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dimanche 6 octobre 2013

La mauvaise surveillance du médicament, un mal français

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 
Deux rapports dressent un constat accablant des organismes sanitaires et du manque de culture de santé publique dans notre pays.
Marisol Touraine a de la lecture. La ministre des affaires sociales et de la santé a reçu, mercredi 11 et lundi 16 septembre, le rapport sur la "réorganisation des vigilances sanitaires" et celui sur la "surveillance et la promotion du bon usage du médicament". Le premier est rédigé par le directeur général de la santé, le docteur Jean-Yves Grall, et le second par les professeurs Bernard Bégaud et Dominique Costagliola, pharmacologues et épidémiologistes.
La vigilance du médicament avait été réformée après le scandale du Mediator. Pourtant, l'ampleur de la prescription de pilules de 3e et de 4egénération, présentant plus de risques thrombo-emboliques sans bénéfice thérapeutique supplémentaire par rapport aux pilules plus anciennes, n'a pas été détectée par l'agence chargée de la sécurité des médicaments : les améliorations apportées par la loi Bertrand du 29 décembre 2011 étaient insuffisantes. Si les autres pays développés connaissent, eux aussi, le problème de prescriptions inappropriées (20 % en moyenne), "la France est l'un des pays dans lequel les prescriptions et l'usage irrationnels sont les plus prévalents", déplore le rapport Bégaud-Costagliola.

Les deux auteurs dressent un constat accablant qui se situe dans le fil du rapport "La pharmaco-épidémiologie en France. Evaluation des médicaments après leur mise sur le marché", qu'ils avaient remis en janvier 2006 et qui avait pris la poussière dans un tiroir. Soulignant le retard français en matière de surveillance de la consommation de médicaments, ils en évoquent, dans leur rapport 2013, les causes probables : "L'organisation de notre système de soins et de remboursement ainsi que [le] faible niveau de culture de santé publique qui caractérise notre pays".
Plutôt que la création d'une nouvelle agence dans un paysage déjà encombré, les auteurs proposent notamment de "créer une structure d'interface organisant et facilitant l'accès aux différentes sources de données existant en France". Ils suggèrent également de "refonder la formation sur le médicament aux cours des études médicales" et d'adapter la formation continue des médecins. Enfin, ils avancent l'idée d'un"portail d'information unique servant de référence aux professionnels de santé".
L'initiative "transparence santé", qui défend le libre accès de la société civile et des sociétés privées aux données sur l'offre de santé, se réjouit d'un "constat évident". Elle reproche au rapport Bégaud-Costagliola "des solutions d'un autre âge", estimant que "les pouvoirs publics ont largement fait la preuve de leur incapacité à assurer un pilotage efficace de la politique du médicament et, de fait, à assurer la sécurité des citoyens".
PAS DE COHÉRENCE GLOBALE
L'un des problèmes majeurs rencontrés dans le dispositif de sécurité sanitaire est celui de la remontée de l'information sur les événements indésirables. Une minorité de ceux-ci sont signalés par les professionnels de santé. Le rapport Grall parle d'une "sous-déclaration endémique" avec seulement 24 % de déclarations systématiques par les médecins libéraux et hospitaliers.
Il critique un système de surveillance sanitaire "construit par strates successives", "sans cohérence globale" et inadapté "à la déclaration des citoyens et des professionnels de santé", avec "un éclatement de la gestion des missions de surveillance sanitaire", même si deux agences nationales, l'Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) et l'Institut de veille sanitaire (InVS), "concentrent plus de 90 % du périmètre de la surveillance sanitaire". Il semble cependant que la vigilance à l'égard de risques alimentaires et environnementaux prenne une place de plus en plus grande dans la sécurité sanitaire.
Le rapport recommande de "réorganiser les missions et l'expertise au plan national", avec une agence pivot, "l'ANSM élargie", une "agence vigie", l'InVS, "renforcée, notamment sur les compétences infectieuses" et une"Haute Autorité [de santé] sous contrat avec l'Etat pour des objectifs de pertinence et d'analyse des prises en charge".
Le rapport Grall met en lumière le fait qu'en région "les acteurs sont multiples, de répartition hétérogène". Il préconise donc notamment d'"optimiser et simplifier le dispositif de surveillance sanitaire en permettant à l'Agence régionale de santé d'assumer pleinement ses responsabilités de veille et de sécurité sanitaires sur son territoire".

"Les deux rapports sont convergents, remarque Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé de Sciences Po et qui fut le premier directeur de l'Agence du médicament. L'accent mis sur la formation des professionnels de santé, dans le rapport Bégaud-Costagliola, et la volonté de développer le niveau régional de la vigilance sanitaire, au plus près du terrain, dans le rapport Grall, renvoient au même problème : celui du manque de culture de santé publique dans notre pays." Reste à savoir ce que la ministre des affaires sociales et de la santé fera de ces recommandations.

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