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lundi 8 septembre 2014

Hypocondriaque

LE MONDE Par 
La France souffre, et son mal s’est aggravé ces dernières semaines. Les symptômes sont là : finances exsangues, industrie déclinante, tissu social abîmé, moral dans les chaussettes. A tel point que le malade semble paralysé, incapable de lever le petit doigt.
Mais de quel mal souffre notre beau pays qui plaît tant à tous ceux qui n’y habitent pas qu’ils s’y précipitent pour venir le visiter ? Dans une de ses chroniques du New York Times, le « Prix Nobel » d’économie Paul Krugman a trouvé l’explication : le patient souffre d’hypercondrie.
Plongeons dans les manuels de médecine. Il s’agit d’une « douleur morale qui s’exprime en termes de pathologie organique et conduit le patient à l’exercice d’une relation ambiguë avec le médecin, sollicité et rejeté par un malade qui détient seul le secret de son mal et le savoir de son remède. » Bien trouvé. La France a un problème d’ordre psychiatrique. Elle se voit à l’article de la mort dès que sa balance commerciale pique du nez et que sa dette grimpe au plafond. Alors que d’autres seraient plus à plaindre.
Le pays est attractif, et pas seulement pour les touristes, ses citoyens épargnent comme des fourmis et travaillent plus chaque semaine que leurs collègues néerlandais, rarement pris pour des fainéants. Ses grandes entreprises réussissent sur tous les continents et le pays dispose de start-up parmi les plus dynamiques d’Europe.

MODERNITÉ
Pourtant, si le diagnostic vital ne doit pas être engagé, la maladie n’est pas non plus imaginaire. En témoigne son affection la plus grave, le chômage, jamais vraiment soignée.
Comme beaucoup d’hypocondriaques, le patient a un problème avec son temps. Le passé lui semble toujours plus rose et le futur plus inquiétant. Du coup, son présent est un enfer, une angoisse permanente.
La modernité, c’est-à-dire le présent, n’est ni bien ni mal. Elle est, tout simplement. La rejeter est un choix possible, mais dangereux. Il nous priverait de la possibilité d’influer sur notre futur.
La modernité aujourd’hui est marquée par trois phénomènes qui se nourrissent mutuellement : l’ouverture au monde, la révolution technologique et la montée en puissance de l’individu face au groupe.
Pour l’embrasser, il faut donc jouer sur trois tableaux : celui de l’innovation, celui de la rénovation sociale et celui de la réforme de l’Etat. Dans un monde instable, le mouvement est la seule manière de conserver l’équilibre. Innovation et formation en sont les moteurs principaux. Ils demandent volontarisme et liberté d’action. Le rapport au travail est en train de se réinventer. Quand le salariat est menacé, il faut réfléchir au contrat qui lie l’individu, son employeur et l’Etat.

Enfin, l’Etat doit se réinventer. Redéfinir ses missions, son lien avec les citoyens et ses moyens d’action. Et puis, si l’Europe décidait de réfléchir à un destin commun, ce serait la meilleure médecine pour toutes les maladies, qu’elles soient imaginaires ou bien réelles.

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