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lundi 6 avril 2015

A Marseille, les Compagnons bâtisseurs aident les habitants à rénover leur logement vétuste

LE MONDE | Par 


Dans un appartement rénové par les Compagnons bâtisseurs, au Parc Kallisté, à Marseille, le 2 avril.


C’est avec une vraie fierté que Margot Koulakian fait découvrir son « nouveau » salon. La pièce a été repeinte, les dalles du faux plafond fixées et les portes refaites. Des fenêtres, la vue s’ouvre sur la baie de Marseille. Dans son petit T3 au dernier étage du bâtiment I tout en longueur du Parc Kallisté, cette Franco-Arménienne ne cesse de répéter qu’elle « revit » depuis qu’Aïssa Nasri, des Compagnons Bâtisseurs − une association spécialisée dans le mal-logement −, l’a aidée à rénover son chez elle. « Cela faisait vingt-cinq ans que je n’avais pas fait de travaux. Je suis âgée et je me fais arnaquer dès que je fais appel à un réparateur. Vous savez, avec ma petite retraite… », glisse cette ancienne femme de ménage.

Sur le même palier, Zohra ouvre grand sa porte pour montrer sa salle de bains refaite. Un dégât des eaux avait ruiné ses murs, ses toilettes étaient défectueuses. Cette locataire, qui n’a pas souhaité donner son nom, s’est installée avec ses quatre enfants dans cet appartement voici sept ans et assure que « c’est tranquille ». Mais l’immeuble est très humide et les peintures cloquent régulièrement. L’animateur technique des Compagnons a aidé cette femme de ménage franco-algérienne, mère de sept enfants, à redonner un coup de jeune à son logement. Puis avec l’aide de son fils aîné, elle s’est attaquée aux couloirs et au salon. Toute fière, elle montre les boiseries auxquelles elle veut désormais s’attaquer.


Cela fait maintenant un an que l’association s’est vu confier une mission d’amélioration de l’habitat après le comité interministériel présidé par Jean-Marc Ayrault en novembre 2013. Depuis, elle intervient dans cette copropriété dégradée juchée sur les hauteurs de Marseille, dans le nord des quartiers nord, pour aider les habitants à se lancer dans l’auto-réhabilitation : un technicien lance le chantier avec l’habitant dans le but que ce dernier le continue seul ou avec l’aide de ses voisins. Une boîte à outils « solidaire » est mise à disposition des familles. Et, régulièrement, M. Nasri organise des ateliers pratiques pour apprendre à changer un joint ou poser de la faïence. « C’est une goutte d’eau par rapport aux besoins », reconnaît néanmoins Catherine Petit, chef de projet.


Marchands de sommeil


Des « besoins » qui semblent sans fin au regard de la situation des centaines d’appartements décrépis. Kalathoumi vit avec ses cinq enfants au neuvième étage du bâtiment G. Dans le hall, un groupe de jeunes stationne. « Ça charbonne », dit M. Nasri, pour parler du trafic de cannabis qui sévit dans les cages d’escaliers. Les murs sont sales, l’odeur d’urine est tenace. Quand la jeune mère mahoraise ouvre sa porte, le choc est immédiat : pas un mur où la tapisserie ne se décolle, où le plâtre ne s’effrite. Les pourtours des fenêtres sont noirs de moisissure. Dans la cuisine, les fils pendent directement du compteur électrique. Devant la fenêtre arrière, la passerelle des pompiers est remplie de gravats et de déchets jetés des fenêtres supérieures. Aïssa Nasri reste sans voix devant les travaux nécessaires. Kalathoumi est arrivée en 2012, fuyant un marchand de sommeil de la tour H. Elle est tombée dans les mains d’un autre propriétaire, qui lui fait payer 670 euros par mois ce T3 délabré. Un fléau dans ces bâtisses de la Kallisté.


Dans un appartement vétuste du Parc Kallisté, à Marseille, le 2 avril.


Cette cité est l’une des nombreuses copropriétés dégradées de la cité phocéenne, mais probablement celle qui a atteint l’état de vétusté le plus impressionnant. Deux grandes tours − la B et la H, qui doivent être démolies depuis des années − dominent la cité. Sept autres bâtiments en béton galeux, aux volets rouillés qui pendouillent, complètent le tableau. « C’est une copropriété en difficulté depuis vingt ans », reconnaît l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Malgré trois plans de sauvegarde proclamés en quinze ans. La ville a promis la démolition des tours les plus délabrées, le relogement de ses habitants et la rénovation des autres immeubles et des espaces publics. La cité attend en vain et voit tout autour se construire les villas standings des « colons », comme sont appelés les propriétaires de ces habitations flambant neuves.


Opérations « d’intérêt national »


Construite en 1958, comme une cité HLM, la résidence a été revendue à ses locataires. Des travailleurs modestes, heureux d’acquérir leur logement dans un environnement boisé, avec vue sur la mer. Avec la crise, le chômage, beaucoup n’ont plus pu payer leurs traites et ont revendu. Les dettes de charges se sont accumulées. Une aubaine pour les marchands de sommeil qui ont pris pied dans les tours et reloué des taudis à des prix très élevés. Aujourd’hui, c’est ici qu’atterrissent les plus pauvres des pauvres : des Comoriens, des Mahorais et des Roms qui ne peuvent se loger ailleurs. La cité a été inscrite dans le premier plan de rénovation urbaine, mais sans résultats.

Avec la relance d’un nouveau plan, elle fait partie des sept copropriétés inscrites dans les opérations dites « d’intérêt national ». Mais là encore, depuis l’annonce en novembre 2014, rien ne semble avoir bougé. Myriam El Khomri, la secrétaire d’Etat à la ville, est venue, jeudi 2 et vendredi 3 avril, réunir les partenaires de l’ANRU pour « leur mettre la pression »« Marseille est la ville où les investissements du nouveau plan sont les plus importants. Les collectivités locales ont pris beaucoup de retard et c’est insupportable pour les habitants. L’argent est sur la table. Je veux voir les grues et des jeunes embauchés sur les chantiers début 2016 », a martelé la secrétaire d’Etat à la ville. « On ne peut pas faire plus vite que les procédures », a rétorqué Arlette Fructus, adjointe UMP au maire de Marseille, qui explique que le rachat des logements en vue des démolitions est en cours. La ministre a demandé un calendrier des travaux d’ici 15 jours. Sinon, l’argent « repartira ».

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