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jeudi 16 janvier 2014

«Le patient ne se réduit pas à ses soins»

ERIC FAVEREAU


Tim Greacen est un des meilleurs observateurs de l’Assistance publique. Il est le représentant des usagers à l’hôpital Georges- Pompidou. Loin des grandes envolées, il ausculte les pratiques.
Vous avez fait une étude au sein des urgences parisiennes, montrant que le patient attendait deux heures avant qu’on vienne lui dire bonjour. Cela a-t-il changé ?
En majorité, non. Il y a des exceptions comme à Saint-Antoine, mais notre constat est le même : aux urgences, il manque des personnes d’accueil, surtout des personnes formées pour accueillir, qui vont vers l’autre.

C’est-à-dire…
Les gens, quand ils arrivent aux urgences, c’est qu’ils sont malades. Ils sont timides, ils ont peur, ils sont angoissés, ils ont l’impression que les gens qui les accueillent ont la tête derrière leur ordinateur et ont mille autres choses à faire. Les usagers ont le sentiment de déranger. Et que face à eux, il y a un personnel qui n’est pas formé à écouter. C’est cela mon souhait pour les hôpitaux parisiens : qu’ils deviennent accueillants, qu’il y ait des professionnels de santé mieux formés sur le relationnel, et qu’ils soient sélectionnés sur leur compétence dans le relationnel.
Mais cela n’a-t-il pas changé ?
Il y a trente ans, l’hôpital n’écoutait pas et n’informait pas. Depuis le sida, il informe, mais il n’écoute pas.
Que faire, alors ?
A l’AP-HP, ce sont des hôpitaux universitaires : ils devraient mener cette bataille de la formation de nouveaux médecins, de nouveaux infirmiers. Le patient ne se réduit pas à sa maladie ni à ses soins. Que l’assistance publique devienne un lieu d’expertise d’écoute des usagers, et donc de formation.
Vous ne parlez pas des maladies chroniques…
L’hôpital ne se réduit pas aux urgences. Il y a cette prise en charge au long cours et, sur ce point, il y a des choses magnifiques qui sont faites sur le diabète, sur les maladies cardiaques, mais aussi en psychiatrie avec les schizophrènes. Sur ce volet, l’urgence, c’est ce que l’on appellel’empowerment, c’est-à-dire donner le pouvoir d’agir aux patients. Il faut que chaque hôpital contienne un lieu de formation et d’information pour l’usager. Qu’il y ait une cité de la santé, comme celle de la Villette. Pourquoi ne pas transformer l’Hôtel-Dieu en une cité de la santé, un lieu de ressources pour les associations de malades ? Car c’est le patient qui doit se prendre en charge, c’est lui qui a le savoir et l’expérience sur sa maladie. Et l’hôpital doit l’accompagner.
Quid des dépassements d’honoraires dans les hôpitaux ?
Ils restent un problème, avec des dérapages qui se maintiennent. Mais ce qui me scandalise à l’hôpital public, et à Paris en particulier, c’est que les patients privés passent en premier. C’est une honte. Nous sommes dans un lieu public. L’AP-HP devrait devenir un modèle dans la gestion des listes d’attente. Ce n’est pas le cas.
Est-ce qu’en revanche la gestion des conflits est désormais plus transparente ?
C’est mieux qu’il y a dix ans. Cela fonctionne, mais il ne faut pas oublier que la personne qui est partie en courant des urgences parce qu’elle a été mal accueillie, la personne qui est décédée, les SDF, tous ces gens ne vont ni écrire ni se plaindre. La gestion des plaintes ne représente que la partie émergée de l’iceberg des tensions : il faut constamment regarder, observer et avoir un œil extérieur. Et, pour cela, il faut des associations dans les services et non simplement dans les halls des hôpitaux.
Un conseil pour le nouveau directeur de l’AP-HP ?
Vu le parcours de Martin Hirsch, on attend de lui de vrais changements sur les inégalités de santé, et on espère que dans le domaine de l’exclusion, l’AP-HP deviendra enfin un lieu d’excellence et d’expertise.
Recueilli par É.F.

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