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dimanche 4 novembre 2012

Parce que mon corps m'appartient

Le Monde.fr | 
Le droit de mourir dans la dignité, l'aide active à mourir, l'euthanasie, le suicide assisté, selon nos affinités sémantiques, ne saurait être une question médicale. Certes, ce droit implique les médecins, qui sont les artisans – au sens noble – de notre choix de fin de vie. Certes, c'est sur la base de leur diagnostic, avec leurs connaissances et leur expertise, que la fin de vie se dessine.
Nous rappelons au passage que la mort est un événement considérable, c'est notre lot commun, notre terme à tous. Gageons que tous les lecteurs de cette tribune seront morts dans une centaine d'années. Alors, autant s'y préparer sereinement.
Ce droit de mourir dans la dignité, dans sa propre dignité, porté depuis 32 ans par l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et qui a fait l'objet de la proposition de campagne n°21 de François Hollande, remporte l'adhésion des Français qui se déclarent très majoritairement favorables à l'euthanasie (entre 86 % et 94 % selon les sondages, de manière constante depuis plus de 20 ans).
Comprenons donc précisément ce dont il s'agit, en dehors de toutes caricatures et de soupçons de vouloir tuer nos chères têtes blanches.
Depuis de trop longues années, depuis que la médecine a fait des progrès considérables et a allongé l'espérance de vie jusqu'à des records, les désirs de vie des femmes et des hommes ont été occultés. "Laissez-nous faire, nous savons ce qui est bien pour vous", nous dit-on dans nos vastes hôpitaux et d'une technologie parfois effrayante.
Pourtant, la seconde loi Kouchner, celle du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, avait renforcé les droits du patient. Forts de l'expérience des années sida, les patients, qui demeurent des citoyens à part entière quel que soit leur état sanitaire, décidaient des protocoles et des thérapies qu'ils auraient à suivre. A leur convenance, bien informés, ils décidaient de ce qui était bon pour eux-mêmes.
Mais quelques années après, une loi votée sans conviction par les parlementaires (plus de la moitié des sénateurs – 175 sur 343 – ont préféré quitter l'hémicycle, ce 12 avril 2005), une loi faite par des par des parlementaires peut-être pour protéger leurs collègues praticiens dans les décisions de fin de vie qu'ils prennent, une loi qui porte le nom de son rapporteur, Jean Leonetti, qui n'hésitait pas à déclarer au magazine Le Point (n°1854) le 27 mars 2008, qu'il lui est arrivé d'arrêter "des respirateurs. Souvent sous la pression car il fallait libérer des lits", cette loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie renversait les rôles et rendait aux médecins leur pouvoir presque absolu sur leurs malades. Pour faire simple, ni les directives anticipées en matière de fin de vie, ni l'avis de la personne de confiance pourtant légalement désignée n'ont une force supérieure à l'opinion et aux choix du médecin.
Ce que nous demandons, comme responsables politiques, comme militants de ce droit de mourir dans la dignité, conformément à l'engagement du président de la République élu le 6 mai dernier, aux revendications des 50 000 adhérents de l'ADMD et des 86 à 94% des Français qui s'y déclarent favorables, c'est que le patient en fin de vie retrouve, pour lui et pour lui seul, sa capacité de choisir et d'énoncer ce qui a sa préférence pour finir ses jours.
Soit, et c'est tout à fait respectable, il demande à être prolongé, parce qu'il est inscrit dans un parcours de vie, spirituel, familial, qui lui commande de voir ce que sera demain. Et il faut refuser les 25 000 décès consécutifs à une décision de limitation thérapeutique prise en réanimation, par des médecins, sur des personnes inconscientes.
Soit, il demande à obtenir une place dans une unité de soins palliatifs pour lesquels les moyens, dans notre pays n'existent pas2, contrairement à ce qui se passe par exemple aux Pays-Bas et en Belgique, pays qui ont légalisé l'euthanasie.
Soit, et c'est le cœur des revendications de l'ADMD, il demande à bénéficier d'une aide active à mourir – euthanasie ou suicide assisté, selon ses capacités à accomplir le geste lui-même – parce qu'il considère que le temps qui lui reste à vivre n'est plus que de la survie et qu'il veut s'en épargner les douleurs et la déchéance.
Ne nous y trompons donc pas. Militer pour le droit de mourir dans la dignité c'est militer pour un cadre légal qui interdise les dérives, la clandestinité et les transgressions qui existent aujourd'hui pour assurer à chacun le libre choix et la libre maitrise de son propre parcours de fin de vie lorsque la mort, inéluctable, se profile au bout de notre chemin.
Après le droit à l'avortement, après l'abolition de la peine de mort, est venu le temps du droit de mourir dans la dignité. C'est une simple question de liberté individuelle et de dignité.

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