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jeudi 19 février 2015

Le Conseil de l’Europe dénonce les tests d’âge osseux sur mineurs isolés, les médecins aussi

18/02/2015

La France dispose d’un arsenal juridique non négligeable pour lutter contre les discriminations, mais sa force de frappe est parfois défectueuse et faillit sous la haine et l’intolérance croissantes, observe en substance le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, à la suite d’une visite en France, en septembre 2014, dans un rapport rédigé en décembre 2014 (avant les événements tragiques de janvier).

Toujours le bénéfice du doute

Après sa rencontre avec des mineurs isolés étrangers (MIE), le commissaire letton se dit préoccupé par leur prise en charge qui pâtit de tensions entre l’État et les conseils généraux, la privation de liberté dont ils peuvent être victimes, et la procédure de détermination de leur âge, par des tests osseux.

Nils Muiznieks demande aux autorités de s’assurer que toutes les procédures d’évaluation de l’âge sont pluridisciplinaires, et d’arrêter la systématisation des tests d’âge osseux. Ceux-ci doivent n’intervenir qu’en dernier ressort, dans un cadre judiciaire, et leurs résultats ne doivent en aucun cas constituer l’unique élément de détermination de l’âge, écrit-il. Si la minorité de l’intéressé reste incertaine, celui-ci devrait avoir toujours le bénéfice du doute.
Cette exhortation intervient alors que le réseau Éducation sans frontièresdemande l’interdiction de cette pratique dans un appel (publié le 17 janvier dans « le Monde »). « Les tests d’âge osseux et autres examens uniquement physiologiques n’ont aucune pertinence pour déterminer l’âge légal. Le développement physique des jeunes qui ont subi de forts retards de croissance dans leur enfance, notamment du fait de la malnutrition et des traumatismes, ne peut être comparé à celui des jeunes qui n’ont pas eu la même histoire », explique la pétition, signée par de nombreux médecins (dont MDM, MSF, le vice-président de l’Ordre André Deseur, et l’académicien Jean-François Mattéi).

Encore trop d’exclusions des personnes handicapées

Le commissaire salue l’évolution des politiques publiques du handicap, qui se décentrent peu à peu du tout institutionnel et acquièrent une dimension interministérielle.
Malgré les progrès impulsés par la loi sur l’accessibilité universelle de 2005, « de nombreux obstacles à l’autonomie et à l’inclusion doivent encore être levés », lit-on. « Cette priorité donnée à l’inclusion dans la société n’est pas pour autant synonyme de désinstitutionalisation », poursuit le rapport.
La création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) n’a pas solutionné toutes les situations et des personnes se retrouvent encore dans des institutions inadaptées. Les outils d’évaluation des besoins semblent peu congrus, les délais de traitement des dossiers interminables, et les établissements et services médico-sociaux manquent parfois de disponibilité, ce qui bafoue la liberté de choix énoncé dans la Convention relative aux droits des handicapés.
Conséquence, des milliers de personnes prennent la voie de l’exil, notamment en Belgique, où les établissements accueilleraient 6 000 Français, un chiffre stable malgré l’ouverture de 4 000 places chaque année dans l’hexagone.

Pour un accompagnement mixte des enfants autistes

Le commissaire s’inquiète en outre des conditions de vie dans les établissements psychiatriques, où la gamme d’activités thérapeutiques doit être diversifiée, et où toute mesure de contention ou d’isolement doit être prise par les soignants au nom d’impératifs sanitaires, et non disciplinaires. Il estime que l’avis d’une personne sous le coup d’un placement involontaire, dans une structure fermée, doit toujours être recueilli, et que les hospitalisations sans consentement doivent être considérées comme une privation de liberté.
Enfin, le rapport déplore l’accompagnement des enfants et adultes atteints de syndromes autistiques et de troubles envahissants du développement, souvent à l’encontre de la désinstitutionalisation et du droit à l’inclusion. Et d’encourager un « accompagnement mixte, faisant une large place aux méthodes éducatives, comportementales et développementales et, d’autre part, de favoriser la scolarisation des enfants autistes en milieu ordinaire ».
En matière d’éducation, le commissaire souligne le hiatus des chiffres : selon le ministère de l’Éducation nationale, en 2012-2013, 225 560 enfants handicapés étaient scolarisés. Selon un rapport du Sénat de 2012, ils étaient 20 000 à n’avoir aucune solution de scolarisation, les autistes étant les plus vulnérables.
Enfin, le rapport dénonce le retard de la France en matière d’accessibilité des lieux publics et d’accès au marché du travail, avec encore 20 % de chômage chez les personnes handicapées. Il exhorte les autorités à lutter contre l’isolement et la stigmatisation des personnes handicapées, et à sortir résolument des institutions, au profit des services de proximité.
Coline Garré

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