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mardi 22 avril 2014

L’immersion dans un asile de fous de la pauvre province chinoise du Yunnan




FENG AI (‘TIL MADNESS DO US PART) de Wang Bing
Par  le  -
L’immersion dans un asile de fous de la pauvre province chinoise du Yunnan : Feng Ai est littéralement un film de dingues réalisé par un cinéaste fantôme, une œuvre colossale, hors-norme et inédite à bien des niveaux, qui n’a même pas conscience de l’être.
Chaque année, en mars, se déroule au Centre Pompidou le festival Cinéma du réel. L’auteur de ces lignes doit avouer n’avoir jamais vraiment saisi le sens de ce label. Que l’on soit simplement dubitatif (une expression pour contourner le mot « documentaire » ou ne pas réduire la manifestation à ce seul genre ?) ou élève de Bazin (le cinéma est « ontologiquement » réaliste), il y avait de notre part un flottement quant à cette notion. Il n’a plus lieu d’être. Nous savons précisément ce qu’elle désigne, grâce à Wang Bing et à ceux qu’ils filment. Le talent du cinéaste chinois n’est plus à démontrer. On a pourtant le sentiment qu’il franchit un nouveau palier avec Feng Ai.

Jamais nous n’avions vu film résultant d’un tournage à l’impact nul sur son environnement.

FENG AI / 'TIL MADNESS DO US PART de Wang BingLa raison en est simple : en s’installant dans un asile de fous, Wang Bing se confronte à des personnes n’ayant aucune pudeur, car aucune conscience du regard d’autrui, donc aucune conscience de la caméra. Les internés se déshabillent, pissent dans une bassine au pied de leur lit, s’arrosent à un robinet, sans exhibitionnisme et avec une innocence gênante. C’est terrible et beau à la fois. C’est beau, parce que l’écran tombe. Il n’existe plus, il devient une vitre sans tain à travers laquelle nous observons les fous sans qu’ils le sachent. Jamais nous n’avions vu film résultant d’un tournage à l’impact nul sur son environnement. Le « cinéma du réel » est là : dans cette expérience inédite frôlant le surréalisme, puisque de A à Z conditionnée par la frénésie et la désorientation de ses sujets, et suivie par un cinéma qui semble être là sans être là. C’est terrible, parce que rien ne protège jamais ces personnes de la caméra. Elles se retrouvent à la merci totale du filmeur (les très rares adresses à l’opérateur viennent des visiteurs). Ce serait voyeuriste et détestable si la transparence d’autrui aux yeux des internés ne finissait par gagner le cinéaste.

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