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jeudi 23 octobre 2014

Des doutes sous la blouse

25/10/2014

La blogosphère pourrait être (très) schématiquement divisée en deux mondes : d’une part ceux qui ont fait de l’introspection, de la présentation de leur intimité, de l’évocation de leur vie leur raison d’écrire sur la toile et d’autre part ceux qui ont choisi de ne dévoiler sur le web que leurs analyses politiques et philosophiques du monde comme il va (ou pas). Les deux catégories bien sûr ne sont pas forcément étanches et les blogs des professionnels de santé empruntent souvent aux deux genres. Les réflexions y sont très nombreuses sur les différentes méthodes qu’il faudrait appliquer pour améliorer la prise en charge des patients ou le système dans son ensemble ; réflexions qui s’appuient ou pas sur le récit précis de consultations. Et parfois, la plume glisse. Et le médecin, l’infirmière, le kinésithérapeute parle de lui. De ce qu’il ressent. Il peut s’agir de confessions toutes personnelles. Mais il peut également s’agir d’une introspection concernant leur sacerdoce, leur vocation. Quel médecin, infirmier, kinésithérapeute sont-ils ? 

Yocum, Jobe, Sorensen…

Leyla, jeune masseur kinésithérapeute, comme elle se présente succinctement sur son blog, écrit depuis plusieurs années sur son quotidien. Elle raconte ses consultations les plus poignantes, reviens sur certains désordres de l’organisation des soins, propose quelques réflexions sur l’utilité (ou pas) de la prescription de séances de rééducation. Mais récemment Leyla a décidé de lever le voile sur ses doutes, les plus profonds. La note fera sans doute écho à de nombreux professionnels de santé, car elle évoque l’enlisement dans une certaine routine, l’éloignement d’abord imperceptible, puis de plus en plus profond avec les multiples notions techniques et scientifiques qui permettent pourtant de demeurer un soignant de qualité. « Les notions d’anatomie, palpatoire surtout et biomécanique se sont étiolés (…). J’ai oublié ce qu’étaient les tests de Yocum, Jobe, Sorensen, Shirado et à quoi ils servent. Je sais dire qu’ils ont mal là parce que j’appuie mais pas qu’ils marchent ainsi parce qu’un tel est pas dans l’axe à cause de ceci ou cela » énumère-t-elle sans fausse pudeur. A ces oublis, ces gestes que l’on accumule de façon automatique, s’ajoute la fuite du temps qui inévitablement brouille la mémoire. « J’essaie de prendre le temps d’écrire le contenu de mes séances. Une fois sur deux, je ne le fais pas. Parce que quand même (…) c’est clair, d’ici 48 heures ça va tenir. Forcément, 48 heures après j’ai oublié.  Si c’était une cheville gauche ou droite, si j’ai fait des ultrasons ou des ondes de chocs, etc. (…) Mais je sais faire de bonnes pirouettes pour que le patient me donne la réponse l’air de rien » raconte-t-elle. Finalement, la conclusion de ce long post qui énumère ses insuffisances, ses renoncements et ses regrets n’est qu’amertume : « Je suis une bonne soignante. Je crois. J’aime les gens. J’essaie de le respecter. De les entourer, de leur apporter l’attention dont ils ont besoin. Mais je ne sais pas/plus les rééduquer. Je suis une bonne accompagnante, mais je ne suis plus sûre d’être vraiment kiné ». 


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