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vendredi 4 octobre 2013

Les chômeurs britanniques de longue durée sommés de se rendre "utiles"

LE MONDE | Par 


res peuvent exiger d'un demandeur d'emploi qu'il effectue un stage de quatre semaines | Reuters/LUKE MACGREGOR

Nicolas Sarkozy parlait de "la France qui se lève tôt". Les conservateurs britanniques préfèrent évoquer les "gens qui travaillent dur". Ce slogan sur les hardworking people est affiché partout dans la salle des congrès de Manchester, où se déroule actuellement la conférence annuelle des Tories.
Pour traduire ce message dans les faits, George Osborne, le chancelier de l'Echiquier (ministre des finances) a annoncé, lundi 30 septembre, qu'il allait obliger les chômeurs de longue durée à effectuer des travaux d'intérêt général, sous peine de se voir supprimer leurs allocations.
"Ils devront faire un travail utile, pour redonner quelque chose à la communauté : faire des repas pour les personnes âgées, ramasser les ordures, travailler pour une association caritative locale. (...) Personne ne sera ignoré ou laissé sans aide, mais personne n'obtiendra quelque chose sans rien donner en échange", a déclaré M. Osborne, sous les applaudissements.

200 000 PERSONNES CONCERNÉES
De fait, forcer des chômeurs à effectuer des travaux d'intérêt général n'est pas nouveau au Royaume-Uni. Depuis 2011, un programme similaire a été lancé. Les JobCentres - équivalent de Pôle emploi - peuvent exiger d'un demandeur d'emploi qu'il effectue un stage de quatre semaines, qui peut aller de remplir des rayons de supermarché à aider une association caritative. Un refus provoque la suspension de l'allocation-chômage pour trois mois ; un deuxième refus, pour six mois.
Sur les deux premières années du programme, 146 000 chômeurs ont été assignés à un stage obligatoire. Dans les faits, cependant, seulement 53 000 personnes l'ont effectué, sans que la raison de la différence entre les deux chiffres soit claire. Quant aux statistiques sur le nombre de sanctions appliquées, elles ne sont pas disponibles. Le nouveau programme annoncé par M. Osborne, qui débutera en avril 2014, va plus loin, avec un stage de six mois, au lieu de quatre semaines. Il vise exclusivement les chômeurs de très longue durée, ceux sans emploi régulier depuis trois ans. Cela concerne environ 200 000 personnes.
Celles-ci auront trois possibilités. La première sera d'effectuer un travail d'intérêt général ou un stage pendant six mois ; la deuxième, de pointer tous les jours au JobCentre, au lieu d'une fois tous les quinze jours ; la troisième, pour les cas les plus graves - alcoolisme, sévère dépression, etc. - sera de suivre un traitement obligatoire.
Y a-t-il la moindre preuve que ce genre d'obligation aide au retour à l'emploi ? La plupart des spécialistes répliquent par la négative. "Aux Etats-Unis ou en Suède, où ce genre d'expérience a été tentée, la conclusion est que cela a effectivement réduit le nombre de personnes qui touchaient des allocations sociales. Mais ce n'est pas pour autant que celles-ci ont retrouvé un emploi. Que sont-elles devenues ? Elles ont peut-être pris un travail au noir", explique Matthew Oakley, du think tank Policy Exchange.
OBJECTIF AVANT TOUT POLITIQUE
Même la député conservatrice Harriet Baldwin, spécialiste de la question du retour à l'emploi, ne soutient son propre chancelier que du bout des lèvres : "Ce n'est pas un programme qui peut fonctionner pour tout le monde. Cela peut aider ceux qui ont perdu l'habitude de travailler."
Le cas de Cait Reilly, en 2011, avait illustré l'absurdité de certains stages forcés. Cette diplômée de géologie de 22 ans effectuait un travail de volontariat dans un musée, en espérant que cela déboucherait un jour sur un emploi. Mais son JobCentre l'a envoyée de force remplir les rayons d'un supermarché pendant un mois, l'obligeant à abandonner ce volontariat. Pour elle, il s'agissait d'une expérience inutile, sans relation à sa formation.
Dès lors, pourquoi étendre ce programme visant les chômeurs ? L'objectif est avant tout politique. "Le soutien du grand public à l'Etat providence est en forte baisse, explique M. Oakley. Il faut reconstruire ce soutien. Montrer qu'il est important que ceux qui en bénéficient donnent quelque chose à la société."
Le nouveau plan ne vise donc pas tant les chômeurs que ceux qui financent les allocations en payant leurs impôts.


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