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jeudi 9 janvier 2014

L’au-delà de la Révolte

Texte pour le colloque La Révolte, Bruxelles 23 et 24 Novembre 2013 par Patrick Chemla

L’au-delà de la Révolte

D’où me vient ce gout, cette nécessité intime de la révolte et mon irritation, mon étonnement sans cesse renouvelé devant l’acceptation conformiste de ceux que Freud désignait comme la majorité compacte ? On sait que Freud pressentait que sa condition de minoritaire, et je préciserai doublement minoritaire en tant que « juif et juif infidèle » le rendait insupportable pour les antisémites mais aussi pour les religieux.

Les religieux des trois monothéismes d’ailleurs, car je dois à Fethi Benslama d’avoir appris le rejet par le journal égyptien Al Arham des hypothèses freudiennes sur l’homme Moise. L’idée qu’il fut égyptien était donc insupportable, y compris pour des égyptiens qui auraient pu y trouver un signe de fierté nationale, s’ils n’avaient pas été aveuglés par leur fidélité au Coran, qui reprend comme on le sait la tradition de la Torah, et donc le camouflage textuel du meurtre par les juifs, de cet « homme Moise » que Freud appelle le « Grand Etranger »…
Je dois dire que je me replonge dans ce grand texte freudien (L’homme Moise et le Monothéisme) de façon symptomatique à chaque fois que l’enjeu de la transmission me revient de façon toujours plus inquiète.

Sans doute dans la mesure où j’y trouve l’infini courage de l’homme Freud, qui au seuil de la mort, ne peut renoncer à son travail de recherche malgré la maladie, les menaces qui rodent sur l’avenir de la psychanalyse, l’existence même du peuple Juif et l’avenir même de l’humanité. L’inquiétude de la trahison/au peuple juif plane sur ce texte qui est pourtant l’exemple même d’une tentative de transmission in fine d’une posture très particulière : celle d’un juif qui ne renie en rien sa judaïté sans pourtant arriver à en préciser la teneur, mais qui ne lâche rien sur sa critique du monothéisme et de l’aliénation religieuse.

A l’inverse de nombre d’analystes qui ont opéré de nos jours un retour au religieux, en même temps d’ailleurs qu’ils s’écartaient du Politique, je soutiendrais que cette posture de juif infidèle que nous pourrions décliner sous toutes ses versions dont celle de musulman infidèle, serait un des biens les plus précieux que Freud nous aurait légué en héritage. Un héritage qu’il ne s’agit en aucune manière de faire fructifier sur le mode capitaliste, mais qu’il s’agit de transmettre, c’est-à-dire à réinventer sans cesse.

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