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lundi 16 septembre 2013

La "théorie du genre", nouvel ennemi de l'ordre "naturel"

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Après le mariage gay, sus à la "théorie du genre" ! La Manif pour tous appelle les parents à rejoindre des comités "vigilance gender" dans les établissements scolaires. "Parents ! Attention ! L'école va inciter votre enfant dès 6 ans à choisir sa future orientation sexuelle !" avertissait, lors la rentrée, un collectif de parents devant une école de Pau. En cause, un programme d'éducation à l'égalité entre les sexes, l'ABCD de l'égalité, qui doit être expérimenté dans dix académies à partir de janvier 2014.


Dès décembre 2012, des députés de droite réclamaient la création d'une commission d'enquête sur la diffusion de la "théorie du genre", un"bouleversement de notre contrat social", selon Xavier Breton (UMP). Selon cette "théorie", "rien ne distinguerait un homme de genre féminin d'une femme" ou "une femme de genre masculin d'un homme", poursuivait M. Breton.
De quoi s'agit-il en réalité ? Les chercheurs spécialistes de la question sont unanimes : il n'existe pas une "théorie du genre", mais des "études de genre". Le genre est un concept utilisé dans les sciences sociales. Il désigne "tout ce qui, dans la construction de l'identité dite sexuelle et dans la formation de la division entre les sexes, relève de mécanismes d'ordre social et culturel", résume Anne-Emmanuelle Berger, directrice de l'Institut du genre, créé par le CNRS, qui fédère la recherche dans ce domaine.
"LES CHOSES NE SONT PAS IMMUABLES"
Les premiers à effectuer une distinction entre sexe et genre ont été des médecins américains qui travaillaient, dans les années 1950, sur l'intersexualisme (ou hermaphroditisme) et sur le transsexualisme. "Ils ont montré qu'il n'y avait pas nécessairement coïncidence entre le sexe biologique et le genre d'un individu, explique Mme Berger. Ainsi les transsexuels peuvent-ils affirmer que leur identité de genre ne correspond pas à leur sexe."
Par la suite, dans les années 1970, les féministes se sont emparées de cette distinction. "Elles ont vu le parti qu'elles pouvaient en tirer, poursuit Mme Berger. La notion de genre sert à 'dénaturaliser' la division des rôles dans la société, au travail et au sein de la sphère domestique. Elle permet de montrer qu'elle n'est pas un fait de nature mais de culture. Faire le ménage ou élever des enfants sont des tâches sociales, qu'aucune programmation biologique n'assigne en propre aux femmes..."
"Les études de genre s'intéressent à la façon dont la société façonne les identités et les comportements, ajoute la sociologue Laure Bereni. Elles postulent qu'il n'y a pas de déterminisme biologique en la matière. Dès lors, si les choses sont socialement construites, c'est qu'elles ne sont pas immuables, qu'on peut les contester."
SUITE LOGIQUE À L'OPPOSITION AU MARIAGE POUR TOUS
Il ne s'agit pas pour autant de nier la différence des sexes. " C'est absurde, aucun universitaire ne dit cela, observe Réjane Sénac, chargée de recherche CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof). C'est confondre la déconstruction des inégalités avec celle des différences."
La lutte contre la "théorie du genre" est une suite logique à l'opposition au mariage pour tous. Dans les cortèges et les débats parlementaires, les opposants n'ont cessé d'en appeler au respect d'un ordre "naturel", à la"différence" et à la "complémentarité" entre les sexes, piliers de la famille composée d'un père, d'une mère et des enfants (toujours cités dans cet ordre). La crainte d'une indifférenciation sexuelle rampante était sur toutes les lèvres. La lutte contre "le genre" relève de la même crainte de voir l'ordre familial traditionnel bouleversé.
La lutte contre les stéréotypes sexistes, nouvel objectif fixé par le gouvernement pour arriver à l'égalité entre les sexes, découle d'un certain point de vue de ces études de genre – bien que les politiques prennent soin de rester à distance de ce champ de recherche.
OUVRIR LE CHAMP DES POSSIBLES AUX DEUX SEXES
L'objectif de programmes comme l'ABCD de l'égalité est de remettre en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Par exemple, les filles, encouragées à jouer à des jeux plus doux, sont plus sages alors que chez les garçons, il est considéré comme normal qu'ils soient plus turbulents.
Par la suite, elles se tournent davantage vers les métiers de soins peu qualifiés et moins payés, elles délaissent les filières scientifiques malgré de bons résultats scolaires, ce qui perpétue la division traditionnelle des rôles...
Lutter contre ces réflexes dès le plus jeune âge pourrait effectivement changer les choses. L'objectif est d'ouvrir le champ des possibles aux deux sexes afin de leur donner les mêmes chances ultérieurement. Pas de les encourager à changer de sexe ou à "choisir" une orientation sexuelle qui, même si elle est assumée, ne relève jamais d'un choix.

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