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jeudi 25 décembre 2014

Moins de crimes sous antipsychotiques

Publié le 08/10/2014
Les patients souffrant de schizophrénie et de psychoses apparentées  ont un risque de commettre  des crimes violents 4 fois supérieur à celui de la population générale. Au cours des troubles bipolaires, ce risque est également plus élevé en cas de toxicomanie concomitante. Cependant on ne sait pas vraiment si les traitements médicamenteux de ces pathologies ont un impact sur ces comportements agressifs. En effet, peu d’études spécifiques y ont été consacrées et leur réalisation demeure problématique, notamment d’un point de vue éthique. Une équipe suédoise a donc décidé de mener une étude pharmaco-épidémiologique nationale sur la période 2005-2009, en s’appuyant sur les données de plusieurs registres et en effectuant les comparaisons chez un même individu (avec ou sans traitement). Leur objectif était de tester 4 hypothèses : les antipsychotiques et les stabilisateurs de l’humeur (acide valproïque ou valproate, lamotrigine, carbamazépine, oxcarbazépine et lithium) réduisent la fréquence des actes violents ; le taux de diminution varie selon le type de trouble mental ; l’association antipsychotique-thymorégulateur a un effet bénéfique encore supérieur et les antipsychotiques retard (injectables) ont une action plus importante que leurs homologues administrés par voie orale.

Plus de 80 000 patients sous antipsychotiques

Les résultats de cette vaste étude basée sur tous les habitants du pays nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1990, soit 1 944 548 hommes et 1 858 984 femmes, ont été obtenus grâce à l’extraordinaire fibre épidémiologique des pays scandinaves qui tiennent de façon remarquable de nombreux registres administratifs (médicaments prescrits, crimes, personnes suspectées d’infractions, émigration, décès, prison, etc.). Pour exemple, pour les condamnations pour crimes violents (homicides, agressions, vols, incendies criminels, crimes sexuels, menaces) qui constituaient le critère principal de l’étude, la date de l’événement a pu être précisée dans 77 % des cas à une semaine près, ce qui a permis des recoupements avec les périodes de prescription thérapeutique.
La population cible comprenait 40 937 hommes et 41 710 femmes ayant reçu des antipsychotiques ou des stabilisateurs de l’humeur (soit, au passage, un pourcentage non négligeable de la cohorte : 2,1 % des hommes et 2,2 % des femmes). Parmi eux, 2 657 hommes (6,5 %) et 604 femmes (1,4 %) ont été condamnés pour crime violent.

Chute de 45 % du taux de crimes violents

Comparées aux périodes sans traitement, celles au cours desquelles un antipsychotique était prescrit étaient marquées par une chute conséquente, de 45 %, du taux de crimes violents et une diminution était toujours constatée lorsque les critères étaient plus larges (crimes de tous types, crimes liées à une prise de stupéfiants, crimes moins violents, arrestations pour violence). En outre, la réduction du taux des crimes était plus importante chez les sujets traités à haute dose, par rapport à ceux recevant de faibles doses et une baisse a aussi été observée en cas de traitement retard (injectable). Quant aux stabilisateurs de l’humeur, ils entraînaient également une baisse significative du nombre decrimes violents mais uniquement chez les hommes souffrant de troubles bipolaires. L’adjonction d’un antipsychotique à un thymorégulateur diminuait le risque, mais pas le contraire ce qui peut signifier, au dire des auteurs, qu’ajouter un stabilisateur de l’humeur à un antipsychotique chez un schizophrène ne modifie pas la donne en matière de violence, alors qu’ajouter un antipsychotique chez un patient atteint de troubles bipolaires recevant déjà un régulateur de l’humeur pourrait être intéressant chez les sujets à risque de violence.
Malgré ces résultats très nets, il faut cependant noter que la question du mécanisme d’action demeure toujours posée, de même que la phase de la maladie au moment des événements n’est pas connue. De plus, il est impossible de s’assurer que les médicaments prescrits étaient réellement pris et les violences non condamnées n’ont pas été prises en compte non plus que les actes auto-agressifs. Enfin, parmi les personnes traitées par antipsychotiques et/ou stabilisateurs de l’humeur, seuls 40 % l’étaient pour une schizophrénie, une autre psychose ou un trouble bipolaire. Il y a donc 60 % des sujets qui étaient traités pour un autre motif (ce qui va vraisemblablement de pair avec l’augmentation récente et importante des prescriptions de ces molécules). Pour S. Fazel et coll., cela suggère une action thérapeutique plus générale sur les traits comportementaux de colère et d’hostilité, ce qui peut alimenter encore un autre débat : qui traiter et pour prévenir quel risque ? 
Dr Patricia Thelliez


RÉFÉRENCES
Fazel S. et coll. Antipsychotics, mood stabilisers, and risk of violent crime. Lancet 2014; 384: 1206–14.http://dx.doi.org/10.1016/
S0140-6736(14)60379-2
Sheilagh Hodgins. Antipsychotics, mood stabilisers, and reductions in violence. 2014 ; 384: 1167 – 1168. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(14)60694-2

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