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mardi 23 février 2016

Après un burn-out, l’étape du retour au travail est cruciale

LE MONDE  | Par Léonor Lumineau
ANNE-LISE BOUTIN
« J’ai fait tellement d’heures que j’étais à bout. Un samedi, je suis parti de chez moi sans rien dire à personne. On m’a retrouvé en larmes, garé au bord de la route, au milieu de la campagne. Burn-out », se souvient Jean-Luc (les témoins ont souhaité rester anonymes), agent de maîtrise. Huit mois d’arrêt plus tard, le médecin de la Sécurité sociale lui a fait reprendre le travail contre l’avis de sa psychologue. Au bout de quatre mois, il « repète un câble ».

En France, 12 % de la population active présente un risque élevé d’épuisement professionnel, selon le cabinet Technologia. Mercredi 17 février, le député PS des Yvelines Benoît Hamon a déposé une proposition de loi pour supprimer le taux d’invalidité de 25 %, actuellement nécessaire à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle. Car on ne sort pas indemne d’un burn-out.
Le moment du retour au travail est crucial. « C’est une grosse source d’angoisse, un vrai pari, car beaucoup d’entre eux rechutent », explique Marie, cadre quadragénaire dans une société d’études, elle aussi atteinte d’épuisement professionnel. « Le burn-out génère une peur de reprendre le travail dans un environnement similaire ainsi qu’une très grande perte de confiance en soi et en sa capacité professionnelle », confirme Adrien Chignard, psychologue du travail. Pourtant, « le travail est source de guérison. Car il est le principal lien social entre les individus, mais aussi parce que c’est un lieu où l’on se crée une identité », explique Bernard Salengro, médecin du travail et membre de la CFE-CGC.
Salariés, responsables des ressources humaines, psychologues et médecins se retrouvent souvent démunis face à cette difficulté du retour. « Dans huit cas sur dix, les victimes ne retournent pas à leur ancien poste. Ils bougent au sein de l’entreprise, la quittent pour une autre ou sont mis en inaptitude », estime Christophe Desperies, directeur du pôle conseil santé au travail chez Réhalto, cabinet spécialisé dans le développement du bien-être au bureau. « Et, quand ils parviennent à revenir à leur poste, une adaptation est nécessaire pour éviter les rechutes. »

« Se renarcissiser »

La préparation doit donc commencer plusieurs mois avant le retour. « Après le repos, primordial, il faut identifier les facteurs qui ont mené au burn-out, en externe, comme l’organisation du travail au sein de l’entreprise, et en interne, comme un fort besoin de s’investir dans son travail. Il faut se faire accompagner par des professionnels et par l’entreprise, si possible », explique Emmanuelle Fourcade, responsable du service de retour à la vie active chez Réhalto. « C’est peut-être aussi le moment de réaliser un bilan de compétences, pour se renarcissiser et réfléchir à continuer ou non ce métier », souligne Françoise François, psychologue du travail et fondatrice de l’association Maison « Souffrance et travail 78 », qui conseille de ne pas informer ses éventuels futurs employeurs du burn-out, en cas de changement d’entreprise.
Le mi-temps thérapeutique est conseillé, « pour reprendre doucement, en admettant qu’on est encore en convalescence, comme de la rééducation au travail », explique Sabine Bataille, consultante en ressources humaines et auteure de Se reconstruire après un burn-out (Dunod, 2015). Elle souligne que cela ne peut pas se faire sans l’accord de l’entreprise. Pour éviter les risques de rechute, mieux vaut aussi changer ses habitudes : « Je ne lis plus mes mails sur mon temps personnel, je ne déborde plus les horaires, je m’interdis de parler de travail à la maison et je suis attentive aux signaux d’alerte que m’envoie mon corps : irritabilité, fatigue et problèmes de sommeil », énumère Marie.
L‘implication de l’employeur aussi est importante. « J’ai eu la chance que, à mon retour, mon manageur ait sollicité un entretien : il a accepté d’alléger ma charge de travail. Il a été très compréhensif. Sans cela, je n’aurais pas pu reprendre sereinement », se réjouit Marie.

« Faire le point sur sa carrière »

« Lors de la réintégration, il faut organiser un accompagnement psychologique et une discussion entre le salarié, le responsable RH et le manageur pour comprendre la situation et prévoir des mesures adaptées, en lien avec la médecine du travail. C’est un enjeu important pour l’entreprise », explique Sophie Belot, responsable RH chez Ricoh France. Mais, parfois, le dialogue ne s’établit pas. « Nous conseillons alors au salarié un changement de service, ou de sortir de l’entreprise », explique M. Salengro.
A long terme, la trajectoire professionnelle est aussi touchée. « Logique, le burn-out requestionne l’identité professionnelle », explique Sabine Bataille. « La centralité du travail va se déplacer. Soit cela crée un palier : ils ne vont plus monter, voire être légèrement un cran en dessous, refusant les promotions en interne ou les gros projets, soit cela réoriente totalement leur carrière. »
Mais, pour Françoise François, l’épuisement professionnel peut aussi être une opportunité.« Même si s’écrouler est dur, un burn-out permet de faire le point sur sa carrière, sur ce qui fait qu’on est tombé. Quand on retourne à une activité professionnelle, on sait prendre du recul. »Victime d’un burn-out, Carole, cadre dans les assurances, estime ainsi qu’elle est « plus forte depuis qu’elle a repris le travail en CDD dans une autre entreprise, plus franche, plus sereine. Si cela ne va pas, [elle] le di[t] tout de suite, sans hésiter ».
L’employeur aussi peut y trouver une occasion d’améliorer son management. « Le salarié qui fait un burn-out est un fusible : il peut révéler une désorganisation du travail, qui affecte toute l’équipe », assure Sabine Bataille. Une possibilité loin d’être souvent saisie par l’entreprise.

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