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vendredi 7 février 2014

L'ouverture de l'accès aux données de santé nécessite de repenser la gouvernance

La mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques a procédé le 6 février aux auditions sur l'accès aux données de santé. Les discussions ont fait émerger différents leviers et problématiques dont celui de la gouvernance.
Créée à l’initiative du groupe écologiste, la Mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques (MCI) a été mise en place le 11 décembre 2013 par le Sénat pour réfléchir notamment à la généralisation de la diffusion de la donnée publique (lire ci-contre). Le 6 février, la MCI a auditionné dans ce cadre des membres du collectif Initiative transparence santé* et la Mutualité française sur l'accès aux données de santé. Outre la plaidoierie pour un accès libre et encadré à ces données, les acteurs interrogés ont d'abord insisté sur les difficultés d'y accéder.

La France frileuse

Lors de cette audition, Danièle Desclerc-Dulac, vice-présidente, représentante du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) à l'Institut des données de santé (IDS), a rappelé que toutes les associations n'ont pas encore accès aux données de santé, ce qui, concrètement, les empêche de jouer leur rôle tel qu'il est défini dans la loi du 4 mars 2004. De son côté, Erwan Le Fur, journaliste, a témoigné du refus de l'assurance maladie de lui délivrer à l'occasion d'un article les données sur la consommation de Médiator par département au motif qu'un procès est en cours. Un motif cassé par la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) mais qui n'a toujours pas permis au journaliste d'accéder aux données, l'assurance maladie restant muette aux demandes, a-t-il précisé. Sur ce terrain de la donnée de santé, la France est frileuse. Méfiante, elle préfère souvent jouer la carte de la protection de la confidentialité au détriment de l'usage de ces données, comme l'a expliqué Didier Sicard, président d’honneur du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Et pourtant les arguments en faveur de leur utilisation ne manquent pas : financier, économique, sur la qualité des soins, l'information des patients... "Il faut que les pouvoirs publics cessent d'avoir peur", a ajouté Erwan Le Fur. Car, au-delà de l'argument journalistique, se cachent des enjeux de santé publique, a rappelé Jean de Kervasdoué, économiste et professeur et titulaire de la chaire d’économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). 

La place de l'IDS...

Avec les données de santé, la France pourrait mieux soigner, a-t-il indiqué. Si l'anonymisation de celles-ci est fondamentale, a souligné Jean-Jacques Hyest, sénateur (UMP, Seine-et-Marne) et président de la MCI, elle ne doit pas devenir un frein à leur exploitation. Comme l'a rappelé la représentante du Ciss, il faut d'ailleurs conforter l'impossibilité de ré-identifier les patients à partir des données. Un point qui soulève la problématique de l'exploitation de ces données : qu'en faire ? Qui y a accès ? Pourquoi ? Autant de questions qu'il convient de se poser. Car il existe un travail en amont d'anonymisation et de protection de l'identité qui témoigne de l'importance de la gouvernance. Pour le directeur général de la Mutualité française, Emmanuel Roux, l'IDS doit dans ce cadre devenir le pivot dans la régulation des données de santé. Mais pour le moment, elle manque de moyens alors qu'elle pourrait fournir une expertise dans des domaines variés et qui fait pour l'heure défaut à l'assurance maladie, a indiqué Christophe Lapierre, directeur du département systèmes d’information de santé à la Mutualité française. Par ailleurs, la mise en place de cet institut a permis de "montrer ce qu'est l'esprit de l'open data", a estimé Christophe Lapierre, en faisant émerger de nouveaux besoins et en dépeignant les manques à partir d'une base de données.  

Et le rôle de l'assurance maladie

La problématique des rôles ne se limite pas à celui de l'IDS mais aussi à celui de l'assurance maladie. Les intervenants à l'audition du 6 février se sont montrés critiques vis-à-vis de l'institution, notamment en ce qui concerne l'accès aux données. Par exemple, a indiqué Christophe Lapierre, sur le Système national d'informations inter-régions d'assurance maladie (Sniiram), la logique de propriété de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) soulève le problème du rôle de l'État et du métier de l'assurance maladie dans ce domaine. Étienne Roux a rappelé que l'État doit rester le régulateur sur ces questions. Il existe cependant "une difficulté à appréhender le rôle exact que les pouvoirs publics entendent donner à l'assurance maladie". Car, depuis une dizaine d'années, ce rôle a évolué. Il a été confié à cette institution un rôle d'opérateur de santé qui va au-delà du rôle historique de l'assurance maladie, a-t-il ajouté. Aujourd'hui, avec le sujet de l'accès aux données de santé, s'ouvre donc l'occasion de redéfinir son rôle. Autre proposition, il est essentiel pour Didier Sicard que la Cnam partage avec les mutuelles les connaissances. Il conviendrait aussi que "celui qui héberge les données de santé n'ait pas la gouvernance", a-t-il estimé. De son côté, le Ciss explique qu'il faut aussi clarifier la conduite dans l'accès à ces données. Jean de Kervasdoué, lui, est allé plus loin en proposant de prévoir les peines pour tout mésusage des données de santé. 

Le président du CCNE a rappelé que, pour les pays qui ont ouvert l'accès, aucun grand procès impliquant un scandale de santé issu de l'utilisation des données n'a eu lieu. En France, comme le rapporte Le Monde, un blogueur-hacker-journaliste vient d'être condamné pour vol de documents et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données à 3 000 euros d'amende. Son crime ? Avoir téléchargé 8 000 documents internes de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), disponibles sur Google sans identifiant ni mot de passe. 

Géraldine Tribault

* Les personnes auditionnées par la MCI : Danièle Dessclerc-Dulac, Patrick Guérin, président de Celtipharm, Yann Aube, directeur associé de Celtipharm, Thomas Laurenceau, rédacteur en chef de la revue 60 millions de consommateurs, Erwan Le Fur, journaliste, Didier Sicard, Jean de Kervasdoué. Et pour la Mutualité française : Emmanuel Roux, Vincent Figureau, responsable du département des relations institutionnelles nationales à la direction des affaires publiques, Christophe Lapierre et Mathieu Cousineau, responsable du pôle métiers assurance à la direction de la santé. 

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