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lundi 11 août 2014

La contraception « naturelle » de plus en plus prisée

LE MONDE | Par 
On croyait oubliées les méthodes de contraception naturelles. Les Françaises s'en étaient détournées du fait de leur moindre efficacité depuis l'arrivée de la pilule. Pourtant, aujourd'hui, près d'une femme sur dix opte pour ces techniques d'observation du cycle d'ovulation ou pour le retrait. Le chiffre, révélé par une étude Ined-Inserm en mai, surprend.
Anne-Sophie S., Brestoise, est l'une d'elles. Son compagnon n'en est pas vraiment satisfait, mais c'est ainsi, elle a opté pour le retrait avant éjaculation. « Pour lui, ce n'est pas facile, reconnaît-elle. Ça gâche un peu les choses, et met de la tension dans le couple, je lui dis tout le temps de faire gaffe. »
Depuis qu'a éclaté le scandale des pilules de troisième et quatrième générations, elle a arrêté la sienne, aussi « pour des raisons écologiques ». Elle est allergique au préservatif et sait qu'elle pourrait se faire poser un stérilet. Elle le fera peut-être quand elle aura de l'argent. A 22 ans, elle n'a jamais trouvé de travail fixe depuis l'obtention de son BTS d'assistante de gestion. Son compagnon est aussi sans emploi. Alors, tous les mois, ils attendent ses règles « avec inquiétude ». Selon l'étude Ined-Inserm consacrée aux choix contraceptifs depuis la crise des pilules, le recours aux méthodes naturelles a bien plus augmenté chez les femmes en difficulté financière et/ou sans diplôme. Le refus d'imposer à son corps des hormones a aussi joué.

« ÇA DEMANDE UN PEU DE MAÎTRISE »
L'étude indique qu'entre 2010 et 2013, chez les 15-49 ans, la pilule a reculé de 9 points (de 50 % à 41 %). Le stérilet en a gagné 1,9, le préservatif 3,2. Mais la plus forte hausse (3,4 points) est enregistrée par les méthodes naturelles, désormais choisies par 9,5 % des femmes. Chez les 20-44 ans, l'abstinence périodique (méthode Ogino, par exemple) était en 2013 l'option prise par 3,8 % des femmes (+ 0,5 point) et le retrait par 5,2 % (+ 2,1), selon des chiffres recueillis par Le Monde auprès de l'Inserm. Dominantes avant les années 1960, ces pratiques concernaient 33,9 % des femmes en 1978. En 2000, le taux s'élevait à 5,5 %.
Flore (un prénom d'emprunt), 29 ans, journaliste dans l'Est, a arrêté il y a sept ans la pilule pour des raisons médicales. Elle opte alors pour le stérilet, ne s'y fait pas vraiment. Quand dernièrement il a fallu le renouveler, elle a dit non. « J'ai dit à mon médecin que j'allais calculer mes cycles d'ovulation. Il m'a dit que c'était risqué, se souvient-elle. Je n'aurais pas fait ça il y a dix ans. Mais je suis à une période de ma vie où, si je tombais enceinte, je garderais le bébé. » Pendant les périodes de fertilité, c'est retrait. Elle sait que son conjoint fait attention, parce qu'il ne veut pas encore être père.
Des hommes aussi plaident pour le retrait. Comme ce juriste rennais, 30 ans. La pilule avait réduit « à zéro » la libido de son amie. « Ça demande un peu de maîtrise. Mais, au bout d'un moment, ça se fait de manière totalement naturelle. » Bien mise en oeuvre, il juge la méthode « infaillible ». Fonctionner ainsi, c'est gérer la contraception à deux, ce qui plaît à ces femmes. « Mon nouveau compagnon n'apprécie pas tous ces produits imposés au corps des femmes. On a donc approfondi la méthode ensemble », raconte Marie C., 29 ans, opticienne dans le Sud, qui prend sa température le matin.
78 % D'EFFICACITÉ POUR LE RETRAIT
Quand elle était adolescente, sa mère, catholique, l'avait initiée. Elle s'était moquée d'elle, et avait pris la pilule. Pendant plusieurs années, avec, elle a fait « n'importe quoi », enchaînant les comprimés pour n'avoir jamais ses règles quand elle voyait son copain. Revenir aux vieilles méthodes, elle en fait quasiment une revendication. Cela ne l'a jamais empêchée de faire l'amour. Pendant les périodes à risque de grossesse, elle opte pour le retrait ou le préservatif.
Y a-t-il là une vraie tendance ? Trop tôt pour le dire. Mais des appareils sophistiqués permettant d'estimer la période d'ovulation se sont développés. On trouve par ailleurs des sites catholiques prônant l'abstinence temporaire. « Cela veut dire garder intacte, à chaque union sexuelle, notre capacité à donner la vie », indique Méthodes-naturelles.fr, dont le nom pourrait faire croire à un site officiel.
Quoi qu'en disent leurs adeptes, des différences d'efficacité existent. Selon le site des autorités sanitaires Choisirsacontraception.fr, le stérilet hormonal enregistre 99,8 % d'« efficacité pratique », la pilule 91 %, le préservatif 85 %, le retrait 78 %, et les méthodes d'abstinence périodique 75 %. Mais il range ces méthodes parmi les moyens de contraception. Certains médecins considèrent qu'il n'en est rien, puisqu'elles n'empêchent pas totalement les grossesses.
 « JAMAIS JE NE CONSEILLERAI CES MÉTHODES » 
Les chiffres des chercheurs interpellent les praticiens. Mady Denantes, généraliste dans le 20e arrondissement à Paris, n'a aucune patiente qui ait fait un tel choix. « Les médecins passent-ils à côté de quelque chose ? Si ces choix sont faits par manque d'information, c'est très inquiétant », juge-t-elle.
« Ce n'est peut-être qu'une femme sur dix, mais c'est une femme sur dix quand même. Je vais renforcer mon discours dubitatif »,avance Gilles Dauptain, gynécologue-obstétricien à l'hôpital de Gonesse (Val-d'Oise). Ses seules patientes qui disent procéder ainsi avancent des raisons spirituelles, mais il sait que beaucoup de femmes ne consultent pas un gynécologue. « A celles qui m'en parlent, je ne dis pas que c'est mauvais, je les mets en garde. Après, elles font ce qu'elles veulent. Mais jamais, contrairement à d'autres, je ne conseillerai ces méthodes. » Il juge d'ailleurs leur nom peu approprié : « Elles ne sont pas très compatibles avec le naturel des choses : avoir un rapport sexuel, cela dépend de l'envie du moment, pas de la période du cycle, sans compter que ces femmes vivent dans l'angoisse. »
« C'est loin d'être anodin, comme contraception, quand, dans un groupe, près de 15 % des femmes l'utilisent », estime Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm, en référence aux plus défavorisées. A ses yeux, il faut peut-être se demander comment mieux en parler. Car tout le monde s'accorde à dire que ces méthodes d'observation du corps sont complexes à comprendre et à appliquer. D'où leur taux d'échec plus élevé.


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