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samedi 23 février 2013

Un guide en ligne pour en finir avec les examens inutiles


Alors que les radiologues se voient parfois reprocher des actes abusifs, les Sociétés françaises de radiologie et de médecine nucléaire viennent de sortir la deuxième édition du Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale. Un outil, accessible dans ce dossier, qui devrait permettre aux médecins d’optimiser leurs demandes. Même s’il ne prend pas toujours en compte la réalité de terrain et le sous-équipement français en matière d’IRM...

Près de 30 % environ des actes médicaux réalisés ne seraient pas totalement justifiés ! Rappelé la semaine dernière lors des 4es États généraux sur la sécurité des patients organisés par l’association de patients « Le Lien », ce chiffre a remis sur le devant de la scène la question de la pertinence de certains examens complémentaires. Et la radiologie n’a pas échappé à la critique. Pourtant, exigences de sécurité du patient et contraintes financières obligent, la profession planche déjà depuis longtemps sur l’optimisation de ces prescriptions. D’autant que, depuis quelques années, la radioprotection est devenue une préoccupation croissante.
Trois clics pour prescrire à bon escient

C’est dans cet esprit que la Société Française de Radiologie (SFR) et la Société Française de Médecine Nucléaire (SFMN) viennent de diffuser leur nouveau guide du bon usage des examens d’imagerie médicale (cliquez ici pour accéder directement au logiciel). Alors que la version initiale de 2005 avait été essentiellement conçue pour répondre à l’obligation réglementaire européenne de radioprotection*, la nouvelle édition se veut « un véritable référentiel de bonnes pratiques à l’usage des médecins qui sont amenés à demander où à réaliser des examens d’imagerie », explique le Pr Philippe Grenier (SFR) coordonnateur du guide avec le Pr Jean-Noël Talbot (SFMN).

Pour cela, la forme a été entièrement revue et le support papier a laissé place à un logiciel électronique interactif. L’objectif : pouvoir trouver en trois clics l’examen d’imagerie le plus adapté à un patient donné, dans une situation clinique donnée. Pour coller d’avantage à la réalité de terrain, les items abordés ont été modifiés pour 20 % d’entre eux, notamment sur les conseils d’un panel de généralistes. Avec dans certains cas une approche par symptômes plutôt que par pathologie.

Beaucoup de radios standards désormais inutiles

Sur le fond, le contenu a aussi été revisité à la lumière de la littérature et des recommandations récentes. Globalement, les indications des radiographies standards reculent, avec « désormais beaucoup d’items pour lesquels on spécifie clairement que la radiologie conventionnelle n’a plus sa place », explique le Pr Grenier. Ainsi, dans les sinusites aiguës comme dans les sinusites chroniques, la radiographie de sinus n’a plus sa place. Exit donc les fameuses incidences de Blondeau, Hirtz, etc., au profit de la clinique seule pour les formes aiguës non compliquées et de l’imagerie en coupe (scanner, IRM...) dans les autres cas.

Autre repli emblématique : celui de l’ASP qui, conformément aux recommandations de la HAS de 2009, « ne garde plus que très peu d’indications » souligne le Dr Laurent Verzaux, président de la SFR et membre du comité de pilotage du nouveau guide. Dans la même veine, l’urographie intraveineuse « a quasiment disparu ».
L’IRM, oui mais…

À l’inverse, d’autres techniques ont pris de l’envergure. Par exemple, « la médecine nucléaire a vu croître certaines indications de la scintigraphie, notamment dans le domaine de la cardiologie, pour l’évaluation de la perfusion myocardique », analyse le Pr Jean-Noël Talbot. Mais c’est surtout l’imagerie en coupe (IRM ou scanner), plus contributive que la radiologie classique, qui sort grande gagnante de ces évolutions. Avec, notamment, une forte montée en puissance des indications de l'IRM. Radioprotection oblige, le scanner – responsable a lui seul de 58 % de la dose efficace délivrée en imagerie diagnostique – a, en effet, été remplacé par l’IRM dès que possible. La substitution ne doit cependant pas être systématique tempère le Dr Verzaux et, dans certaines situations, le scanner reste l’examen de première intention. Comme dans le domaine pulmonaire où la résonance magnétique en est encore à ses débuts.

Autre bémol : l’accès aux machines d’IRM qui reste difficile dans de nombreuses régions de France avec des délais d’attente pouvant aller jusqu’à 50 jours selon l'association Imagerie Santé Avenir. « Le niveau d'équipement en IRM de la France (9,8 appareils/millions d’habitants) ne permettra pas d'appliquer ces recommandations », regrette le Dr Verzaux, dénonçant « une certaine schizophrénie » de la part des autorités.

Des prescriptions sous pression

Pour le Dr Jean-Yves Hascoet, président du groupe Apimed Bretagne, l’inadéquation entre l’examen idéal et l’équipement disponible compte d’ailleurs parmi les principales causes de prescriptions inadaptées en matière d’imagerie?médicale. « Lorsque le délai pour obtenir l’examen requis est trop long on a facilement tendance à se reporter sur un autre moins adapté mais plus facile d’accès, reconnaît ce généraliste breton, car il est très difficile de faire attendre un patient douloureux ou en situation d’arrêt de travail. »

Un travail mené en médecine générale dans le cadre d’un groupe de pairs sur l’imagerie dans la lombalgie commune de l’adulte a d’ailleurs montré que la pression exercée par les patients sur leur médecin concourt aussi largement à la prescription d’examens d’imagerie injustifiés. Alors que les recommandations préconisent d’attendre plusieurs semaines avant d’envisager une exploration, « les patients ne comprennent pas qu’on puisse les laisser avoir mal sans faire d’examen et la recommandation est très difficile à tenir », résume le Dr Hascoet. « La crainte des médecins traitant de voir mis en cause leur responsabilité médicolégale » rentre aussi en ligne de compte.

De même, « les situations d’urgence favorisent les demandes injustifiées » analyse le Dr Verzaux, tout comme la méconnaissance des recommandations et le poids des habitudes. Car, en radiologie comme ailleurs, certains clichés ont la vie dure ! Et si les radios du crâne, longtemps prescrites larga manu en cas de traumatisme crânien semblent désormais tombées en désuétude, les ASP ou les radios de sinus sont encore monnaie courante.

*Suite à une directive européenne, la radioprotection des patients fait partie des obligations légales depuis 2001 et le Code de la santé publique rend obligatoire pour les médecins demandant ou réalisant des examens d'imagerie l'application des principes fondamentaux de justification et d'optimisation.
Bénédicte Gati

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