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lundi 13 avril 2015

« Certains services ne tourneraient pas sans l’argent des labos »

Le Monde.fr | Par 


L’Assemblée nationale doit voter, mardi 14 avril, le projet de loi sur la santé. L’un des amendements adoptés par les députés contraindra les laboratoires à révéler le montant des contrats qu’ils ont conclus avec des professionnels de santé. Cette information sera publiée dans la base de données publique Transparence-santé, créée en 2013 par un décret baptisé « Sunshine Act », et dans laquelle figurent déjà les « avantages » consentis par les industriels aux médecins et pharmaciens (repas, billets de train et d’avion, frais d’inscription aux congrès, etc.).

Cette base révèle, par exemple, que le docteur Thierry Harvey, chef de la maternité des Diaconesses, a perçu entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 un peu moins de 1 400 euros d’« avantages » de la part de différents groupes pharmaceutiques (dont Bayer, MSD, Effik, Teva, qui commercialisent des médicaments et dispositifs de contraception). Il a aussi signé avec eux seize « conventions » pour des missions de conseil et des « speechs ».

Alors que le gouvernement a déposé, vendredi 10 avril, un amendement pour que soit divulgué le montant de ces contrats, M. Harvey explique au Monde pourquoi il a accepté l’argent des laboratoires.

La nouvelle version du Sunshine Act va révéler ce que vous avez gagné en travaillant pour des laboratoires. Qu’en pensez-vous ?

J’y suis complètement favorable. A partir du moment où on accepte de l’argent, il faut accepter d’en parler. Je suis payé entre 400 et 800 euros pour une intervention devant une assemblée scientifique, ou une conférence de presse. Par an, cela doit représenter une enveloppe de 1 500 euros en moyenne. C’est de l’argent de poche, en comparaison de mon salaire – environ 9 000 euros par mois – et de ce que je gagne lors d’une garde : 350 euros en semaine et 700 euros le week-end. Cela rémunère un travail bien réel, qui nécessite d’avaler des tonnes de bibliographie, alors que je travaille déjà soixante à soixante-dix heures par semaine depuis trente ans.

Même si cela fait grincer des dents certains confrères, il m’arrive aussi d’intervenir gratuitement, car ces réunions participent à la formation des médecins. C’est l’occasion de rencontrer les gynécologues de mon quartier dont les patientes accouchent aux Diaconesses, et avec qui j’ai peu d’échanges. Certains sont des « habitués » de ces dîners offerts par les laboratoires. Je n’accepte pas non plus d’argent pour les enseignements post-universitaire que je donne.

Ce lien financier vous influence-t-il ?

Mon discours correspond à mes convictions. J’accepte de parler du Gardasil, un vaccin indiqué dans la prévention des maladies provoquées par les papillomavirus et commercialisé par MSD, car je suis convaincu qu’il représente un réel progrès. C’est pour cela aussi que j’ai accepté l’invitation de Sanofi Pasteur MSD au dernier congrès sur les papillomavirus. Je ne pourrais pas payer de ma poche le voyage et l’inscription.

Certains laboratoires ont un quasi-monopole sur un produit, comme Bayer avec le Mirena, un dispositif intra-utérin. Quand le laboratoire me demande d’en parler, cela ne me pose donc aucun problème, car cela fait vingt ans que je le prescrit. Quand il y a un bon produit, il faut en parler.

En revanche, je me suis toujours opposé à la prescription en première intention des pilules de troisième génération, qui sont aussi commercialisées par Bayer. Je les ai uniquement données aux patientes pour lesquelles les pilules plus anciennes étaient contre-indiquées.

Votre maternité perçoit-elle aussi de l’argent des industriels ?

Non, mais c’est l’une des seules. La plupart ont un compte parallèle, lié à une association loi 1901. Cela permet à un service de recevoir des dons, ainsi que l’argent versé par les laboratoires aux investigateurs lors d’un essai clinique. Cette cagnotte permet aux hôpitaux d’acheter du matériel, un nouvel échographe par exemple, ou de financer le déplacement d’un médecin à un congrès. Certains services ne tourneraient pas sans cet argent ! Il y a une grande hypocrisie des politiques sur ce sujet.

Quelle est, selon vous, la ligne jaune à ne pas franchir ?

Pour certains confrères, cela devient un véritable business. Des médecins de renom ont ainsi créé des sociétés qui organisent des événements pour les laboratoires, et orchestrent la promotion de leurs médicaments. Cela échappe à tout contrôle.

Je suis également choqué qu’on puisse considérer l’argent des laboratoires comme un dû. Les industriels ne sont pas une vache à lait ! Il faut d’abord les voir comme des partenaires.


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