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lundi 1 décembre 2014

Des organes vont être prélevés sur des patients morts d’un arrêt de leurs traitements

Le Monde.fr | Par 
L’agence de la biomédecine (ABM) a annoncé, mardi 2 décembre, qu’elle autorisait pour la première fois un centre hospitalier à pratiquer des prélèvements d’organes (reins, poumons, foie) sur des personnes décédées après une décision d’arrêt ou de limitation des traitements qui les maintenaient en vie. Jusqu’alors, des organes étaient prélevés uniquement en cas de mort par arrêt cardiaque brutal – infarctus – ou de mort cérébrale.

Dans un contexte de pénurie d’organes, ce changement réglementaire était attendu de longue date par les associations de patients en attente de greffe. Il marque l’aboutissement d’un processus de réflexion éthique engagé dès 2005 lors de l’adoption de la loi Leonetti sur la fin de vie.

Le texte prévoit alors que des traitements vitaux peuvent être arrêtés lorsque des soins « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Il ne dit rien, en revanche, sur les prélèvements d’organes après la mort par arrêt cardiaque spontané, déjà autorisés par le code de santé publique. Sans les interdire, il ne définit aucune procédure médicale permettant de résoudre les problèmes éthiques et les conflits d’intérêt qu’ils peuvent poser.


« Il y avait un temps nécessaire à la réflexion éthique »

« Le fait que l’équipe de réanimation se mette à « penser en termes de prélèvements possibles » (…) avant que la séquence complète du patient, suite à l’arrêt des traitements, soit parvenue à son terme est une contradiction éthiquement, psychologiquement et humainement intenable », soulignait en 2011 la commission d’éthique de la société de réanimation de langue française.

« Il y avait un temps nécessaire à la réflexion éthique », explique le professeur Olivier Bastien, directeur de la greffe et du prélèvement à l’ABM pour expliquer pourquoi il a fallu attendre la fin de l’année 2014 pour prendre une telle décision. « En 2006, on a considéré que la société n’était pas prête », dit-il. « Depuis, on a travaillé avec des sociétés savantes et des comités d’éthique pour mettre en place une procédure claire et cadrée. »

C’est le centre hospitalier d’Annecy Genevois (Rhône-Alpes) qui, le premier, va être autorisé à pratiquer ce type de prélèvements. D’autres établissements se sont déjà mis sur les rangs pour obtenir un agrément qui sera accordé sous réserve du respect d’un protocole très strict.


« Etanchéité » des filières


Pour écarter tout risque d’« euthanasie utilitaire », la règle essentielle de ce protocole prévoit « l’étanchéité » des filières. A l’équipe de réanimation, et à elle seule, de décider et mettre en œuvre l’arrêt ou la limitation des traitements dans le cadre prévu par la loi Leonetti. A l’équipe de coordination hospitalière de prélèvement de gérer ensuite la procédure de don d’organes. « La démarche auprès des proches est réalisée avec un délai entre l’information sur la décision d’arrêt ou de limitation des traitements et celle du don d’organes », note l’ABM, qui précise également que « le processus de prélèvement n’accélère en rien le décès ».

L’ABM refuse de dire combien de cas cela pourrait concerner afin de respecter « la sécurité et l’encadrement éthique » du dispositif. Elle fait néanmoins valoir qu’à l’étranger, dans les hôpitaux où il se pratique, ce type de prélèvement a permis d’augmenter le nombre de greffons disponibles dans une fourchette de 10 % à 40 %.


« Ce ne sera pas une révolution »


Au centre hospitalier d’Annecy, on évalue à une dizaine le nombre de donneurs potentiels par an, soit au final cinq à sept dons qui aboutiront réellement. « On devrait ainsi passer de 24 à 31 donneurs par an », évalue le docteur Didier Dorez, médecin coordinateur au centre hospitalier d’Annecy, qui parle d’un « bénéfice sanitaire global ». L’année dernière, en France, 5123 greffes d’organes ont été réalisées, alors que 18 976 personnes étaient en attente.

« Ce ne sera pas une révolution en terme de nombre », prévient le professeur Bruno Riou, le médecin coordinateur à la Pitié-Salpêtrière, à Paris et spécialiste de cette question. « Il y a plein d’exclusions, dit-il. Beaucoup de catégories de patients ne rentrent pas dans la catégorie des donneurs, ils doivent par exemple avoir moins de 60 ans. Et il faudra que ce soit dans un centre agrée, il y aura aussi des refus de famille… On sera bien loin des 20 000 patients qui meurent chaque année d’arrêts des soins dans les services de réanimation en France. »

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