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lundi 17 novembre 2014

Enfants maltraités : les médecins trop peu investis

LE MONDE Par 
Illustration
Un épisode de la vie de la petite Marina, morte en 2009 à l’âge de 8 ans des suites des tortures infligées par ses parents, permet de comprendre pourquoi la Haute Autorité de santé (HAS), dont la mission est de promouvoir la qualité et la sécurité des soins, lance lundi 17 novembre une initiative pour que les médecins s’investissent davantage dans la lutte contre la maltraitance des enfants.
Quand la petite fille est hospitalisée d’urgence au Mans, en avril 2009, à l’instigation du directeur de son école, l’équipe médicale pense à tout, sauf à de la maltraitance. Marina est pourtant très marquée physiquement : son visage est déformé, elle a des douleurs lancinantes, le ventre gonflé… Le réflexe des médecins est de multiplier les examens et avis afin de mettre en évidence « une maladie génétique, métabolique, endocrinienne et nutritionnelle », selon un rapport consacré à l’affaire.

Chaînon manquant
Céline Raphaël, ex-enfant battue devenue médecin, très investie sur ce sujet, a vécu la même chose. Quand elle finit par être emmenée aux urgences après des années de mauvais traitements, les médecins envisagent un syndrome de Münchhausen (besoin de simuler une maladie pour attirer l’attention) ou de l’automutilation. Comme la plupart des enfants dans cette situation, elle protège son père en ne disant rien.
Les médecins, qu’ils exercent en ville ou à l’hôpital, sont le chaînon manquant de la prévention de la maltraitance des enfants. « Selon les départements, entre 2 % et 5 % des signalements viennent des professionnels de santé, relève Cédric Grouchka, membre du collège de la Haute Autorité de santé, qui a initié la démarche. Il est évident qu’ils ne jouent pas le rôle qu’ils devraient. » Or, ils voient des enfants maltraités, que leurs parents souvent ambivalents ont emmenés en consultation ou à l’hôpital quand leur état s’est aggravé.
« Il faut que les médecins y pensent, résume Claude Rougeron, médecin généraliste en Eure-et-Loir, lui-même sensibilisé à cette question. J’ai moi-même pris conscience que je ne voyais pas beaucoup de choses. On ne veut pas y croire. On est aussi aveuglés par la proximité avec les parents, les familles. » La fin dramatique d’une petite fille battue dont il a dû signer le certificat de décès, un dimanche de garde, au début de sa carrière, l’a amené à s’interroger, puis à se former.
En médecine, la formation est minime : quatre heures au maximum sur dix ans d’études. La maltraitance est pourtant« autant un problème de santé publique qu’un problème de société », affirme Anne Tursz, épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de recherche médicale (Inserm), auteur de nombreux travaux de recherche sur ce sujet. « Le phénomène serait dix fois plus fréquent qu’on ne le croit, observe M. Grouchka. Il a des conséquences sanitaires majeures à l’âge adulte. »
Reconnaître et signaler la maltraitance
La HAS a rédigé un document synthétique d’une dizaine de pages, qu’elle diffusera sur son site Internet et via la presse spécialisée, où sont rassemblés les indices qui doivent au minimum faire envisager une maltraitance (retard de recours au soin, indifférence notoire des parents, enfant craintif évitant le regard), les décisions possibles pour protéger l’enfant, un point réglementaire et un modèle de signalement. Un « arbre décisionnel », qui permettra aux patriciens d’obtenir les coordonnées de personnes à contacter, sera mis à leur disposition.
La solitude des médecins est en effet un frein important. C’est notamment la collégialité (ainsi que le temps passé sur place par les enfants) qui explique pourquoi l’école joue au contraire un rôle majeur dans le signalement des enfants en danger. La médecine scolaire et la protection maternelle et infantile font également partie de cette dynamique.
Les professionnels de santé doivent aussi être rassurés sur les risques qu’ils encourent. « Quand une maladie relève des compétences d’un médecin spécialiste, on lui adresse le patient,résume M. Grouchka. C’est pareil en cas de maltraitance. Le signalement est un acte médical. Le médecin constate ce qu’il voit. Il ne doit ni enquêter ni juger. » Ce sont les services sociaux et/ou la justice qui décident des suites à donner.
La HAS rappelle que le secret médical ne s’applique pas et que le médecin est, comme tout citoyen, tenu de porter assistance à un enfant. Si le signalement est effectué dans les règles, aucune sanction du conseil de l’ordre et aucune poursuite ne sont possibles contre lui. L’initiative de la HAS est vue comme un « premier pas »par les spécialistes. Davantage de formation (initiale et continue) est cependant indispensable selon eux.


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