Visiter l’exposition «Soft Metal», au Centre des arts d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), c’est comme aller au zoo. Une ménagerie rugissante de métal, de câbles électriques et de tuyaux dont le visiteur observe l’évolution. Le Canadien Bill Vorn a fait de l’art robotique son médium. Il conçoit d’étranges robots et les met en scène dans des environnements son et lumière spectaculaires.
A l’entrée, suspendue au plafond, une énorme araignée mécanique contracte ses huit membres de manière désordonnée dans le souffle de l’air comprimé, version démesurée des Hysterical Machines, ses agressives cousines qui s’agitent plus loin dans l’exposition, dans un infernal boucan de quincaillerie et de pistons. Leurs mouvements imprévisibles, actionnés par des valves et vérins pneumatiques, réagissent à la présence du visiteur. L’espace immersif, que tout concourt à rendre oppressant (sombre comme une caverne et hanté d’une inquiétante bande-son), est peuplé de machines malades, autistes, délirantes, tel un hôpital psychiatrique où ces robots in-utilitaires croupissent, sortis de leur léthargie par le passage d’êtres de chair et d’os.
Tics. Bill Vorn s’intéresse aux machines dysfonctionnelles. «Contrairement au robot industriel fonctionnel, conçu pour exécuter parfaitement une tâche, mes machines sont incapables de réaliser un travail utile, mais elles peuvent néanmoins faire un spectacle», plaisante Vorn. Docteur en communication et musicien, il explore depuis le milieu des années 90 avec Louis-Philippe Demers - et désormais en solo - la «misère des machines», fabriquant des robots aux agissements aberrants, inhabituels ou absurdes (cf. sa «Machine convulsive», harcelante…).
Sa dernière création, DSM-VI, met le visiteur face à des demi-bipèdes, composés uniquement d’une paire de jambes d’aluminium surmontées d’un œil projecteur, façon cyclope. A l’inverse des gesticulations hystériques des précédents, leurs mouvements sont lents, hésitants, répétitifs. Certains sont dos à terre, comme agonisants, pris de spasmes ou de tics. Leur «œil faisceau» balaye l’espace blafard de façon erratique, dans des gémissements métalliques et grincements douloureux.