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jeudi 5 mars 2015

Si « Le Généraliste » était paru en mars 1834 Comment on évoquait les maladies de femmes à la Fac en 1834

04.03.2015

« Permettez-moi, pour commencer de vous indiquer les caractères physiques et moraux qui distinguent la femme de l’homme.
Jean-Jacques Rousseau, que l’on trouve partout, a avancé, selon moi, un paradoxe en disant que “la femme est un homme en tout ce qui ne tient pas au sexe », je pense pouvoir aisément démontrer l’erreur dans laquelle est tombé le citoyen de Genève et prouver qu’elle diffère de l’homme, non seulement par sa constitution physique mais encore par ses facultés morales, par ses goûts et même par ses défauts.

En effet, l’observateur distingue promptement la petite fille du petit garçon, par l’allure, par le son de la voix, par la disposition du squelette, par celle des systèmes musculaire, circulatoire, nerveux, glandulaire, cellulaire et même par la nature des sécrétions.

La femme, en se développant, tout en conservant beaucoup de sa constitution primitive, de la délicatesse de ses formes, de la flexibilité de ses organes, acquiert de nouveaux attributs et se trouve enlacée dans une chaîne de besoins aussi inattendus qu’impérieux.

Je vais, Messieurs, vous donner une idée à peu près exacte des différences que la nature a apportées dans la formation des deux sexes, différences que ne peut apprécier l’homme vulgaire.

Le système osseux de la femme diffère notablement de celui de l’homme. Ses os sont moins gros, moins durs. Leurs éminences, leurs apophyses, leurs courbures sont moins prononcées, mais les différences les plus remarquables se trouvent dans les os du thorax et ceux du bassin. La clavicule est plus droite, le sternum est plus court, mais plus large et plus relevé en enfant. La poitrine est donc moins étendue chez la femme que chez l’homme, mais plus évasée. Les cuisses sont moins arquées chez l’homme et les genoux se portent plus en dedans. Cette disposition rend la progression plus pénible chez la femme et lui donne une démarche toute particulière , surtout à cause du déplacement plus prononcé du tronc.

Chez les femmes, on trouve partout une très grande quantité de tissu cellulaire ; il donne à leurs membres une surface uniforme et polie, cette rondeur et ces contours gracieux.

« La femme ne conserve pas toujours cette beauté qu’on lui voit au début de sa carrière »

Les femmes ont en général un coloris agréable qu’on ne rencontre pas chez l’homme. Leur peau est plus douce, plus blanche. Elle est dépourvue de poils mais leurs têtes sont ornées d’une plus belle chevelure.
Chez les femmes, les fonctions digestives ont généralement peu d’activité. Quant aux sécrétions, elles sont bien moins abondantes que chez l’homme. Cela tient, sans doute, à l’écoulement périodique qui leur est particulier. La transpiration cutanée est aussi moins active, et l’odeur qu’elle exhale est plus acide.

D’après ce que je viens de dire, on voit qu’elle conserve beaucoup des caractères physiques de l’enfance.

C’est à l’époque de la puberté que la jeune fille ressent une secousse violente qui fait éclater la beauté dont elle offrait déjà quelques traces. Sa taille augmente, son cou s’arrondit, ses seins se développent, le flux menstruel s’établit, les traits de son visage acquièrent un charme nouveau, son corps est délié, fin et moelleux. Les battements de son cœur sont plus prononcés. Tout s’anime de plus en plus. Ses yeux ont plus d’éclat, plus d’expression. La femme ne conserve pas toujours cette beauté qu’on lui voit au début de sa carrière, qui ne date réellement que de la brillante époque de sa puberté. Peu à peu, l’éclat de son coloris s’efface, ainsi que la rondeur séduisante de ses formes. Celle-ci est remplacée par un certain embonpoint que l’âge adulte amène. Alors, on lui voit perdre quelque chose du gracieux de ses traits, de la finesse et de la flexibilité de sa taille. Cette fraîcheur de jeunesse n’existe plus. Cependant, elle possède encore des agréments, même des grâces majestueuses, mais elles se détruisent insensiblement. Le temps des amours et des illusions s’est enfui.

Quelques femmes, peu sages, en voyant arriver cette époque, font de vains efforts, emploient divers cosmétiques pour échapper aux outrages du temps. Malheureusement, toutes leurs peines sont inutiles, car rien ne peut effacer les empreintes.

Le « moral » des femmes

La constitution faible de la femme la rend timide et quelquefois dissimulée. C’est elle aussi qui lui donne l’excessive sensibilité qu’elle possède. Cette mobilité qui fait qu’elle ne retient pas comme l’homme les impressions des objets. Aussi est-elle incapable de déterminations durables, ses sensations se succédant avec rapidité, et les dernières étant, assez constamment, celles qui prédominent.

Rien n’est plus prompt que l’action de son système nerveux. De là, son imagination vive, fleurie et ardente , ses raisonnements où l’on retrouve plus de sel que de profondeur. Si l’homme instruit parle peu, et s’il le fait avec plus d’utilité, c’est aussi avec moins d’agrément que la femme.

Celle-ci, sous la tyrannie des sensations, sent mieux qu’elle ne crée. C’est pourquoi elle est bonne, obligeante et humaine. Voyez avec quelle admirable inspiration, elle prodigue ses soins à un malade, à son enfant ! Les femmes sentent bien que tout effort un peu remarquable n’est pas fait pour elles, que tout ce qui exige une profonde méditation n’est pas de leur ressort. Elles laissent aux hommes les emplois publics et civils, se réservant les soins intérieurs de la famille, ce doux empire domestique qui les rend à la fois respectables et touchantes. Mais si elle veut s’éloigner du rôle que lui a prescrit la nature, cessant d’être elle-même, elle perd tout ce qui nous attache à elles. Les femmes savantes ne sont ainsi plus de bonnes mères ou de bonnes épouses.

J’ai omis, à dessein, de parler des caractères physiques les plus apparents qui distinguent la femme de l’homme : ces caractères résident dans la différence des organes sexuels. Comme ils sont à la connaissance de tout le monde, du moins pour ceux qui sont extérieurs, je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans les détails .

Les « affections » des femmes

J’ai dit, Messieurs, qu’avant la puberté, la jeune fille diffère déjà du jeune homme du même âge qu’elle. Cependant, elle n’est exposée qu’aux maladies de ce dernier, quoi qu’étant plus excitable, plus sensible que lui. Je n’en excepte même pas ce léger écoulement muqueux qui survient quelquefois à la suite d’une irritation de la surface interne des grandes lèvres, parce qu’il y a beaucoup d’analogies avec la balanite des jeunes garçons.

Aux approches de la puberté, nous voyons survenir divers désordres, dont les uns sont dus à des irritations de la peau, de l’utérus, de la poitrine, du cœur, de l’encéphale, d’autres à un état de faiblesse des systèmes circulatoires et nerveux ; et d’autres, enfin, dépendent d’un vice de conformation des organes sexuels.

Parmi les premières irritations, je place certaines éruptions cutanées qui se montrent principalement au visage, ces mouvements fébriles irréguliers que l’on voit si souvent dégénérer en métrite par l’imprudent emploi des emmenagogues ; les ardeurs de poitrine, les picotements dans le larynx, les palpitations, les étouffements, les crachements de sang. Les céphalalgies plus ou moins répétées sont aussi attribuées à un état d’irritation.

Quant aux vices de conformation des parties génitales externes, ils peuvent occasionner des accidents en retenant le sang dans le vagin ou même dans l’utérus. Mais ils sont peu graves, en général, parce qu’il est facile d’y remédier. La première jouissance, ordinairement douloureuse, produit de légères meurtrissures qui cèdent à des lotions d’eau tiède ou froide.

Tous les médecins pensent que le coït modéré est favorable à la santé, et ils croient, avec raison, qu’il est nuisible lorsqu’on s’y livre avec excès et, en effet, c’est ordinairement à la suite des jouissances trop réitérées qu’on voit se déclarer des inflammations aiguës ou chroniques de l’utérus ou des ovaires, des écoulements leucorrheïques et autres affections morbides. Ces accidents sont surtout à craindre lorsque la femme s’adonne aux plaisirs de l’amour peu avant, pendant ou peu après l’éruption de ses règles, époques ou elle est plus lascive que dans d’autres temps.

Quelquefois, les menstrues ne s’établissent pas d’une manière normale, l’écoulement ne se faisant d’ailleurs que par le vagin, ce qui donne lieu à des accidents que je signalerai en parlant de la ménozémie. D’autres fois, on voit survenir une ménorrhée ou une aménorrhée selon certaines dispositions individuelles.

« On voit se développer ce groupe de symptômes hideux que les nosologistes ont décrit sous le nom de nymphomanie »
Dans quelques circonstances, la matrice réagit sur le système nerveux, et cette réaction donne lieu aux phénomènes que je décrirai sous le nom d’hystérie. Chez quelques femmes, on voit se développer ce groupe de symptômes hideux que les nosologistes ont décrit sous la dénomination de nymphomanie ou de fureur utérine, qu’on ne doit pas confondre avec l’érotomanie qui n’est que la mélancolie occasionnée par un amour malheureux.

Si elle n’est pas stérile, dès qu’elle a conçu, on voit se développer chez elle, une série de phénomènes plus ou moins graves, dont les uns dépendent du placement de l’utérus, telle que la rétroversion, la hernie de cet organe. D’autres ne sont que sympathiques. Chez l’une, ce sont des douleurs de dents intolérables ; chez une autre, des nausées, des vomissements, des appétits dépravés, des cardialgies, des coliques, la constipation ou la diarrhée, la rétention ou l’incontinence d’urine. L’œdème des extrémités inférieures accompagne aussi la gestation dans quelques cas. Souvent, il y a pléthore, palpitations, syncopes , toux sèches, hémoptysie, varices ; enfin, on observe également, chez certaines femmes nerveuses, des altérations dans l’exercice des sens.

« Les cruels instants de la parturition »

Si nous suivons la femme pendant les cruels instants de la parturition, nous sommes témoins des horribles souffrances auxquelles elle est en proie et des dangers qu’elle court. Après avoir accompli cette fonction, un mouvement fébrile qu’on nomme fièvre de lait mais qu’on devrait appeler fièvre puerpérale rétablit chez elle l’équilibre qui avait été rompu et tout rentre dans l’ordre. Mais il n’en est pas toujours ainsi. De graves maladies viennent très souvent compromettre son existence, au nombre desquelles la péritonite.

Les femmes qui accomplissent entièrement leurs devoirs nourrissent leurs enfants. Mais ce n’est pas toujours sans être exposées à des dérangements de santé. Chez les unes , les mamelles s’engorgent, chez d’autres les mamelons se gercent.
Enfin, du moment de la puberté à celui de la ménopause, la femme est encore sujette à de graves et douloureuses maladies. C’est dans le cours de cette période que l’on voit apparaître les cancers du sein et de l’utérus, les métrites aiguës ou chroniques, l’ovarite, des hydropisies utérines, des pertes blanches ou rouges, des polypes…

Tout au long de mon cours, je traiterai des maladies relatives à la puberté avant de passer à la description de celles qu’on rencontre chez les femmes qui ont connu les plaisirs de l’amour. Je terminerai par les affections qui précèdent la cessation des règles et démontrerai combien est absurde l’opinion vulgaire qui veut que les femmes se préparent à l’âge critique par l’usage journalier d’une infusion de vulnéraire ; qui veut qu’elles se couvrent de cautères, qu’elles prennent fréquemment des purgatifs, des sudorifiques dans la vue d’expulser ce lait que l’on dit être répandu dans toute l’économie et auquel on attribue ces infirmités qui les accablent à cette époque de leur existence et qui, selon les bons praticiens, sont dues à toutes autres causes.

« Le corset est propre à développer les difformités »

En conclusion, permettez-moi de vous dire, Messieurs, que les femmes sont sujettes aux mêmes maladies que les hommes, mais il en est d’autres qui les prédisposent aux altérations qui leur sont particulières ; parmi ces causes, je dois placer le défaut d’exercice, ensuite certaines pièces dont se compose leur habillement et , surtout, le corset, cette cuirasse pouvant être regardée comme propre à développer les difformités. Non seulement, on peut lui reprocher de prédisposer aux affections nerveuses mais encore de provoquer cet excès de faiblesse et de langueur si fréquent chez elles.

Je considère également comme causes prédisposantes les soins que l’on se donne à cultiver leur imagination, les précautions que l’on prend pour les préserver de l’action, du grand air, de la chaleur, de l’humidité et du froid. Mais les principales causes des maladies du sexe sont les chagrins cuisants qui naissent d’un amour malheureux, des peines domestiques, surtout pour les femmes de la classe moyenne de la société. Chez les gens riches, c’est aux excès de table, aux plaisirs sans fin, aux repentirs tardifs qu’il faut attribuer le dérangement de leur santé. Enfin, la privation du coït est souvent la cause des métrites aiguës ou chroniques. C’est ce que peuvent méconnaître les médecins qui ont été favorablement pour donner des soins aux femmes qui vivent dans le célibat. L’abus dans les jouissances de l’amour produit les mêmes effets. »

(Extraits du discours d’inauguration prononcé par le Dr Alexis Bompard en 1834 à l’amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris)

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