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vendredi 5 juin 2015

Après le séisme, vous diriez syndrome post-traumatique ?

Publié le 28/05/2015







En 2010 et 2011, la région de Christchurch (Nouvelle-Zélande) fut frappée par une série de tremblements de terre dont l’un (particulièrement violent) causa 185 décès, le 22-02-2011[1]. On pouvait craindre a priori que cette catastrophe naturelle entraînât un regain de la morbidité psychiatrique dans le secteur concerné, suite au stress et à la détresse psychologique affectant les rescapés. Mais des études épidémiologiques publiées récemment présentent au contraire des constatations «contre intuitives » à ce propos puisque, démentant ainsi toute prévision plausible, ces recherches montrent qu’après ce séisme, le taux d’occupation des lits en psychiatrie « a diminué en moyenne de 93 % à 79 % » et que le volume quotidien des admissions en service psychiatrique « a été réduit de 20 % pour les 30 jours suivant le tremblement de terre. » Un an plus tard, une baisse de 10 % est encore enregistrée pour le taux d’occupation des lits. Au moins telle qu’elle se reflète dans ces indicateurs objectifs sur le recours aux structures de soins, cette baisse de la morbidité psychiatrique concerne « toutes les catégories de patients, sauf les sujets avec schizophrénie » (ou des troubles apparentés) et « aucun rebond » n’a été observé ultérieurement, dans le taux d’occupation des lits ni celui du nombre d’admissions.
Comment expliquer cette « réduction sensible » des problématiques psychiatriques aiguës (celles pouvant conduire à une hospitalisation) dans le sillage d’une catastrophe majeure ? On peut imaginer une forme d’« homéostasie » dans la structure mentale des individus tendant à gouverner leurs comportements, en réaction à un tel événement : ce pourrait être un raisonnement (conscient ou non) en vertu duquel, après avoir frôlé la mort, il faut s’estimer heureux d’être encore en vie et résister aux influences pathogènes risquant de saper cette forme de résilience post-traumatique…

Autre hypothèse : il est possible que ces « conséquences heureuses » du désastre ne traduisent en fait que les « perturbations des contextes physiques et sociaux » consécutives à la catastrophe, mais cette désorganisation provisoire des services psychiatriques ne suffit pas à expliquer la persistance des faibles taux d’admission à distance du phénomène perturbateur… On présume aussi que les « questions pratiques » soulevées par la catastrophe (relogement, indemnisation…) pourraient contribuer à « distraire les gens de leurs préoccupations internes. » Ce postulat repose sur des observations comparables faites après les incendies du 16 Février 1983[2] et montrant que des sujets « anxieux et dépressifs pouvaient avoir un meilleur fonctionnement mental » qu’avant d’être confrontés à cette catastrophe.
Quoi qu’il en soit, les spécialistes de cindynique (science des risques majeurs) s’accordent à dire que c’est une erreur de réduire l’action préventive aux suites à court terme d’un désastre, et qu’une attention aussi importante devrait être accordée à « la prévision et à la gestion des conséquences à plus long terme. » En effet, en rapprochant les résultats de ces études sur des catastrophes naturelles aux enseignements de la psychiatrie militaire (en particulier sur la santé mentale des vétérans de la guerre du Vietnam), la « bonne surprise » de ces résultats apparemment favorables (moindre morbidité psychiatrique à court terme) ne doivent pas masquer la possibilité d’une incidence moins propice à long terme. Il ne faut donc pas baisser la garde et se conforter de façon exagérément optimiste sur ces effets positifs à court terme, inattendus, mais rappeler la nécessité de développer également « une perspective à long terme », avec un recul prolongé après l’événement traumatisant. Autre enseignement de ces études : on constate que l’incidence (positive ou négative) des traumatismes majeurs se révèle « plus sensible chez les femmes » qui présenteraient une « plus grande réactivité que les hommes » aux bouleversements dans leur environnement.
Dr Alain Cohen



RÉFÉRENCES
Henderson S: Surprises? Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 311–312.
McFarlane AC et Van Hoof M: The counterintuitive effect of a disaster: The need for a long-term perspective. Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 313–314.
Beaglehole B et coll.: Psychiatric admissions fall following the Christchurch earthquakes: an audit of inpatient data. Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 346–350.
Fergusson DM et coll.: Perceptions of distress and positive consequences following exposure to a
major disaster amongst a well-studied cohort. Aust N Z J Psychiatry, 2015; 49: 351–359.

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