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mercredi 18 mai 2016

Les habitants des îles Samoa en meilleure santé mentale

 09/05/2016

Signifiant “à la manière samoane”, le terme Fa’asamoa résume un mode de vie affectant la population des îles Samoa, et comportant notamment le respect des traditions et des autorités (aînés, parents, institutions). The Australian & New Zealand Journal of Psychiatry évoque ces îles Samoa, une “culture collective tribale avec de fortes attaches familiales”, comme illustration exemplaire d’une société en voie de développement où le taux de morbidité psychiatrique est largement inférieur à celui d’un pays économiquement plus avancé, comme la Nouvelle-Zélande. 

Aux Samoa, la fréquentation des structures psychiatriques est ainsi de l’ordre de 1,2 pour mille habitants, soit seulement le dixième de celle enregistrée à Christchurch, en Nouvelle-Zélande (12,5 pour mille habitants).  Les auteurs notent qu’ils ne vont pas relancer le débat sur le “paradis tropical” où la nature suffirait à éloigner le spectre de la maladie mentale. D’autant plus que les fléaux connus dans le reste du monde dit civilisé (alcool et drogues) “semblent augmenter” aussi aux Samoa. Mais il est clair que nous devons réfléchir” avant de suggérer à ces pays dits moins avancés d’importer notre propre modèle de services psychiatriques : nous ne devrions pas imposer un système (thérapeutique) susceptible de nier ou de réduire les liens familiaux et sociaux permettant à ces sociétés traditionnelles de limiter leur morbidité psychiatrique, et transposer là-bas les méthodes et les structures existant dans la psychiatrie occidentale ne paraît pas être la réponse la plus appropriée.  

Le rôle du cercle communautaire  Si certains malades mentaux finissent en prison à Samoa (comme en Occident), et si d’autres sont transférés dans des services psychiatriques de Nouvelle-Zélande en cas de troubles graves, il est probable que beaucoup de sujets souffrant de troubles psychiatriques ont tendance à minimiser leurs symptômes, encouragés (dans ce sens) par leur cercle communautaire. 

Ce constat d’une moindre psychiatrisation aux îles Samoa va dans le même sens que deux enquêtes de l’OMS (en 1979 et 1992)[1] montrant que le fait de vivre dans un pays en voie de développement constitue le meilleur critère de prédiction d’une évolution favorable pour des patients schizophrènes, alors qu’on pourrait imaginer a priori, au contraire, que l’accessibilité plus facile aux services et aux soins psychiatriques des pays plus développés serait le critère décisif ! Autre observation épidémiologique faisant douter de la “supériorité” (en matière de morbidité psychiatrique) de nos cultures “avancées” : les personnes nées en Nouvelle-Zélande ont un risque de maladie mentale severe de l’ordre de 6,7 % (prévalence vie entière), à comparer avec le risque parallèle de seulement 3,7 % pour les sujets ayant immigré en Nouvelle-Zélande après l’âge de 18 ans. Les auteurs notent donc avec humour que si l’immigration en Nouvelle-Zélande est “bonne pour beaucoup de choses”, ce n’est “apparemment pas le cas pour la santé mentale !” 

En définitive, il vaut mieux “miser sur les forces de santé mentale” propres à la culture samoane que de tenter de lui imposer le modèle (d’inspiration européenne et américaine) prévalant ailleurs.   World Health Organization (1979) Schizophrenia: An international follow-up study. Chichester: John Wiley & Sons. 

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Mulder RT et coll.: Building on the strengths of Pacific mental health: Experience from Samoa. Aust N Z J Psychiatry, 2016, 50(5): 397–398. [1] Jablensky A et coll. Schizophrenia: Manifestations, incidence and course in different cultures. A World Health Organization ten-country study. Psychological Medicine, 1992, Monograph Supplement 20: 1–97.

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