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mercredi 16 septembre 2015

Aliments et cancer Le verdict de l’INCa

18.09.2015

L’INCa a publié en juin 2015 un rapport intitulé « Nutrition et prévention primaire des cancers », dont l’objectif est d’actualiser l’état des connaissances sur les liens entre différents facteurs nutritionnels et le risque de cancer primitif. Et aussi de contrer l’influence de certains « régimes anti-cancers » comme ceux prescrivant force tomates, curcumas et petits poissons. Il en découle que la consommation excessive d’alcool, de viandes rouges, de charcuterie, de sel et d’aliments salés, ainsi que de compléments alimentaires à base de bêta-carotène, augmente le risque de cancers de façon parfois importante. 

On estime que 40% des cancers et 35% des décès par cancers résulteraient de l’exposition à divers facteurs de risque évitables, liés à nos modes de vie et à nos comportements (tabac, facteurs nutritionnels, soleil…). D’où de nombreuses parutions récentes sur des régimes anti-cancers plus ou moins fantaisistes.


Selon le Dr Agnès Buzyn, directrice de l’INCa, le rapport « Nutrition et prévention primaire des cancers » publié en juin 2015 par l’INCa a pour but de contrer l’influence de ces publications. Ce travail, basé sur les diverses études et rapports d’expertise concernant le lien entre facteurs nutritionnels et cancers, a différencié les aliments considérés comme facteurs de risque de cancer et ceux considérés comme facteurs protecteurs vis-à-vis de l’apparition de tumeurs. La sélection a été limitée aux données de méta-analyses, analyses poolées et aux essais d’intervention sur les données épidémiologiques concernant les liens entre un facteur nutritionnel et le risque de cancers. De ces constats ont ensuite découlé des objectifs de santé publique, à l’usage des professionnels de santé.

Parmi les facteurs de risque, les boissons alcoolisées occupent une place prépondérante. Leur consommation varie selon la situation socio-professionnelle. Elle est ainsi plus fréquente chez les hommes moins diplômés et, à l’inverse, chez les femmes plus diplômées. Les agriculteurs de sexe masculin ont aussi une consommation d’alcool plus fréquente que celle des autres catégories professionnelles. L’ingestion de boissons alcoolisées est associée avec un niveau de preuve convaincant à une augmentation du risque de cancer de la cavité orale, du larynx et du pharynx (10 g/j d’alcool)augmentent le risque de 28%). De même pour le cancer de l’œsophage(risque multiplié par deux pour 10 g/j d’alcool) et de façon plus surprenante, pour le cancer du sein (12 g/j d’éthanol augmente le risque de 5%).

Quant au risque de cancer colo-rectal associé à l’alcool, s’il a été mis en évidence avec un niveau de preuve convaincant chez les hommes (+10% pour une augmentation de consommation de 10g/j d’éthanol), il n’est que « probable » chez les femmes. Pour le cancer du pancréas, le niveau de preuve est, lui, « suggéré » (augmentation de 46% pour une consommation entre 4 et six verres/j par rapport à une consommation inférieure à un verre/j).

La charcuterie impliquée dans de nombreux cancers

La consommation moyenne en France de charcuterie est de 38 g/j et pour la viande rouge de 53 g/j. Plus d’un quart de la population consomme au moins 50 g de charcuteries/j.

Sans surprise, les viandes rouges et les charcuteries (ensemble des viandes conservées par fumaison, séchage, salage, y compris le jambon), d’avantage consommées par les catégories sociales les plus modestes (ouvriers, employés, agriculteurs, artisans et commerçants), ont été associées, à un niveau de preuve « convaincant », à une augmentation de risque cancer colo-rectal (de 12% pour 100 g/j supplémentaires de viande et de 17% pour 100 g/j supplémentaires de charcuterie) et avec un niveau de preuve « suggéré » à une augmentation du risque de cancer du pancréas (de 43% pour une augmentation de consommation de 100g/j de viandes rouges et de 17% pour la charcuterie). Avec ce dernier niveau de preuve, les résultats des études permettent de conclure à une augmentation du risque de cancer du poumon pour la consommation de viandes rouges et de charcuterie (de 34% pour les consommations les plus élevées par rapport aux consommations les plus faibles).

Avec un niveau de preuve « suggéré », on retrouve également une association entre charcuteries et cancer de l’estomac (augmentation du risque de 24% pour les consommations les plus élevées versus les consommations les plus faibles). Quant au risque de cancer de la vessie, il serait associé à la consommation de charcuteries avec, toujours, ce niveau de preuves « suggéré » (augmentation de 10 % pour les groupes à forte consommation versus ceux à faible consommation et pour la viande de 7%).

L’apport conseillé en sel est de 6 g/j

On a l’habitude de dire que les Français mangent trop salé. Qu’en est-il vraiment ? Et quid des conséquences de la surconsommation de sel sur leur santé ? Alors qu’il est recommandé pour un adulte de ne pas consommer plus de 6 grammes de sel par jour, la moyenne des apports totaux en sel est estimée à 8,5 g/j. En outre, près d’un quart des hommes et 5% des femmes ont des apports supérieurs à 12 g/j.

Ces excès ne sont pas conséquence puisque l’ensemble des études collectées permet de conclure à une augmentation du risque de cancer de l’estomac associée à la consommation de sel ou d’aliments salés avec un niveau de preuve « probable ». Cette augmentation de risque est comprise entre 41% et 68% (selon les études) dans les groupes à forte consommation de sel versus les groupes ayant la plus faible consommation salée.

La dose journalière de bêta-carotène ne doit pas dépasser 4,8 mg

Pour le bêtacarotène, contenu dans des compléments alimentaires consommés par 1,7% des Français, les études disponibles concluent à une augmentation de risque de cancer du poumon lié à sa consommation à forte dose (plus de 20 mg /j) chez les fumeurs et les sujets exposés à l’amiante, avec un niveau de preuve convaincant.

On constate également une augmentation du risque de cancer de l’estomac associé à sa consommation à forte dose (supérieur à 20 mg/j), en particulier chez les fumeurs et les sujets exposés à l’amiante, avec un niveau de preuve probable.

On sait que la consommation de compléments alimentaires est plus forte chez les femmes et qu’elle augmente avec le niveau d’éducation. La dose journalière de bêta-carotène fait déjà l’objet d’une recommandation puisqu’elle ne doit pas dépasser 4,8 mg d’après l’arrêté du 6 mai 2006.

Le poids pèse lourd dans la cancérogenèse

Le surpoids et l’obésité ont également été corrélés au risque de survenue de différents cancers, comme l’adénocarcinome de l’œsophage (augmentation du risque de 13% pour une hausse de 5 unités d’IMC) et le cancer du pancréas (augmentation de 10% pour une hausse de 5 unités d’IMC), de même que celui du cancer du côlon et du rectum (hausse du risque de 25% pour 5 unités d’IMC) avec un niveau de preuve « convaincant ».

La corrélation avec l’augmentation de risque du cancer du rein (élévation du risque de 31% pour une hausse de 5 unités d’IMC) n’est pas en reste, avec un niveau de preuve également « convaincant ».
Il a été aussi mis en évidence un lien avec la hausse du risque de cancer du sein après la ménopause (+5% pour une hausse de 5 unités d’IMC), la vésicule biliaire (+16% chez les hommes et +29% chez les femmes pour une hausse de 5 unités d’IMC), cancer de l’ovaire (+6% pour une augmentation de 5 unités d’IMC) et le cancer de la prostate (+9 % pour une élévation de 5 unités d’IMC) à un niveau de preuves « probable ».

De plus, une relation avec l’augmentation du risque du lymphome non-hodgkinien (+7 à 13% pour une
augmentation de 5 unités d’IMC), du lymphome hodgkinien (+ 41% en cas d’obésité), de la leucémie (+ 40% en cas d’obésité chez les hommes et +20% chez les femmes ) et le myélome multiple (+21% en cas d’obésité) est retrouvée avec ce même niveau de preuves. Une association avec la hausse de risque de cancer gastrique proximal (+32% pour une augmentation de 5 unités d’IMC) et de cancer de la thyroïde (+29% en cas d’obésité) a enfin été mise en évidence avec un niveau de preuve « suggéré ».

Les facteurs nutritionnels diminuant le risque de cancers

Il s’agit tout d’abord de l’activité physique. Elle a été retrouvée associée à une diminution du risque de cancer du côlon (de 20 à 30%), avec un niveau de preuve « convaincant », ainsi qu’à la baisse de risque du cancer du sein (avant la ménopause) de 23%, de même qu’à celle du cancer de l’endomètre et du cancer du poumon (de 13% avec une activité physique modérée), avec un niveau de preuve « probable ».

La consommation de fruits et légumes constitue un autre facteur protecteur. Elle diminue notamment le risque de cancer de la bouche, du pharynx et du larynx (un incrément de 1g/j de fruits ou de légumes diminue le risque de 0,6% pour les fruits et de 1,4% pour les légumes), de cancer de l’œsophage (une augmentation de 100g/j diminue le risque de 16% pour les légumes et de 39% pour les fruits) avec un niveau de preuves « probable », le risque de cancer du nasopharynx (de 38% à 45% ) avec un niveau de preuve « suggéré » de même que celui du cancer du poumon (diminution de 0,1% pour un incrément de fruits ou de légumes de 1g/j) et du cancer colo-rectal (pour lequel seuls les légumes jouent un rôle avec une diminution de 9 à 10% pour les fortes consommations par rapport aux plus faibles consommations).

La consommation de légumes crucifères (choux, broccolis, choux de Bruxelles, choux-fleurs, radis et navets)
diminue également le risque de cancer du sein (diminution du risque de 15 % pour les hautes consommations par rapport aux consommations les plus basses) (risque « suggéré »). Notons que contrairement?aux croyances en cours l’ingestion de légumes et en particulier de tomates, ne diminue pas le risque de cancer de la prostate.

La consommation de fibres alimentaires joue aussi un rôle protecteur vis-à-vis de certains cancers. Pour le cancer colo-rectal (diminution du risque de 10% pour les plus fortes consommations), le fait est bien connu et confirmé avec un niveau de preuves « convaincant » et avec un niveau « probable » pour le cancer du sein (baisse de 9% du risque pour une consommation supérieure à 25 g/j).

Moins connu, le rôle protecteur des produits laitiers apparaît dans cette étude, vis-à-vis du cancer colo-rectal (diminution du risque de 10% lors de la consommation de 200g/j de lait) avec un niveau probable. Le risque de cancer de la vessie est lui aussi diminué avec un niveau de preuve «?suggéré » (réduction de 16% pour une forte consommation de lait) ; en revanche, la consommation de lait semble augmenter le risque de cancer de prostate (niveau de preuve « suggéré »).

Dans le même ordre d’idées, une forte consommation de produits laitiers diminue de 21% le risque de cancer du sein (niveau de preuve « suggéré »).

La part des cancers évitables

Il est intéressant aussi, pour ces facteurs de risque, d’examiner la part des cancers qui leur est attribuable.

Il a ainsi été estimé que la part des cancers attribuables à l’alcool était de 10,8% de l’incidence totale des cancers chez l’homme et de 4,5% chez la femme. Pour le surpoids et l’obésité la part attribuable est de 1,4% chez l’homme et 3,3% chez la femme. L’insuffisance d’activité physique est, quant à elle responsable de 0,5% des cancers chez l’homme et 4,7% chez la femme. La faible consommation de fruits et légumes n’a pas fait l’objet d’une étude précise sur la part des cancers qui lui sont attribuables.

Cependant, une étude de modélisation a estimé que la part des cancers évitables en France serait de 21% si la population atteignait les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé de consommation de 400 g/j de fruits et légumes. Il n’y a pas non plus d’études françaises sur la diminution des cancers attribuable à la faible consommation de fibres. Cependant, au Royaume-Uni, cette part attribuable est estimée à 1,4% chez l’homme et 1,7% chez la femme. Il en est de même pour la consommation de sel dont la part de cancers qui lui est attribuable est estimée au Royaume-Uni à 0,9% chez l’homme et 0,2% chez la femme. Idem pour la part des cancers attribuables à la consommation de viandes rouges et de charcuterie, estimée au Royaume-Uni à 3,5% chez l’homme et 1,9% chez la femme.

Au total, d’après les estimations du World Cancer Research Fund et de l’American Institute for Cancer Research, environ un quart des cancers dans les pays développés et un cinquième dans les pays en voie de développement pourraient être évités par un changement de mode de vie intégrant les recommandations nutritionnelles.
Dr Alain Dorra, alain.dorra@gpsante.fr

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