients ne pourront pas participer au vote, pour éviter tout conflit d’intérêts. De nombreuses associations sont en effet financées par des industriels du médicament. « C’est un premier pas, mais un tout petit premier pas », a souligné Catherine Cerisey, administratrice de l’association de patients Europa Donna. « Je me bats depuis trois ans au sein de la Commission d’évaluation économique et de santé publique de la HAS pour que cette initiative voie le jour, précise Thomas Sannié, président de l’Association française des hémophiles. C’est évidemment indispensable de faire remonter les informations des patients, qui n’étaient jusqu’ici jamais interrogés. Ce n’est pas encore entré dans la culture française. »
Un premier bilan de cette expérimentation, qui prend modèle sur ce qui se fait en Grande-Bretagne, sera réalisé dans six mois. Cette initiative s’inscrit dans une série d’actions de la HAS en direction des patients. Des représentants sont entrés fin 2015 au sein de la Commission de la transparence et de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé. Ces usagers, qui ne représentent pas une association en particulier ni une pathologie, prennent part aux votes. Par ailleurs, une ordonnance sur la nouvelle gouvernance et les nouveaux membres du collège de la HAS doit paraître dans les prochains jours, comme l’a annoncé Libération le 15 novembre. Marisol Touraine a fait part à plusieurs reprises de son souhait de voir un représentant des patients en faire partie.

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