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mercredi 18 mars 2015

L’art de se faire mousser

LE MONDE ECONOMIE |  | Par 


Deux chercheurs américains viennent de prouver qu’il est préférable de se livrer à son numéro d’autopromotion lorsque l’interlocuteur est occupé à une autre tâche par ailleurs (Jean-Louis Trintignant et Vittorio Gassman dans "Le Fanfaron", de Dino Risi, en 1962).


Savoir se faire mousser est tout un art. Étant particulièrement handicapée à cet égard, j’ai, à maintes reprises, tenté d’analyser les experts en la matière, pensant qu’il devait exister des règles simples à adopter pour ainsi donner une bonne impression de soi, quitte à ce qu’elle soit un peu usurpée. Il ne faut certes pas souffrir d’inhibition, ni d’un excès de modestie. Avoir confiance en soi. Autant de travers dont on peut prendre conscience et qu’il est possible d’atténuer, en forçant un peu sa nature, pensais-je. Tout en constatant que cela ne suffisait pas !

J’avais pourtant intégré également l’idée que pour capter l’attention de son interlocuteur ou de son auditoire, il valait mieux qu’il soit tout ouïe. Je m’abstenais donc de parler ou de mettre en avant les meilleures preuves de mon savoir-faire, de mon expérience passée, lorsque la personne à laquelle je m’adressais tapotait sur son téléphone, regardait son écran, attitude, hélas !, de plus en plus courante.

Erreur fatale ! Contrairement à ce que l’on pourrait intuitivement penser, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire. Deux chercheurs américains, Alison Fragale, professeure en comportement des organisations à l’université de Caroline du Nord (Etats-Unis), et Adam Grant, professeur de psychologie à la Wharton School (université de Pennsylvanie, Etats-Unis), viennent de prouver qu’il est au contraire préférable de se livrer à ce numéro d’autopromotion lorsque l’interlocuteur n’a l’esprit que partiellement disponible, étant occupé à une autre tâche par ailleurs.


D’une façon générale, il ne suffit pas d’apprendre à donner une image reluisante de soi. Encore faut-il le faire au bon moment, quand l’interlocuteur ou l’auditoire peuvent être réceptifs. Ce qui semble aller de soi. Mais alors que de nombreux travaux de recherche ont été publiés sur les meilleures attitudes à adopter pour convaincre, le comportement de l’auditoire ou de l’interlocuteur a, en revanche, été très peu étudié, estiment les chercheurs. Ce qui serait pourtant nécessaire tant les résultats pourraient être contre-intuitifs.

C’est en tout cas ce que prouve leur publication « Esprits occupés, vantards récompensés : l’autopromotion dépend des ressources cognitives de l’auditoire », parue en décembre 2014 dans le Journal of Experimental Social Psychology.


Les fanfarons insupportent souvent


Mme Fragale et M. Grant étaient intrigués par les conclusions parfois diamétralement opposées de collègues chercheurs, ayant étudié l’efficacité de l’autopromotion sur la carrière des individus.
Certaines études prouvent, en effet, que ceux qui savent se mettre en avant sont mieux évalués et trouvent plus facilement du travail. Tandis que d’autres travaux prouvent qu’au contraire, les vantards finissent par avoir moins de succès et sont moins bien payés que les personnes plus effacées.

Tout le monde ne se laisse en effet pas avoir par les numéros de gonflette. Les fanfarons insupportent souvent. Ils peuvent passer pour impolis, voir carrément antipathiques. Les femmes seraient d’ailleurs particulièrement pénalisées lorsqu’elles forcent ainsi leur nature – un comble lorsque l’on sait qu’il est souvent reproché à la gent féminine d’être justement trop modeste !

En revanche, si une tierce personne de son entourage vante les mérites d’un individu, ceux-ci ne sont pas mis en doute.


« Attendez que votre interlocuteur ait l’esprit distrait »


D’où l’intuition de nos chercheurs. Si certaines personnes arrivent à se mettre en valeur sans dégâts collatéraux, c’est que leur interlocuteur ne retient que leurs mérites, mais oublie que c’est l’orateur lui-même qui s’en est prévalu. Il attribue au contraire ce témoignage à quelqu’un d’autre. Ce qui est très crédible. Il est en effet très fréquent que l’on se souvienne d’une idée, d’une démonstration entendue récemment, mais que l’on oublie qui en est l’auteur. Une erreur de mémoire d’autant plus fréquente que l’on n’écoute la personne que d’une oreille, étant occupé par ailleurs à autre chose, comme de bavarder avec son voisin ou de lire ses mails.

Et c’est exactement ce qui se passe quand on vante ses mérites à un interlocuteur moyennement attentif ont prouvé les chercheurs à partir de deux expériences dont tous les détails figurent dans leur publication

Conclusion des chercheurs : les recruteurs ou manageurs étant en position de pouvoir, et l’étant de plus en plus au fur et à mesure qu’ils progressent dans l’échelle hiérarchique, il y a davantage de chance qu’ils soient très occupés et se laissent donc aveugler par les affabulateurs. « Que ceux qui veulent convaincre de leurs talents prennent bonne note : que ce soit pour séduire un être désiré dans la vie privée, ou pour convaincre un auditoire lors d’une conférence, attendez que votre interlocuteur ait l’esprit distrait. »

On était effectivement loin de s’en douter !

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