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mardi 27 août 2013

Au sein de la prison de Châteaudun, un concentré d'"ultraviolence"

LE MONDE | Par 
Deux jours, deux mutineries. Il était près de 14 heures, mercredi 21 août, lorsqu'une trentaine de détenus du centre de détention de Châteaudun (Eure-et-Loir), répartis dans deux cours pour la promenade, se sont réunis de chaque côté du grillage et l'ont fait tomber. Ils se sont ensuite dirigés vers la zone neutre de la prison, saccageant les grillages qui leur barraient la route. Avant de caillasser les surveillants, qui ont répliqué par des tirs de Flash-Ball. Les mutins furent maîtrisés en fin d'après-midi par les équipes régionales d'intervention et de sécurité appelées en renfort.

La veille, une vingtaine de détenus avaient escaladé les grillages de la même cour de promenade et s'étaient dirigés vers un poste de commandement du système informatique qu'ils avaient tenté d'incendier. N'y parvenant pas, ils avaient grimpé sur les toits et lancé des dalles pour briser les vitres. Cinq d'entre eux avaient été placés en garde à vue. Certains avaient atterri au quartier disciplinaire.
Comment expliquer ces deux émeutes rapprochées à Châteaudun, alors qu'une autre était survenue lundi 19 août dans la maison d'arrêt de Blois ? Une soixantaine de détenus avaient mis à sac un secteur de la prison après la mort d'un détenu en cellule.
"De nombreux détenus qui étaient à l'origine de la mutinerie de Blois ont été transférés là. Ils ont certainement voulu remettre ça, explique Olivier Caquineau, secrétaire général adjoint du syndicat Snepap. La crainte, c'est que les mutineries se répandent. "
Avec cette série d'incidents, la tentation est forte chez les syndicats pénitentiaires de tirer des conclusions politiques et de fustiger, au passage, la réforme pénale voulue par la garde des sceaux, qui prévoit de rompre avec le "tout carcéral". "Au vu des messages d'impunité envoyés par Christiane Taubira, les mutins n'ont pas eu de mal à fédérer à nouveau", affirme-t-on ainsi au Snepap.
"PHÉNOMÈNE DE 'BANDES'"
Si ces scènes ont pu se reproduire quasiment à l'identique le lendemain, la faute en revient à "l'angélisme" des directives, estime David Daems, secrétaire national de FO-Pénitentiaire. "Il aurait dû y avoir des sanctions. Au lieu de ça, ils ont réintégré leur cellule comme si de rien n'était."
Aucune revendication ne semble ressortir des violences à Châteaudun, un centre de détention rural créé en 1991, épargné par la surpopulation qui gangrène les prisons françaises. Ici, on compte 587 détenus pour 600 places.
Pourtant, cette double mutinerie n'"étonne pas du tout" François Korber, délégué général de l'association de défense des prévenus Robin des lois. Elle est selon lui symptomatique du "concentré de l'ultraviolence"qu'accueille la prison. "Depuis dix ans se déverse là toute la misère de l'Ile-de-France. L'établissement est composé à 80 % de jeunes des cités de la banlieue parisienne, qui y transposent leurs codes, la violence, le non-droit", souligne l'ex-détenu de Châteaudun.
Stéphanie Tenaillon, à la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), confirme qu'il peut y avoir "des phénomènes de "bandes""."L'administration pénitentiaire lutte contre ces phénomènes, ce qui peut parfois provoquer de l'agitation en détention." La DAP refuse le terme de "mutinerie" pour Châteaudun et préfère celui d'"émulation".
Surpeuplées, les prisons franciliennes comme Fresnes renvoient régulièrement leurs détenus purger leurs peines dans ce centre. Fin 2012, l'histoire rocambolesque de Stéphane Raye, surnommé "l'évadé de Châteaudun" – qui n'était jamais rentré de permission de peur d'être tué par ses codétenus –, avait souligné l'insécurité qui y règne. "Les dealers tiennent la taule, ceux qui leur résistent se font massacrer", avait alors raconté Stéphane Raye. Comme en juillet 2006, où un prisonnier de 29 ans est mort poignardé par un codétenu. Ou en janvier 2011, lorsqu'un surveillant de 37 ans s'est suicidé après avoir été agressé à cinq reprises.
"C'est la seule prison où les gendarmes sont obligés de raccompagner les familles sur le parking pour éviter qu'elles ne subissent trop de pressions de la part des complices des détenus", reprend François Korber. Dans ce centre où l'on effectue surtout des peines inférieures à un an, "les carottes habituelles pour tenir les détenus, les priver de tel ou tel objet de l'extérieur ou leur interdire une permission ne marchent pas", poursuit-il.
Une situation qui inquiète. Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, doit transmettre à la chancellerie dans les semaines à venir un rapport sur la sécurité à Châteaudun.

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