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vendredi 17 octobre 2014

Journée mondiale La douleur dans une impasse ?

17.10.2014

A l’occasion de la Journée mondiale de la douleur, le 17 octobre, les spécialistes français se montrent pessimistes sur la prise en charge de ce syndrome dans l’Hexagone : menaces sur les centres anti-douleur, enseignement insuffisant, enfants oubliés... D’où l’importance, selon eux,
La douleur concerne quinze millions de personnes en France. Et selon l’enquête CSA/Sanofi « Les Français et la douleur » réalisée auprès de 2 000 personnes avec le concours du Pr Alain Serrie (hôpital Lariboisière, Paris), 92 % des Français interrogés ont souffert d’une douleur de courte durée ou persistante au cours des 12 derniers mois. Parmi eux, 52 % souffraient encore au moment de l’enquête. De plus, parmi les personnes déclarant éprouver des douleurs au moment de l’enquête, 68 % ressentent ces douleurs depuis plus d’un an. Et cette proportion augmente avec l’âge, puisque ce taux atteint 79 % dans la population la plus âgée de cette enquête (50-60 ans). Ces douleurs récurrentes concernent surtout les articulations, les douleurs menstruelles et la migraine.


Une étude qui souligne l’impérieuse nécessité, en France, du développement d’une prise en charge dédiée de la douleur. « À l’heure actuelle, alors que le dernier Plan douleur  s’est achevé en 2010, l’implication des pouvoirs publics dans la douleur est insuffisante. Tout reste à faire. Ce n’est pas la peine de faire des annonces s’il ne se passe plus rien » Tel est le constat un peu désespérant que dresse le Pr Serge Perrot, rhumatologue et médecin de la douleur à l’Hôtel-Dieu (Paris).

325 structures dédiées en France

De fait, il existe 325 structures dédiées à la douleur en France. Or un grand nombre d’entre elles sont menacées. Un certain nombre de médecins qui s’en occupent vont, en effet, partir à la retraite et ces postes vont être repris par?d’autres?services, comme ceux d’anesthésie. D’où un risque de disparition de ces structures. Par ailleurs, une réforme du troisième cycle des études de médecine est en ce moment en cours, comprenant une refonte des diplômes d’études spécialisées (DES), qui doit se concrétiser en 2016. Jusqu’à présent, les étudiants qui se destinaient à la douleur et aux soins palliatifs se formaient dans une filière particulière. Celle-ci risque d’être remplacée par une formation transversale à la douleur, qui compromettrait selon Serge Perrot, la valeur des médecins formés.

Tout n’est pas négatif, cependant. Depuis le dernier plan, (2006-2010), il existe un cahier des charges assez précis, concernant l’organisation des soins anti-douleur en France. Les ARS ont, dans chaque région, identifié des structures, les ont labellisées en deux catégories, consultations ou centres, ce qui a abouti à un maillage identifié sur un site internet. Tous les médecins et les soignants peuvent donc savoir quelles sont, dans leur région, les structures existantes de prise en charge de la douleur. Et le cahier des charges de ces structures implique un certain niveau de qualité.

Les enfants oubliés

Le dernier Plan douleur n’a pas, en revanche, tenu ses promesses sur la prise en charge des populations précaires, notamment les malades psychiatriques ou les sujets âgés. Quant aux enfants, très peu de centres leur sont actuellement dédiés (quatre ou cinq en France) et leur douleur reste très mal prise en charge, selon le Pr Perrot. Le problème est le même pour les handicapés.

La formation des soignants, un des axes du plan, a, quant à elle, connu quelques améliorations. Un enseignement obligatoire de vingt heures consacré à ce thème, pour les étudiants en médecine a notamment été mis en place. Et pour les infirmières en institut de formation en soins infirmiers, il existe également des formations à la douleur.

Les avancées en matière de traitement médicamenteux sont moins évidentes. « On a retiré du marché certains médicaments qui ne nous semblaient pas très dangereux », pointe Serge Perrot, en évoquant le Di-Antalvic®. « Quant au Rivotril®, dont l’usage a été limité aux neurologues pour soigner l’épilepsie, il rendait des services dans le traitement de la douleur », ajoute le Pr Perrot, qui souhaiterait des études indépendantes menées par l’Ansm pour prouver la dangerosité de ces molécules. À ce propos, le rhumatologue pointe l’absurdité de se tourner, comme on le fait actuellement, vers le cannabis à visée thérapeutique pour soigner la douleur, après avoir retiré du marché des médicaments qui fonctionnaient.

D’après lui, il n’existe pas non plus de nouveaux médicaments anti-douleur, du fait de la grande complexité de sa physiopathologie. « À l’heure actuelle, précise le spécialiste, deux domaines résistent à la recherche, la douleur et la maladie d’Alzheimer. Dans ces deux champs, des molécules qui fonctionnent chez l’animal ne tiennent pas leurs promesses chez l’homme ».

Les traitements non pharmacologiques de la douleur

– telles que les approches cognitives et comportementales, l’acupuncture, l’hypnose, également au programme du dernier Plan douleur – se développent de plus en plus dans les centres dédiés. Il a en effet été constaté que ces thérapies peuvent apporter un bénéfice au patient en l’aidant à gérer son syndrome douloureux et ne sont pas dangereuses. Mais beaucoup ne sont pas reconnues, d’où un problème de cotation et de financement. De plus, selon Serge Perrot, il est très compliqué d’évaluer leur efficacité. Il existe pourtant aujourd’hui des éléments en faveur de l’action de l’acupuncture dans certaines pathologies, comme l’arthrose du genou. Pour l’hypnose, on dispose également de quelques données montrant son efficacité dans la plupart des pathologies douloureuses (migraines, fibromyalgies, lombalgies).

Apprendre au patient à gérer ses médicaments

La prise en charge non pharmacologique de la douleur inclut d’ailleurs aussi l’éducation thérapeutique, couramment employée dans les centres dédiés. Il s’agit d’apprendre au patient à gérer ses médicaments, ainsi que les différentes techniques disponibles, et à construire son traitement avec les soignants.

Cela dit, « malgré la labellisation, les centres de la douleur ont peu de moyens, imposent des délais d’attente importants et ne peuvent pas répondre à toutes les demandes », constate Serge Perrot. Résultat : « Beaucoup de médecins qui envoient leurs patients dans ces centres dédiés ne sont pas satisfaits en raison du délai d’attente et parce que le service rendu n’est pas suffisant. Et le fait qu’il n’y ait pas eu de Plan douleur depuis 2010 n’arrange rien ». Ces plans permettent en effet de faire des campagnes de sensibilisation, d’information et constituent un soutien qui manque actuellement.

« Nous sommes, sur le plan de la prise en charge de la douleur en train de rétrograder par rapport aux avancées des années 2000. Cette régression nous inquiète beaucoup à la Société française de traitement de la douleur. Il y a moins de moyens financiers et les soins palliatifs mobilisent actuellement plus que la douleur. Ce qui est regrettable car la répartition devrait être plus équitable entre ces deux disciplines nécessaires », conclut le Pr Serge Perrot.




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