C’est un homme d’un certain âge, les cheveux blancs. Pendant des années, Paul Manni était patient advocate, dans un hôpital psychiatrique aux Pays-Bas. C’est un métier unique. Il y en a 55 comme lui, aux Pays-Bas, pour suivre les 75 institutions de santé mentale du pays. En France, on dirait «personne de confiance», même si ce n’est pas tout à fait la même chose. C’était le thème d’un colloque qui s’est tenu vendredi au ministère de la Santé intitulé : «La personne de confiance en psychiatrie».
Les Pays-Bas sont un bel exemple : depuis une loi datant de vingt ans, tout établissement de santé mental se doit d’avoir un homme, payé par une fondation extérieure, dont la seule fonction est de défendre les malades hospitalisés. «Cette personne doit être indépendante, elle est libre, peut aller dans n’importe quel lieu de l’hôpital et rencontrer n’importe quel patient qui le demande», explique Paul Manni. Son boulot est de«porter assistance au malade» :«Chaque fois qu’un patient a besoin d’une information ou veut se plaindre, alors je le rencontre.»

«Plaintes». Et cela marche. En moyenne, chaque patient advocate reçoit cinq plaintes ou demandes par jour. En 2012, les Pays-Bas en ont recensé 23 470. En France, toute chose égale par ailleurs, cela ferait près de 100 000 plaintes. «En moyenne, décrit Paul Manni, 26% des plaintes ont un rapport avec le traitement que reçoit le patient, 12% tournent autour d’un problème d’attitude de l’équipe soignante, 9% concernent l’hôtellerie, 9% les problèmes des limitations de liberté, et 5% enfin touchent aux mesures d’isolement que subit le patient.»
«Ce système-là a peut-être ses limites, mais quel changement s’il existait quelque chose de similaire en France !» a réagi Claude Finkelstein, longtemps présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), à l’origine de ce colloque. Dans le beau pays des droits de l’homme, la loi de 2002, dite Kouchner, a institué la possibilité pour tout patient de nommer un membre de sa famille, un proche ou son médecin traitant pour l’accompagner dans ses soins et le défendre. Et dire ce qu’il pense quand il n’est plus en état de l’exprimer, que la maladie soit somatique ou mentale.
Aujourd’hui - douze ans plus tard - cela ne marche pas. Et cela alors que se multiplient les soins sans consentement en psychiatrie. «Le texte n’est pas appliqué», a constaté le député PS Denys Robiliard qui a rendu un rapport sur l’état de la psychiatrie en France. Pourquoi ? Dans les faits, très peu d’acteurs connaissent cette possibilité. «En plus, tous les professionnels de santé confondent proche, personne de confiance, personne à prévenir, le tiers qui demande l’hospitalisation, le tuteur, le curateur, etc. Et, au final, tout se mélange.» Et le député d’ajouter non sans force : «Le patient, quel qu’il soit, est un citoyen, il a des droits. Est-ce qu’il faudrait faire une loi spécifique pour les malades mentaux comme en Hollande ? Je ne le crois pas.» C’est aussi l’avis d’André Bitton, président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) : «On veut l’application du droit commun. Et notre association estime qu’un défenseur des malades par hôpital ne serait pas indépendant, encore plus s’il est payé par l’établissement.»
«Crise». Dans la salle, il y a eu de brèves interventions de malades qui racontaient comment tel tuteur leur refusait d’émettre tout chèque, ou tel autre se plaignait de ne pouvoir téléphoner quand il était hospitalisé. Une autre raconte : «J’avais écrit des recommandations mais, comme elles ne convenaient pas au personnel, ils ont cherché à joindre des membres de ma famille pour avoir leur accord.»«Alors, qu’est ce qu’on fait ?» a lâché Claude Finkelstein. «En situation de crise, quand le patient n’est plus du tout lui-même, comment défendre ses droits ? Bien souvent, il en a besoin, parce que quand on est malade on est toujours seul.»