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jeudi 18 février 2016

Harcèlement moral : le certificat médical est-il une preuve suffisante?

LE MONDE  Par Gaëlle Picut
La charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié. Celui-ci n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

La charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié. Celui-ci n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Comment un salarié peut-il prouver qu’il est harcelé au travail ? Selon les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, « le harcèlement à l’encontre d’un salarié est constitué par les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Très souvent, la majorité des procédures contiennent des pièces médicales. Mais un certificat médical est-il toujours jugé suffisant ou recevable par les juges ?

En premier lieu, rappelons que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié. Celui-ci n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur devant démontrer, de son côté, que les agissements en cause sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Eléments de preuve

Ensuite, les juges examinent les preuves dans leur ensemble pour apprécier si la situation de « harcèlement moral » est établie. Les arrêts de travail ou certificats médicaux font partie des éléments de preuve mais ne peuvent être suffisants. Ils doivent être complétés par des attestations allant dans le même sens, des échanges de mails, des auditions des collègues par le conseil de prud’hommes, etc.
Par ailleurs, concernant les certificats médicaux, la jurisprudence n’est pas complètement stabilisée et continue à évoluer sensiblement d’un arrêt à l’autre. Ainsi, il est arrivé que la Cour de cassation ne juge pas recevable les certificats médicaux qui faisaient état d’un lien de causalité entre l’activité professionnelle et l’état de santé du patient. Notamment parce qu’ils étaient établis par un médecin autre que le médecin du travail.
Les juges estimaient que seul le médecin du travail était en mesure de se rendre sur le lieu de travail pour faire ses propres constatations et établir un lien de causalité entre l’état du salarié et ses conditions de travail.

Différents arrêts qui semblent contradictoires

En 2015, la Cour de cassation a rendu différents arrêts qui semblent contradictoires. « Autant les arrêts du 23 juin et du 18 novembre 2015 pouvaient laisser croire que les certificats médicaux ne sont pas des éléments suffisants pour présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral, et donc une plus grande exigence des juges sur la preuve, autant l’arrêt du 5 novembre 2015 laisse entendre que les documents médicaux peuvent constituer un élément matériel laissant présumer l’existence du harcèlement moral », constate Sylvain Niel, avocat-conseil en droit social chez Fidal. « En fait, toute la différence est dans la façon de rédiger le certificat médical confirmant d’autres éléments de preuve » poursuit-il.
Ainsi, qu’il provienne du médecin du travail ou d’un médecin de ville, un certificat pourra être jugé recevable à la condition qu’il décrive l’état de santé constaté du salarié (par exemple une altération physique et mentale) et qu’il corrobore des témoignages, des documents ou des auditions établissant un comportement qualifié d’« harcélogène » (par exemple, il est écarté des réunions, brimé, voire insulté).
« Le médecin peut présumer d’une situation de harcèlement moral mais ne peut la qualifier en tant que telle. Par exemple, il ne doit pas écrire “inapte en raison de harcèlement moral”précise l’avocat.En effet, juridiquement, un médecin n’est pas qualifié à caractériser une situation de harcèlement moral. Cela relève des juges.

L’employeur peut poursuivre le médecin

En revanche, le juge doit retenir tous certificats médicaux sur l’état de santé d’un salarié victime de harcèlement moral, en les examinant comme des éléments permettant de considérer que, pris avec les autres preuves, ils laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Cette précaution, de nature à la fois déontologique et juridique, évite que le juge ne retienne le certificat médical comme seule preuve du harcèlement moral. Elle permet aussi d’éviter le rejet du certificat médical par d’autres juges, s’il confirme d’autres éléments probants.
Elle protège aussi le médecin. En effet, l’employeur peut poursuivre ce dernier devant le conseil de l’Ordre des médecins s’il impute la dégradation de la santé d’un collaborateur à un harcèlement moral. Par ailleurs, il est arrivé que ce dernier sanctionne des médecins estimant qu’il y avait eu violation du secret médical.
Le contentieux lié au harcèlement moral a doublé depuis 2010.
  • Gaëlle Picut
    Journaliste au Monde

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