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lundi 2 mai 2016

Si « Le Généraliste » était paru en mai 1880 De l’hygiène morale des familles en général et des jeunes filles en particulier

Alain Létot  02.05.2016

La médecine qui, au nom de l’hygiène, est appelée à intervenir si utilement, comme on peut s’en convaincre avec le rapport de M. Delvaille, dans l’installation et le fonctionnement des écoles primaires, ne saurait se désintéresser des établissements d’instruction secondaire ; on nous permettra donc de dire ici quelques mots du projet de loi qui vient d’être discuté et adopté en deuxième lecture par la Chambre des députés sur l’enseignement secondaire des jeunes filles.
Dans un siècle comme le nôtre, de science et de progrès, on comprendrait difficilement qu’on refusât à la femme le droit et les moyens de participer à la vie intellectuelle à laquelle on convie la moitié de la nation. On ne saurait, d’un côté, combattre l’ignorance, et de l’autre l’imposer. Craindrait-on que la femme instruite ne sût pas ou ne voulût pas descendre aux minutieux détails qu’exige la sage administration d’une maison ? Ce serait une erreur profonde, et, pour peu que l’on veuille regarder autour de soi, on ne tard pas à se convaincre que les femmes supérieures à ce point de vue sont précisément celles qui ont reçu l’instruction la plus variée et la plus solide.

La femme n’est pas seulement la compagne de l’homme dans le sens matériel du mot ; elle doit encore s’associer aux idées, aux recherches, aux espérances du mari ; elle sera, dans bien des cas, une confidente utile, souvent même une excellente conseillère, mais à la condition de comprendre, par conséquent de savoir. On ne saurait dire combien cette communion d’esprit resserre l’intimité et influe sur le bonheur du foyer domestique.
Au point de vue de l’hygiène morale des familles, l’instruction secondaire des filles se recommande à la sollicitude du législateur. Mais cette instruction doit être inséparable de l’éducation ; or si l’État peut donner la première, la seconde appartient exclusivement à la famille. La Chambre des députés l’a compris ainsi et a sagement repoussé la création des internats de jeunes filles que contenait le projet de loi.
L’internat de garçons est, dit-on, un mal nécessaire : un mal, oui ; nécessaire, c’est ce que l’avenir décidera. Dans certains pays, on a pu l’éviter ; chez nous, l’attention semble actuellement se fixer plus sur ses inconvénients que sur ses avantages.
Quoi qu’il en soit, comme l’a dit avec raison M. Bardoux, quand il s’agit d’une création nouvelle, il faut y regarder à deux fois. Or, sans même y regarder à deux fois, il est facile de voir que les inconvénients, pour ne pas dire les dangers de l’internat sont plus à redouter encore pour les filles que pour les garçons.
La jeune fille conserve plus longtemps l’impression des mauvaises habitudes qu’elle a pu contracter, et dont plus tard la vie de famille peut être impuissante à la distraire. Le moment de la puberté exige aussi parfois pour elle des soins et des précautions d’une application difficile dans un couvent ou dans un lycée. Au point de vue donc de l’hygiène morale, comme de l’hygiène physique, l’internat pour les jeunes filles doit être proscrit, et l’État, sous quelque prétexte que ce soit, ne saurait le patronner.
Les idées que nous défendons ici semblent se répandre de plus en plus ; c’est ce qui fait le succès des nombreux cours libres de jeunes filles qui se sont fondés dans les grandes villes. Nul doute que les externats qui seront créés par l’État ne soient bien accueillis aussi par l’opinion publique, et ne constituent le terrain le plus favorable à la concurrence qu’on désire opposer à l’enseignement congréganiste.
(Dr F. de Ranse in « La Gazette médicale de Paris », 1880)

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