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jeudi 11 février 2016

« Il y a obsession commune aux dépressifs et aux djihadistes »

Le Monde.fr
Ali Muhammad Brown, 31 ans de Seattle accusé d'avoir assassiné quatre personne pour protester contre la politique extérieure américaine en 2014 en s'inspirant de l'Organisation Etat islamique. (Patti Sapone/NJ Advance Media via AP, Pool)
Ali Muhammad Brown, 31 ans de Seattle accusé d'avoir assassiné quatre personne pour protester contre la politique extérieure américaine en 2014 en s'inspirant de l'Organisation Etat islamique. (Patti Sapone/NJ Advance Media via AP, Pool) Patti Sapone / AP
Par Thomas Bouvatier, psychanalyste
Il y a autant de lumière dans le regard des premiers, que d’ombre dans celui des seconds. Autant de foi dans les bienfaits de la mort, que de désespoir à cause d’elle. Autant d’énergie à surmonter de périlleux obstacles, que d’impossibilité à accomplir un acte aussi simple que de se lever de son lit. Quelle est cette chose aussi aliénante que les djihadistes croient posséder et que les dépressifs pensent avoir perdue ? Quelle est cette source de tant de pouvoirs, capable de transformer un gentil geek qui l’a trouvée en un monstre sanguinaire, ou une bête de travail qui l’a égarée en un velléitaire alité ? Cette question me travaille depuis que j’ai intégré l’association de contre radicalisation Entr’Autres et que je n’anime un atelier d’écriture thérapeutique avec des patients souffrant de dépression à Saint-Antoine.
Avant de jeter un regard sur leur enfance réciproque où pourrait se trouver la réponse, revenons d’abord à cette période où tout ce dont le bébé a besoin est fourni par sa mère, ou celle ou celui qui joue ce rôle. Donald Winnicott l’a nommée « l’illusion de toute puissance », que l’enfant devra apprendre à quitter progressivement pour bénéficier de sa puissance réelle, grâce à l’aide du père, ou de celui ou celle qui joue ce rôle. Il lâche le sein et le biberon pour apprendre à goûter différentes saveurs ; il abandonne sa couche-culotte pour connaître l’intimité et davantage de motricité ; il perd le babillage pour exprimer ses besoins en apprenant un langage construit ; il laisse son parent pour jouer avec d’autres enfants en respectant les codes de la sociabilité. Durant toutes les étapes de son autonomisation, il renonce à quelque chose de fusionnel et de magique, pour apprendre quelque chose d’autre, toujours plus tangible, en interférence avec le monde extérieur où il se ménage une place grandissante et un bonheur solide.
Parce qu’il dit adieu à cette croyance que son désir sera réalisé sur le moment, juste par l’intermédiaire d’un autre qu’il aura sollicité (réalisation immédiate du désir qu’on va appeler « jouissance »), il peut s’initier à différentes règles pour récolter les fruits de son travail (réalisation du désir par l’effort, qu’on va appeler « plaisirs »). Il fera ce qu’il veut, mais dans le cadre de cet ensemble de mesures, qu’on retrouve à la base de toutes les sociétés humaines et qui garantissent sa cohésion (et qu’on va nommer « la loi »).

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