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dimanche 12 avril 2015

« Resynchroniser la vie collective »

LE MONDE CULTURE ET IDEES |  | Propos recueillis par 




Dominique Royoux est professeur associé de géographie à l’université de Poitiers et directeur du service prospective et coopérations territoriales de la communauté d’agglomération Grand Poitiers. Il préside Tempo Territorial, l’association nationale qui regroupe les bureaux des temps des collectivités territoriales.

Pourquoi mettre en place des « politiques temporelles » dans les villes ?

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une véritable désynchronisation des temps sociaux. Ce phénomène est apparu au lendemain de la crise de 1973 : l’économie industrielle, qui réglait le travail sur des rythmes très réguliers, a peu à peu fait place à une économie de services, qui a émietté les emplois du temps. Les deux symboles de cette économie de services sont les femmes de ménage et les caissières de supermarché, qui ont des horaires discontinus et décalés. En dissociant les espaces de résidence des espaces de travail et en augmentant les temps de transport, l’étalement urbain, dans les années 1980, a nourri, voire accéléré, ce mouvement de désynchronisation. Les politiques temporelles tentent au contraire d’articuler cette multitude de temps sociaux et de resynchroniser la vie collective.

Quelles sont les plus grandes réussites des bureaux des temps ?

L’un des acquis incontestables des politiques temporelles est le guichet unique de rentrée scolaire : au lieu d’obliger les parents à passer deux demi-journées à courir d’un bureau à l’autre pour inscrire leurs enfants à des activités culturelles et sportives, les bureaux des temps regroupent pendant quelques jours tous les services au même endroit, dans des lieux plus accessibles que les centres-villes, à des horaires plus accessibles qu’en pleine journée – souvent de 16 heures à 20 heures.

Les décalages d’horaires de travail sont, eux aussi, une belle innovation : pour éviter que les usagers se fatiguent le matin dans les embouteillages ou voyagent dans des transports en commun bondés, les villes de Poitiers, Rennes ou Montpellier ont, dans certains quartiers, étalé de demi-heure en demi-heure le début de la journée de travail de certains gros employeurs du service public, ainsi que le début des cours à l’université. Enfin, certaines villes proposent désormais une offre culturelle à des horaires non conventionnels – midi ou 18 heures, par exemple. Poitiers a ainsi mis en place, à l’heure du déjeuner, des « concerts sandwichs » pour les salariés qui habitent loin du centre et qui ne peuvent pas revenir, le soir, pour assister à un spectacle.

Ces politiques obligent-elles les villes à travailler différemment ?

Les politiques temporelles représentent un changement fondamental : pour s’adapter au rythme des habitants, les villes doivent prêter une grande attention à leur vie quotidienne. Il faut enquêter en permanence sur leurs besoins pour savoir, par exemple, si les horaires des crèches, des piscines ou des services administratifs sont adaptés à leurs modes de vie. Ce n’est pas toujours facile, car les gens ne sont pas regroupés dans des associations ou des syndicats. Pour faire émerger des demandes collectives, il faut donc observer de très près leurs usages et recueillir leurs avis par le biais d’enquêtes ou de consultations. Les bureaux des temps prennent au sérieux la parole des citoyens, ils donnent naissance à une nouvelle manière de faire de la politique.

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