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samedi 18 juillet 2015

"Je te touche, mais qui te guérit ?": l’imposition des mains est-elle une forme d’exercice illégal de la médecine ?

11/07/2015


Le Roi te touche, Dieu te guérit
Le 18 juin dernier, la Cour d’Appel d’Agen devait se pencher sur le cas de Monsieur Michel B., exerçant la profession de "magnétiseur". Dans cette affaire, il est reproché à notre prévenu d’avoir reçu les parents d’une petite fille de sept ans, souffrant d’une tumeur cérébrale. Après une première "consultation", le magnétiseur invita les parents à arrêter tous les soins, pour opérer un "traitement" par imposition des mains. Malheureusement, l’état de la petite fille s’aggrava subitement, et cette dernière décèdera quelques semaines plus tard.
Etonnamment, c’est à l’hôpital que les parents avaient eu connaissance du prévenu. Ce dernier avait alors affirmé qu’il aurait pu sauver dès l’origine l’enfant, s’il avait été consulté dès l’apparition de la maladie… peu après les obsèques de la jeune fille, le père porta plainte contre le magnétiseur.
C’est dans ces circonstances contexte que le Tribunal Correctionnel de Cahors est venu condamner le prévenu à 8 mois de prison avec sursis pour escroquerie et « exercice illégal de la médecine ».
Une question mérite d’être posée à la lecture de ce cas: faut-il comprendre que la pratique de l’imposition des mains, pratique non reconnue par l’Académie de médecine, est illégale par nature ?

En effet, l’affaire nous apprend aussi que les parents, en désespoir de cause, avaient consulté non seulement un magnétiseur, mais aussi des prêtres, moines bouddhistes et imams, dont certains n’avaient pas hésité à promettre une guérison rapide… en cas de conversion !
Dans ce contexte, la frontière entre la pratique de la foi et l’exercice illégal de la médecine est parfois ambiguë.

L’exercice illégal de la médecine se caractérise par l’accomplissement d’un acte médical en dehors de tout diplôme

Pour l’article L.4161-1 du Code de la Santé Publique, l’infraction d’exercice illégal de la médecine est caractérisée dès lors qu’une personne réalise « habituellement» des actes propres à la médecine, à savoir « l'établissement d'un diagnostic ou le traitement de maladies ».
La définition de l’acte médical pose ici peu de difficultés. En effet, les actes « ne pouvant être pratiqués que par des médecins » font l’objet d’une liste fixée par un arrêté du 6 janvier 1962 (modifié, le plus récemment, le 13 avril 2007). La « démarche de diagnostic» quant à elle, est définie par la Cour de Cassation comme le fait « d’examiner des personnes et déterminer l'organe malade à partir des symptômes décrits » et ceci « afin de mettre en œuvre un traitement » (Cour de Cassation Chambre Criminelle, 21 septembre 2004).
Toutefois, pour que l’infraction soit caractérisée, il est également nécessaire que l’acte médical ait été effectué… à titre « habituel ». C'est pourquoi, l’établissement d’un diagnostic par un quidam (par exemple, la mère diagnostiquant une fièvre chez son enfant) ne peut être assimilé à un exercice illégal.
C’est ainsi a contrario que la personne non diplômée, qui entretient avec un malade une correspondance fournie sur le diagnostic et les traitements à mettre en place se rend coupable du délit d’exercice illégal.

Des magnétiseurs sanctionnés par la jurisprudence

D’après l’Institut Français de Magnétisme, le magnétiseur « utilise une méthode naturelle qui permet de faire circuler l’énergie dans les méridiens du corps ». Généralement, la pratique s’accompagne de pratiques d’imposition des mains.
En tant que tel, la pratique n’est pas interdite en France. Les revenus des magnétiseurs font même l’objet de règlementations fiscales, au même titre que les « guérisseurs » et autres « rebouteux ».
Pourtant, de nombreux arrêts ont sanctionné des magnétiseurs, non diplômés, pour avoir pratiqué de manière habituelle des pratiques d’imposition des mains au sein d’un cabinet.
En effet, la jurisprudence considère que l’infraction est constituée, dès lors que les magnétiseurs cherchent à déterminer l’origine du mal et à améliorer la condition du malade.
En ce sens, le jugement du Tribunal Correctionnel de Cahors ne constitue pas une surprise. Les juges ont ici considéré que le fait d’avoir multiplié les rendez-vous et invité les parents à se dessaisir des médecins permettait de caractériser cette infraction.

L’imposition des mains par un ministre du culte est-elle admise ?

L’affaire qui nous intéresse possède également un versant qui concerne… le rôle des ministres des différents cultes.
En effet, des religieux avaient promis aux parents une guérison complète en cas de conversion ! Or, ce "traitement", pas plus que le magnétisme, n’est reconnu par l’Académie de médecine…
A cet égard, il n’est pas rare que des prêtres aient fait l’objet de poursuites pour la pratique, pour le moins habituelle, d’imposition des mains. La jurisprudence distingue entre deux situations.
En effet, les juges estiment qu’il est normal qu’un ministre du culte, se conformant aux principes de sa foi, recherche le soulagement des souffrances d’un malade en appelant, par ses prières, à une intervention divine. Dès lors que le prêtre ne s’attribue pas personnellement un pouvoir thaumaturge, propre de guérir, (« Je te touche, Dieu te guéris ») il ne peut être sanctionné.
Comme l’a souligné un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 28 janvier 1957, l’imposition des mains ne possède pas de caractère "thérapeutique"… dès lors qu’il s’agit d’un acte purement religieux appelant à l’intervention d’une puissance supérieure.
En revanche, dès lors que l’ecclésiastique fait la démarche de diagnostiquer et de traiter par l’imposition des mains un malade, en lieu et place d’un médecin, alors celui-ci peut être poursuivi (Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, 18 décembre 1957).
C'est pourquoi, si les Capétiens de la branche aînée devaient remonter sur le trône et s'ils décidaient de nouveau de guérir les écrouelles en les touchant, le débat serait vif entre juristes pour déterminer s'ils devraient être renvoyés au Tribunal Correctionnel pour exercice illégal de la médecine (sans préjudice de leur éventuelle immunité pénale) !
Charles Haroche
Avocat (Paris) – charlesharoche@gmail.com

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