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mercredi 9 mars 2016

Psychiatrie Le CGLPL rappelle que l'impératif de sécurité ne doit pas nuire au respect des droits des patients

Dans son rapport annuel, le contrôleur général des lieux de privation de liberté alerte sur le fait que des considérations de sécurité conduisent parfois à des mesures excessives de privation de droits pour les patients hospitalisés sans consentement. En général, estime le CGLPL, les EPSM sont encore marqués par une grande diversité de pratiques.
Le rapport d'activité 2015 (1) du contrôleur des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été présenté ce 9 mars à la presse. Il se penche notamment comme chaque année sur le respect des droits des patients hospitalisés sans consentement en psychiatrie et des droits des personnes placées sous main de justice. En psychiatrie, le patient hospitalisé doit être soigné pour retrouver un mode de vie aussi normal que possible, rappelle-t-il. Les établissements psychiatriques doivent être des "lieux de resocialisation, ce qui suppose de préserver l’autonomie des patients ou d’aider à son apprentissage". Et pourtant, le CGLPL constate que, "trop souvent, l’enfermement entraîne une infantilisation et une déresponsabilisation des patients, que les préoccupations de sécurité infiltrent les pratiques psychiatriques et que la crainte des fugues ou le sous-effectif des soignants conduisent à priver les patients de l’attention ou des marges de liberté qui devraient leur être accordées". Le régime des sorties thérapeutiques, par exemple, obéit parfois à des contraintes de sécurité supérieures à celles prévues par les textes, pointe le CGLPL. Et ces contraintes "finissent par rendre impossibles des mesures dont la nécessité est pourtant reconnue". Dans le même temps, des considérations de sécurité conduisent "parfois, sans fondement légal, à des mesures excessives de privation de liberté". Et le contrôleur d'expliquer que dans certains services, les détenus hospitalisés sont placés systématiquement en chambre d’isolement. Parfois, la présence d’un patient en soins sous contrainte "peut conduire à fermer tout un service". Dans d'autres cas, "le refus de principe de la sexualité des patients peut laisser la place à des pratiques clandestines et dangereuses mêlant contrainte, vénalité et comportements à risques".

Une grande diversité des pratiques dans les EPSM

En préambule de la partie du rapport consacrée aux établissements publics de santé mentale (EPSM), Adeline Hazan, CGLPL, rappelle qu'elle a fait de leur contrôle une priorité de son mandat. Elle précise d'ailleurs que la proportion des missions effectuées dans les établissements psychiatriques atteint 60% des visites d’établissements de grande taille en 2015 (2). Elle pointe que le maintien des liens familiaux, le port obligatoire du pyjama, la définition des espaces ouverts et fermés, la sexualité, l’accès au téléphone ou à l’informatique ou la gestion des dépenses personnelles "font encore l’objet de disparités qui ne sont pas toujours liées aux exigences des traitements médicaux mais à des considérations de simple organisation, d’économie ou de gestion". "Il arrive de même que l’impératif de sécurité, notamment la crainte de fugues, prenne trop d’importance par rapport à celui du soin, entraînant des restrictions anormales à la liberté d’aller et venir des patients", souligne le CGLPL. Or cette diversité peut être observée d’un établissement à l’autre, d’un service à l’autre, voire parfois d’un étage à l’autre au sein d’un même établissement. Mais, souligne Adeline Hazan, ces restrictions constituent des atteintes aux droits fondamentaux dès lors qu’elles ne relèvent pas d’une exigence liée à l’état de santé du patient et ne font pas l’objet d’une décision médicale.
Alors que l'information délivrée aux patients est encore insatisfaisante, le CGLPL recommande que le ministère de la Santé établisse un "document type expliquant en termes simples les différents types d'hospitalisation sous contrainte et les voies de recours". Tout patient doit également être informé sur les règles de vie de l'hôpital et les éléments utiles à son séjour par un livret d’accueil ou par l’affichage de règles dans chaque chambre. De plus, des permanences d’accès au droit, "sur le modèle de ce que font quelques établissements, doivent être généralisées". Le CGLPL considère d'ailleurs que cette effectivité d'accès aux droits et à l'information devrait faire l'objet d'un "contrôle systématique" par les autorités de tutelle des établissements hospitaliers.

Des renonciations aux audiences foraines à l'hôpital non justifiées 

Concernant le contrôle par le juge des libertés et de la détention (JLD) des mesures d'hospitalisation sans consentement, le CGLPL constate "avec satisfaction que le principe de l’audience foraine, au sein des [hôpitaux], s’est largement répandu". Il relève cependant que dans quelques cas "résiduels", il n’existe pas de salle réservée au sein de l’hôpital "au motif que les normes d’aménagement imposées par les textes sont "draconiennes"". Adeline Hazan a pourtant observé que ces normes "ne sont pas partout strictement respectées sans que pour autant cela porte préjudice aux droits des patients". Aussi, la difficulté à disposer de manière permanente d’une salle conforme à des normes fixées par circulaire "ne saurait être valablement retenue pour justifier la renonciation aux audiences foraines", souligne-t-elle. Pour les établissements très éloignés du siège du tribunal, la tenue des audiences, "considérée comme très chronophage", est généralement assurée à tour de rôle par plusieurs magistrats, relève également le CGLPL. Ce qui présente parfois "des difficultés car l’acquisition de compétence en matière de psychiatrie est complexe et supposerait un investissement régulier, incompatible avec une forte rotation". Le ministère de la Justice devrait analyser les expériences faites en matière de déroulement des audiences en tenant compte du regard des soignants, estime le CGLPL, pour signaler les meilleures pratiques et organiser des formations ou des échanges d’expérience. Enfin, il est rare que des formations spécifiques des avocats pour l’assistance des patients soient organisées, relève le contrôleur. Aussi, il estime que l’initiative d’une formation spécifique doit être encouragée mais "de manière à ne pas faire glisser l’audience du JLD vers un contentieux dans lequel l’établissement s’opposerait au patient".
Caroline Cordier 
(1) Ce rapport est disponible à compter du 9 mars auprès des éditions Dalloz, chargées de sa diffusion et de sa vente sous format papier, la version PDF du rapport intégral ne sera disponible en ligne sur le site du CGLPL que courant avril.
(2) En 2015, les membres de l'équipe du CGLPL ont visité 34 établissements de santé, dont 6 CH spécialisés en psychiatrie, 15 CH ayant une activité de psychiatrie au côté du MCO, 6 CH gérant des chambres sécurisées, 4 unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) et 3 unités pour malades difficiles (UMD).
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