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lundi 26 mai 2014

La folie dans tous ses états

 24/05/2014




La folie, les troubles de l’âme, la maladie mentale comme on voudra l’appeler, est un sujet de fascination éternelle pour les artistes. Tant et si bien que certains sont même tentés de la voir partout. Ainsi, le théâtre de l’Odéon propose-t-il une version très inattendue de Cyrano de Bergerac. La célèbre pièce de Rostand se déroule en effet dans un hôpital psychiatrique. Les personnages principaux et les figurants y sont des patients, des fous jouant un rôle. Un tel parti pris, détonnant, impose à la mise en scène de Dominique Pitoiset quelques pirouettes lorsqu’il faut transposer le siège d’Arras dans l’univers asilaire ! Mais l’idée fonctionne plutôt bien et Dominique Pitoiset assure qu’il n’a fait que s’inspirer du texte même d’Edmond Rostand où il est sans cesse fait allusion aux êtres jouant un personnage, tels des fous. Philippe Torreton, quant à lui, qui endosse une nouvelle fois le rôle (mais pas l’habit puisqu’il joue en survêtement, sauf au dernier acte) de Cyrano de Bergerac est également très convaincant et convaincu par cette mise en scène, affirmant qu’elle permet de donner une nouvelle vie au texte. 

C’est une colline…

Si la présence de « fous » dans Cyrano peut a priori surprendre, le fait de présenter Hollywood comme le temple des névroses les plus destructrices sera moins étonnant. Cependant, le « Maps to the Stars » de David Cronenberg ne se contente pas de mettre en scène les tourments de quelques actrices en mal de rôles : ses personnages sont viscéralement malades, qu’il s’agisse de la comédienne vieillissante dont plus personne ne veut (interprétée par Julianne Moore), de son ancienne assistante personnelle (dont on apprend qu’elle vient d’être internée) ou encore du fils de celui qui essaye de tirer les ficelles, mi coach mi psy, qui à 13 ans sort déjà de cure de désintoxication. Tous évoluent dans un univers où la folie semble partout présente faisant d’Hollywood une clinique psychiatrique huppée à ciel ouvert. 
C’est une performance…
Difficile de ne pas voir dans le Cyrano de Dominique Pitoiset et plus encore dans le Maps to the Stars une réflexion sur le monde du spectacle, sur la folie qui traverse inévitablement les acteurs, sur la schizophrénie de ces mondes. Celui que dépeignent les frères Dardenne dans « Deux jours, une nuit » est également malade. On demande de choisir à des ouvriers peu fortunés entre une prime et le maintien dans leur équipe d’une collègue qui vient de sortir d’un long arrêt maladie pour dépression. Ils choisiront leur prime. Alors va commencer pour Sandra, interprétée par Marion Cotillard, une quête pour tenter de convaincre ses collègues le temps d’un week-end de changer d’avis. La dépression est montrée ici comme toujours avec les frères Dardenne sans esbroufe : on est loin des démonstrations hystériques de la folie de Cronenberg. Pour obtenir ce résultat, l’actrice a dû travailler avec une grande précision sur le débit de parole, la façon de se tenir, de marcher afin d’incarner véritablement le poids de la dépression et la lutte pour la combattre. Cette composition est d’autant plus à saluer que ce personnage d’ouvrière est très loin du quotidien de Marion Cotillard et de sa propre personnalité. Ainsi, encore une fois,  l’air de rien « Deux jours, une nuit » est un film évoquant la maladie psychiatrique qui en filigrane est une réflexion sur le métier d’acteur. 

Que dis-je c’est une fugue !

Quittons le cinéma pour la bande dessinée où là aussi la folie peut être à l’honneur de façon inattendue. Ainsi, « Le Captivé », de Christhian Durieux (au dessin) et de Christophe Dabitch (au scénario) raconte l’histoire vraie d’Albert Dadas, cet homme atteint de la « folie du fugueur » pris en charge en 1880 à Bordeaux par un psychiatre, Philippe Tissier. Celui-ci en fera son sujet de thèse et à partir de ce cas d’étude proposa de nouvelles théories, différentes de celles de Charcot. Le cadre de la bande dessinée permet de bien exprimer le contraste entre une merveilleuse liberté (parfaitement dite par la beauté des dessins) qui devient cependant un enfermement (symbolisé par les cases) quand on ne peut la réprimer. 

Ainsi, qu’il s’agisse du théâtre, du cinéma ou de la bande dessinée, si l’art s’empare sans doute autant de la folie, c’est à la fois parce qu’il l’abrite souvent en son sein mais aussi parce qu’il lui permet sa plus belle expression. 

Théâtre : 
« Cyrano de Bergerac », d’Edmond Rostand, mise en scène de Dominique Pitoiset, théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75005 Paris, jusqu’au 28 juin. 

Cinéma : 
« Maps to the Stars », de David Cronenberg, sortie le 21 mai, 1h51.
« Deux jours, une nuit  », Jean-Pierre et Luc Dardenne, sortie le 21 mai, 1h35.

Bande dessinée : 
« Le captivé », de Durieux et Dabitch, Editions Futuropolis, 120 pages, 19 euros.
Aurélie Haroche

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