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dimanche 7 octobre 2012

Psychiatres, avez-vous le moral ?
Menée auprès de plus de 2 000 personnes travaillant en milieu psychiatrique (1 054 infirmières, 135 médecins, 44 psychologues, 82 « thérapeutes occupationnels » (occupational therapists), 86 travailleurs sociaux, 111 cadres de santé (team leaders, services managers), etc.), une étude britannique évalue le sentiment de « bien-être » et de « satisfaction » des personnels exposés à la détresse d’autrui, ainsi qu’à leur propre stress et « parfois à des menaces » dans leur activité professionnelle.

Décrite dans The British Journal of Psychiatry, cette enquête y fait également l’objet d’un éditorial intitulé « Où sont les hypothèses quand on en a besoin ? »[1] Cette question du «moral des troupes » est importante, car les aidants (quelle que soit leur fonction) doivent se sentir eux-mêmes « bien dans leur peau » pour œuvrer efficacement. Pour les auteurs, c’est d’ailleurs un « problème pressant » dans les services de santé mentale au Royaume Uni (et bien sûr ailleurs), en particulier dans les structures d’hospitalisation aiguë. Et au lieu d’interpréter systématiquement les difficultés des professionnels en termes de « demande de soutien » (comme dans les préconisations récurrentes d’analyses de pratiques, en France), il conviendrait « simplement d’être honnête à propos de ce qu’on attend des personnels » et surtout de cesser le feu nourri des « critiques et de la réorganisation permanentes » des services de psychiatrie.

Cette étude révèle « deux composantes principales » déterminant le moral des professionnels : l’une « paraissant refléter leur tension émotionnelle », et l’autre « un engagement positif dans leur travail. » En analyse de régression multiple [2], on observe ainsi une tension émotionnelle plus importante chez les personnels qu’on appellerait en France les équipes de secteur extrahospitalières (community mental health team, CMHT) et chez ceux des unités de soins psychiatriques intensifs (psychiatric intensive care unit, PICU), chez les professionnels les moins expérimentés (ayant moins de 45 ans), les moins autonomes, ou en cas de « soutien limité » des collègues, de la hiérarchie ou des gestionnaires. À l’inverse, l’engagement le plus positif est observé quand l’autonomie du personnel est élevée, quand le soutien d’une équipe est manifeste, chez certains membres de « communautés ethniques, Noirs ou Asiatiques » (travailleurs vraisemblablement très motivés pour s’intégrer dans la vie professionnelle britannique), chez les cadres de santé et les psychiatres eux-mêmes (sans doute aiguillonnés par une motivation pour leur métier et des responsabilités accrues) et paradoxalement (car on verrait a priori dans l’expérience des vertus stimulantes, plutôt qu’une source de désabusement !) une plus faible ancienneté dans la fonction (shorter length of service).

[1] Tom Burns : “Where are the hypotheses when you need them?” Br J. Psychiatry 2012; 201: 178–179.
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gression_lin%C3%A9aire_multiple
Dr Alain Cohen
Johnson S et coll.: Morale in the English mental health workforce: questionnaire survey. Br J Psychiatry, 2012; 201: 239–246.

Publié le 04/10/2012

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