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samedi 1 octobre 2016

Rentrée universitaire Qui fait médecine aujourd'hui ?

30.09.2016
Ce mois-ci, plus de 55 000 étudiants ont intégré la Paces, première année commune aux études de santé, dans 37 facs réparties dans toute la France. Ça fait beaucoup de monde, autant que le nombre de généralistes en France ! Pourtant, malgré les réformes, les profils des étudiants en santé sont marqués par une grande homogénéité. Qui sont donc ceux qui font médecine aujourd’hui ? De bons élèves, des audacieux, au profil scientifique, avec une majorité de femmes. Et les candidats se recrutent, plus encore qu'ailleurs, dans les milieux favorisés…
Le parcours du combattant a débuté et les  quelque 55 000 « cobayes » sont tous volontaires ! Personne ne dira le contraire : les études de santé sont aussi épuisantes qu'ardues, la faute notamment à la sélection en première année avec beaucoup d’appelés pour peu d’élus. Selon les différentes universités le taux de réussite en médecine tourne autour de 19 % avec des écarts qui peuvent toutefois être importants : 29,5 % à l’Institut catholique de Lille contre 12 % seulement à Montpellier pour 2014-2015 (classement L’Etudiant 2016).
Beaucoup d’étudiants s’y reprennent donc à deux fois pour réussir leur première année, mais, contrairement à certaines idées reçues, les doublants ne sont pas majoritaires dans les effectifs de la Paces, loin de là. En effet, chaque année, environ 35 000 à 40 000 étudiants sont des primants, soit entre 60 et 70 % des effectifs donc.
En revanche, la féminisation est bien une réalité sur les bancs de la fac : 65% de ces nouveaux étudiants sont des femmes. Et sans surprise, d’après les chiffres de la Drees (Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), 90 % des étudiants en Paces viennent d’un bac scientifique. À Paris Diderot pour l’année 2014-2015, par exemple, 2 021 étudiants venaient des filières scientifiques, 32 des sciences humaines et 25 avaient fait des bacs technologiques. Visiblement, cette relation entre baccalauréat scientifique et PACES est réciproque : si les étudiants en médecine sont des « S », les « S » sont aussi en grande proportion des futurs étudiants en médecine. D’après Julien Li, vice-président de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France) chargé de la coordination des tutorats, en Loire-Atlantique un bachelier scientifique sur cinq va en Paces.
Le profil du « bon élève » ?

Bien qu’ouvertes à tous, les études de médecine attirent, c'est bien connu, les bons élèves. Une idée reçue que les statistiques paraissent confirmer. Ainsi, parmi les primo-entrants 2014-2015 de l’université d’Auvergne, 73 % avaient obtenu une mention au baccalauréat : 20 % une mention très bien, 24 % une mention bien et 29 % une mention assez bien. À Paris-Diderot la même année, sur l’ensemble des étudiants de première année, ils étaient 70 % à avoir eu une mention (16 % très bien, 26 % bien et 28 % assez bien). Autre élément qui découle du profil scolaire des étudiants qui s’inscrivent en Paces : leur très jeune âge.

Trois quarts des primo-étudiants ont obtenu une mention au bac
BURGER/PHANIE
La plupart du temps, ces néo-étudiants sont en effet « à l’heure » ou même « en avance ». Ainsi, d’après les chiffres de la Drees, en 2013, 87 % des primants avaient 18 ans ou moins contre 73 % des nouveaux bacheliers inscrits à l’université. On ne fait d'ailleurs pas non plus médecine par hasard : dans une étude parue sur la promotion 2012-2013, l’Anemf souligne que pour 94 % des étudiants, il s’agissait de la première expérience dans l’enseignement supérieur.
37 facs, un numerus clausus différent pour chacune... Dans ce contexte, on imagine assez bien des contournements stratégiques au niveau géographique. Mais la mobilité des étudiants est en réalité très faible. En 2013, seuls 11 % des primants ont changé de région entre l’obtention de leur baccalauréat et leur entrée en études de médecine et, parmi eux, 60 % n’étaient pas allés plus loin que la région voisine. « Toutes choses égales par ailleurs, les régions comprenant des UFR ayant un numerus clausus élevé au regard du nombre d’étudiants inscrits n’exercent pas d’attraction particulière », souligne en effet la Drees dans son rapport.
Un fort clivage social

Reste le nouveau brassage de la Paces qui, avec le regroupement des filières de santé aurait pu permettre de diversifier le profil des étudiants. Pourtant, force est de constater que, pour le moment, les caractéristiques socio-démographiques des étudiants de première année restent inchangées et leur origine sociale marquée par une sur-représentation des classes favorisées. De manière générale, les études supérieures en France restent d'ailleurs assez clivées socialement.

Trois étudiants sur dix ont des parents cadres supérieurs ou exerçant une profession libérale, alors qu’un sur dix est enfant d’ouvriers. Dans les études de médecine, cette réalité est encore accentuée. Près de 40 % sont enfants de cadres ou de professions intellectuelles, seules les classes préparatoires aux grandes écoles dépassant ce ratio avec 50 % d’élèves issus des milieux favorisés.
Sur le sujet, les statisticiens du ministère de la Santé semblent presque fatalistes : « des constats équivalents sont établis depuis vingt ans; l’accès aux études de médecine donne donc lieu à une sélection sociale qui opère de façon stable dans le temps ». On ne peut pourtant pas attribuer ce clivage à une reproduction sociale puisque, contrairement à certaines idées bien ancrées, l’étude de l’Anemf montre que 72 % des étudiants en Paces n’ont aucun parent exerçant une profession de santé et que 15 % seulement ont un parent médecin, pharmacien, dentiste ou sage-femme.
Le poids des prépas

Les différences d’origine sociale pourraient, en revanche, s’expliquer par la longueur des études de médecine et par le fait qu’elles sont difficilement compatibles avec un job étudiant. Une réalité que d'une certaine façon, on retrouve dans leur niveau de vie : 74 % des carabins déclarent à l’Anemf avoir des revenus inférieurs à 803 euros par mois. À titre de comparaison, d’après l’enquête « Conditions de vie » 2010 de l’OVE (observatoire de la vie étudiante), l’étudiant moyen reçoit 1 233 euros par mois, entre les bourses, les versements parentaux et les revenus d’activité.  

Un autre élément qui pourrait expliquer le clivage social dans les études de santé est la question épineuse de la prépa. « Si les études elles-mêmes sont relativement gratuites, il y a quand même en Paces un investissement dans des prépas adossées à ces Paces. Même si on s’organise de plus en plus en tutorat dans les facultés, généralement les étudiants et les parents prennent tout le kit de sécurité », admet, réaliste le Pr Jean-Luc Dubois-Randé président de la conférence des doyens en médecine. De l’avis de tous désormais, qu’elles soient publiques ou privées, les prépas semblent être quasi obligatoires pour réussir sa Paces. Pourtant, tout le monde n'y a pas recours. D’après les chiffres de l’Anemf, 88 % des étudiants sont inscrits au tutorat, 56 % déclarent s’être octroyés les services d’une préparation privée au moins une fois dans l’année et 48 % à l’année.
Entre 3 000 et 4 000 € par an pour une prépa privée
GARO/PHANIE
Problème : alors que le tutorat, organisé par des anciens Paces, est proposé gratuitement, les prépas privées coûtent en moyenne entre 3 000 et 4 000 euros à l’année. « Les tutorats ont un rôle très important à jouer pour la diversification du profil socio-démographique des étudiants. Avant les professeurs conseillaient de faire une prépa privée mais les choses ont pas mal bougé », confie Julien Li, de l'ANEMF, qui poursuit : « Les expérimentations Paces peuvent également aider au recrutement de nouveaux étudiants ».
En effet, sept universités testent depuis la rentrée 2014 des filières alternatives à la Paces : Angers, Rouen, Saint-Etienne, Strasbourg, Paris 5, Paris 7 et Paris 13. À travers par exemple des licences « Sciences pour la santé » ou « Sciences du vivant » ou même une licence lambda à Paris, les étudiants peuvent espérer rejoindre sur dossier directement une deuxième année de médecine, dentaire, pharmacie ou sage-femme. L'université d'Angers a même supprimé la Paces et l'a remplacé par un parcours pluridisciplinaire « plurisanté » avec des passerelles directes en cas d'échec au concours.
Une diversification salutaire pour l'avenir de la profession ?

Les tentatives de diversification sont d’autant plus nécessaires que certains considèrent que diversifier le profil des médecins pourrait permettre de résoudre - au moins indirectement -  les problèmes de démographie médicale. Dans son rapport, « réanimer le système de santé »,l’Institut Montaigne proposait notamment d’agir en amont pour diversifier les profils des médecins. Et de rappeler que « plusieurs rapports internationaux se sont intéressés au sujet de la désertification médicale et ont évalué positivement les politiques ciblant les étudiants les plus à même de s’installer ultérieurement dans des zones déficitaires, notamment ceux qui en sont originaires ».

Ces experts soulignaient en effet que les jeunes médecins issus des classes populaires des zones rurales ou des zones urbaines sensibles avaient une probabilité plus grande de« s’installer dans ces zones ». Ils ne sont pas les seuls à faire ce genre de suggestions : en octobre 2014, dans un article sur les déserts médicaux publié dans « Les cahiers de droit de la santé », les juristes Antoine Leca, Caroline Berland-Benhaim et Jean-Philippe Agresti faisaient exactement le même constat. Plus de mixité sociale au sein des études de santé ne servirait donc pas seulement à « faire mieux » sur le papier, mais aussi à régler quelques problèmes récurrents pour l’avenir de la
médecine...


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