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mardi 3 mars 2015

Le gaz hilarant : un nouvel antidépresseur ?

Publié le 28/02/2015


Depuis la découverte de l’iproniazide en 1957, de nombreux médicaments antidépresseurs ont étés développés. Cependant près d’un patient déprimé sur trois n’est pas soulagé avec les médicaments antidépresseurs actuels. De nouvelles voies thérapeutiques sont indispensables. 
Les recherches se tournent aujourd’hui vers le récepteur au glutamate N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Parmi les traitements candidats agissant sur cette voie, la kétamine, un antagoniste du récepteur NMDA, a déjà montré son efficacité dans la dépression résistante. Mais d’autres traitements sont également des antagonistes de ce récepteur et pourraient donc avoir un effet antidépresseur. L’un en particulier est facile d’accès et bien connu des praticiens : le protoxyde d’azote, massivement utilisé comme anesthésiant. Utilisé en pédiatrie, ou encore en chirurgie dentaire, le protoxyde d’azote est également connu pour ses propriétés euphorisantes.
 Peter Nagele et coll. ont présenté pour la première fois dans Biological Psychiatry une étude pilote évaluant l’efficacité du protoxyde d’azote dans la dépression résistante. Dans cet essai contrôlé randomisé en double aveugle contre placebo ont étés inclus 20 patients présentant une dépression résistante à au moins 2 antidépresseurs à une posologie et une durée adéquates (les patients avaient reçu en moyenne 8 traitements et recevaient  2 médicaments au moment de l’étude). Tous les patients inhalaient dans un masque à oxygène à un débit de 4 à 8 L/mn durant 1 heure soit un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote, soit un placebo correspondant à un mélange équimolaire d’azote et d’oxygène. Après une période de « crossover » d’une semaine, ils recevaient l’autre traitement. L’évaluation était effectuée à 24h par la Hamilton Depression Rating Scale(HDRS) pour s’assurer que les effets euphorisant du produit s’étaient dissipés.
A 24h, 4 patients du groupe traitement avaient répondu favorablement au traitement (diminution de la HDRS de 50 %) contre 1 dans le groupe placebo (Odds ratio [OR] 4,0, intervalle de confiance à 95 % [IC95] : 0,45 – 35,79). Trois patients étaient en rémission complète (HDRS ≤ 7) contre aucun dans le groupe placebo (OR 3,0, IC95 : 0,31 – 28,8). On constate cependant que l’effet antidépresseur se maintenait à 1 semaine, biaisant les résultats de la deuxième session. En ne prenant en compte que la première session la HDRS à 24h avait diminué de 8,6 points dans le groupe traitement (IC95 : -4,4 à -12,8) contre 4,7 points dans le groupe placebo (IC95 : 0 à -9,4), avec une différence significative entre les deux groupes.
Aucun effet indésirable grave n’a été noté, en particulier pas d’augmentation de l’homocystéine plasmatique (le protoxyde d’azote peut inactiver la vitamine B12 et entraîner des effets comparables à une maladie de Biermer en cas d’administration répétée). Cependant, 3 patients n’ont pas mené à terme les 60 minutes de traitement, du fait de l’inconfort lié à son administration, de nausées, ou d’une claustrophobie.
Plus facile d’utilisation que la kétamine intraveineuse, et dépourvu de ses effets dissociatifs  « psychomimétiques », le « gaz hilarant » semble donc avoir un effet rapide dans la dépression, avec un taux de rémission de 15 % chez des patients résistants, se maintenant pour certains à 1 semaine. Cependant, avant d’envoyer vos patients déprimés chez le dentiste, les auteurs rappellent qu’il s’agit d’une petite étude pilote, qu’il faudra répliquer.  Et ici plus que jamais, malgré toutes les précautions des investigateurs, le maintien de l’aveugle est difficile, ce traitement entraînant des effets euphorisants immédiats si particuliers. Plus problématique, les auteurs émettent également l’hypothèse que le protoxyde d’azote ne fasse que « masquer » la dépression plus que la traiter, à l’instar d’autres « traitements » psychotropes à effets immédiats, comme la cocaïne.
Dr Alexandre Haroche
RÉFÉRENCE
Nagele et coll. : Nitrous oxide for treatmen-resistant major depression : a proof-of-concept trial. Biol psychiatry. 2014; publication avancée en ligne le 9 décembre. Doi:10.1016/j.biopsych.2014.11.016

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