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mardi 16 juillet 2013

Juste un mot... Tuparkan

M le magazine du Monde | Par 
C'est de saison. Pas moyen d'y échapper. Depuis un bon mois j'entends partout "...et toi, tuparkan ?" Je ne me plains pas : en général, ces interlocuteurs me veulent du bien. La preuve ? La plupart du temps, ils ajoutent : "Parce que t'as l'air d'avoir besoin de vacances, toi, hein !"Merci, vieux, je sais que j'ai la tête de quelqu'un qui a passé son week-end dans une essoreuse, mais ça va, je vais essayer de tenir jusqu'à ce soir.
"Tuparkan" est un son qui s'épanouit tout particulièrement entre une fin de printemps pourri et un début d'été menaçant. Il va bien avec les remarques ineptes sur le mauvais temps ("fépabô", "vapaferbô", "paréksavaduré"...). Oui, je sais – nous savons tous –, qu'il a beaucoup plu ces derniers mois ; pas la peine d'en rajouter. Les remarques lourdingues comme "Beau temps pour un mois de novembre !" ne font plus rire personne.
Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à une de mes consœurs du quatrième étage (elle se reconnaîtra) qui, récemment, à l'aube, alors que nous entrions en paquet dans l'ascenseur, trempés et sentant le métro mouillé, déclara haut et fort : "Je propose qu'on évite désormais de parler météo dans l'ascenseur." Merci à toi, héroïne du quotidien.

"Tuparkan" est un rite, un propos d'ascenseur justement. Il a un petit frère qui vient en général juste après, c'est : "Tuvaou." Notons que cette dernière interrogation, posée en général avec un large sourire, est risquée. La réponse qu'on n'a certainement pas envie d'entendre est : "Nulle part, cette année c'est la dèche" ou "Je reste à Romorantin, ma mère a Alzheimer." D'où le contournement, par le truchement du prudent "tuvakekpar" qui sent sa crise économique. Les Anglo-Saxons appellent cela du small talk, le service minimum de la conversation, le degré zéro de l'échange entre adultes responsables.
DÉCONNECTÉ
"Tuparkan" et "tuvaou" sont toujours associés à des injonctions plus ou moins heureuses. Par exemple : "Profites-en bien, hein !" (merci, oui, je vais essayer), "Tu vas bien te reposer, hein !" (non, je fais du canyoning) ou, le pire, "Oublie-nous, hein !" Oui, pas de problème, je vais tout oublier... sauf les cinquante mails pro que je vais traiter chaque jour pour que ma boîte aux lettres n'explose pas !
Dans les grandes entreprises d'ailleurs, le chef ne vous demande pas :"Tuparkan", mais "Tuparunpeu ?" Personne n'imagine qu'on puisse rester longtemps loin du bureau, déconnecté, dans la nature, en liberté. Aussi remarque-t-on, quand le patron susurre "tuparunpeu-tuvaou", que beaucoup se croient obligés d'ajouter comme dans un souffle :"Méyalaouifi." Par exemple : "A Ploërmel, méyalaouifi" ou "Dans le Cantal, faire un trek, méyalaouifi" (pas très crédible, ça, remarquez).
La personne qui demande "tuparkan" va, elle, bientôt partir. Elle file sur l'île de Ré ("Noucéré"), au Cap-Ferret ("Noucélcap"), en Grèce ("Labaféchô") ou à Avignon ("Labaféchô"). Et si, à "tuparkan" vous avez le malheur de répondre : "Bah, le 23 août", vous vous attirez l'immonde et dégoulinant "Bon courage" sous l'une de ses deux formes usuelles : "Ah, ben, bon courage, alors" ou "Bon courage, hein !". Que répondre à ça ?

La personne qui part va souvent assister à des festivals et rencontrer d'autres festivaliers. A peine sur place, que lui demandent-ils, juste après la bise ? L'immanquable "téarrivékan". Cela semble très important pour eux, ils veulent absolument savoir depuis quand vous êtes là, le jour, l'heure... "Téarrivékan" : on ne sait pas pourquoi, mais ils doivent le savoir (des statistiques ? un sondage ?). Puis, juste après, ils enchaînent ; plus question là de "tuparkan" ; dans un festival, c'est "étureparkan", car on n'est là que de passage, évidemment. Et l'on s'étonnera, après ça, que nos vacances, entre "ouifi", départs et arrivées, semblent toujours filer trop vite...

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