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dimanche 16 octobre 2016

Pour une politique de santé mentale en Algérie

Le Matin d'Algérie 09 Oct 2016 


On a encore recours à des charlatans pour soigner des maladies mentales.

On a encore recours à des charlatans pour soigner des maladies mentales.


"Dis-moi donc quelle conception tu as du malade psychiatrique, je te dirai à quel modèle de société et à quelle civilisation tu aspires dans ton inconscient", aurait écrit feu Pr. Mahfoud Boucebci.
Ce sont ces propos réalistes qui ont résonné dans ma conscience et amené à écrire ce papier à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale. On sait tous que la politique de santé mentale en Algérie est bien en deçà des standards internationaux. En témoignent le manque d'infrastructures sanitaires et l’accueil réservé aux personnes souffrantes psychologiquement et/ou mentalement. En effet, cette vision d'enfermement quasi-systématique du malade est un héritage d’une tradition coloniale qui s’est développée de façon "ordinaire" afin de répondre aux besoins pressants de notre société. L’école d’Alger, fondée par Antoine Porot, s’est intéressée, pour rappel, à l’étude de la "mentalité indigène" afin de justifier le statut de "sous-citoyenneté" des Algériens [1].
C’est dans ce contexte que Frantz Fanon (1925-1961), un des militants de la cause nationaliste algérienne, s’est opposé farouchement aux conclusions dites "raciales" (impulsivité criminelle parmi les indigènes, peuple sous tutelle, etc.)[1], instrumentalisées à outrance à cette époque-là Aussi remarque-t-on que les résidus de cette logique auraient pris de nouvelles configurations. Cela dit, le professionnel de santé soigne, souvent dans l’urgence, des problèmes psychologiques à la fois chroniques et complexes. Bien entendu, ce travail de "réparation du mental " ne permet pas à la société de promouvoir  "une santé mentale au quotidien", en mesure de satisfaire toutes les demandes des citoyens.
À l’évidence, la société algérienne se précarise davantage en raison de l’échec de l’État à résoudre les problèmes sociaux, notamment l’insertion des jeunes. Les conduites suicidaires de ces derniers, du reste violentes, sont des signes d'un profond malaise "communautaire". Il est probable, au demeurant, que le malade mental soit encore plus touché par cette précarité-là. Aux souffrances existentielles s’ajoutent, paraît-il, les difficultés financières qui rendent le vécu du malade plus difficile, voire insupportable. C'est pourquoi, à défaut de structures d’accueil, nos lieux de culte se transforment parfois en "cliniques spirituelles de secours". Si on n'en parle que très peu, c'est parce que la question s'avère être sensible dans un environnement traditionnel, le nôtre, rompu aux tabous et aux préjugés. Depuis longtemps, les professionnels de santé et les usagers du secteur psychiatrique (malade, famille, entourage, etc.) font face aux mêmes problèmes. Ils savent pertinemment que les mesures de soins préconisées demeurent insuffisantes au regard des besoins des malades.

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